Le syndrome d’apnées obstructives du sommeil (SAOS), qui se caractérise par l’obstruction des voies aériennes supérieures, est une cause fréquente de troubles du sommeil, somnolence diurne et hypoxémie. Associé à une morbidité cardiovasculaire et métabolique accrue, le SAOS touche environ 7 % des femmes et 15 % des hommes à l’échelle mondiale. Le traitement standard est la ventilation par pression positive continue (PPC), mais l’adhésion des patients est souvent insuffisante, notamment à cause du caractère contraignant de l’appareil, et aucun traitement pharmacologique n’est actuellement autorisé sur le marché.
Le sultiame, un inhibiteur de l’anhydrase carbonique (enzyme) utilisé jusque-là pour traiter l’épilepsie infantile, a pour effet de stimuler les muscles des voies respiratoires et de modérer la boucle de contrôle respiratoire (« loop gain »), réduisant de ce fait la sévérité du SAOS.
Une étude conduite entre décembre 2021 et avril 2023 a cherché à évaluer l’efficacité et la sécurité du sultiame chez des adultes atteints de SAOS modéré à sévère. Un essai clinique de phase 2, multicentrique, randomisé, en double aveugle, contrôlé par placébo, a été mené dans 28 centres du sommeil de 5 pays européens, dont la France. L’étude portait sur 298 participants souffrant de SAOS modéré à sévère (indice d’apnées-hypopnées = 15 - 50 événements/h), non traités, âgés de 18 à 75 ans (âge moyen ± écart-type = 56,1 ± 10,5 ans ; 26 % de femmes ; IMC moyen ± écart-type = 29,1 ± 3,3 kg/m2). Les participants ont été répartis de manière aléatoire dans 4 groupes suivis pendant 15 semaines dont 3 semaines de titrage :
- groupe 1 (N = 74) : sultiame 100 mg/j ;
- groupe 2 (N = 74) : sultiame 200 mg/j ;
- groupe 3 (N = 75) : sultiame 300 mg/j ;
- groupe placébo (N = 75).
Le critère de jugement principal était le changement relatif de l’indice d’apnées-hypopnées AHI3a, une mesure de la fréquence des pauses respiratoires pendant le sommeil, par rapport à l’inclusion, à la 15e semaine. Une polysomnographie a été réalisée pendant 2 nuits consécutives à l’inclusion puis à la 4e et 15e semaine. 81 % des participants sont allés au bout du traitement. Les interruptions du traitement augmentaient avec la dose du médicament et étaient majoritairement liées aux effets indésirables.
Les résultats de l’étude, parus dans le Lancet en octobre 20251, ont démontré que les patients traités par sultiame, quel que soit le dosage, avaient significativement moins de pauses respiratoires par rapport au placébo. À la 15e semaine, l’AHI3a avait diminué de 16,5 % (IC 95 % = [- 31,3 % ; - 1,4 %] ; p = 0,032) chez les patients du groupe 1 (dose la plus faible de sultiame), et dans les groupes 2 et 3 de, respectivement, 30,2 % ([- 45,4 % ; - 15,1 %] ; p 0,0001) et 34,6 % ([- 49,1 % ; - 20,0 %] ; p 0 0001). Près de la moitié des patients des groupes 2 et 3 (45 % et 49 %, respectivement) présentaient une diminution ≥ 50 % de l’AHI3a ou moins de 15 événements/h. Par ailleurs, le sultiame a permis d’augmenter les niveaux moyens d’oxygène dans le sang chez les patients traités et de réduire significativement la sensation de somnolence en journée chez ceux qui en souffraient à l’inclusion.
Le sultiame était globalement bien toléré. Les effets secondaires, notamment des fourmillements, maux de tête, fatigue et nausées, étaient généralement légers ou modérés. Le dosage à 200 mg/j a montré la meilleure balance efficacité/tolérance.
Cette étude, prometteuse d’après un éditorial paru dans la même revue2, devra être complétée par un essai de phase 3 sur une cohorte de patients plus large afin de vérifier les effets respiratoires bénéfiques du sultiame et de mieux identifier ses effets à long terme, notamment ses éventuels effets secondaires. Par ailleurs, il pourrait être intéressant d’évaluer la pertinence de ce médicament pour le traitement de l’HTA et la prévention des maladies CV chez les patients atteints de SAOS.
2. Schmickl CN, Malhotra A. Drug therapy for obstructive sleep apnoea: promises and challenges. Lancet 2025;406(10514);1928-30.