La sclérothérapie est une technique sûre et efficace qui a fait ses preuves. Elle existe depuis des décennies et ses indications sont multiples. Il est absolument nécessaire de standardiser les pratiques, à l’échelle nationale, européenne, voire mondiale pour que cette technique non seulement perdure et gagne en indications mais surtout ne fasse plus l’objet de controverses.
La pratique de la sclérothérapie s’appuie sur trois piliers :
  • les recommandations européennes ;1
  • les recommandations de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) ;2
  • les Choosing Wisely3 (« Choisir avec soin ») dont la deuxième version a été éditée courant 2023. Elle fait l’objet de recommandations, particulièrement dans le cadre du traitement des varices des membres inférieurs (encadré).1,4
La sclérothérapie est aussi nommée ablation chimique, l’ablation thermique étant rattachée au traitement par radiofréquence, laser ou vapeur et l’ablation physique à la chirurgie.5 La sclérothérapie fait partie des techniques non thermiques non tumescentes de traitement des varices.
L’apparition de la forme mousse pour les agents sclérosants détergents comme le polidocanol (POL) et le tétradécylsulfate de sodium (TDSS) et l’usage d’échographes de plus en plus performants ont permis l’injection des agents sclérosants sous échographie, que ce soit sous forme mousse ou liquide. La forme mousse est préférée car la présence de microbulles d’air rend l’agent sclérosant visible tel un traceur permettant d’augmenter ainsi l’efficacité et la sécurité de la technique.

Trois familles d’agents sclérosants

Les agents sclérosants utilisés sont regroupés en trois familles :
  • les agents détergents : POL et TDSS essentiellement en France avec Aetoxisclérol (POL), FibroVein (TDSS) et Trombovar (TDSS). Le POL et le TDSS peuvent être transformés en mousse. Ces agents dissolvent la membrane cellulaire endothéliale, ce qui permet une dégradation de la média et de l’adventice ;
  • les agents irritants/chimiques : la substance la plus courante est la glycérine chromée (Scleremo). Ces actifs provoquent une dénaturation des cellules endothéliales par effet toxique ;
  • les agents osmotiques : ces solutions salées ou glucosées hypertoniques détruisent la paroi veineuse en la déshydratant. Ils ne sont pas utilisés en France.

Polidocanol

Cet agent sclérosant détergent peut être administré sous forme liquide ou sous forme de mousse.
 

Sous forme liquide

Le volume total recommandé est de 1 à 4 mL de solution injectable par séance, réparti en plusieurs sites d’injection, en respectant des volumes de 0,1 à 2 mL maximum par site d’injection. Le volume maximal à ne pas dépasser est de 4 mL de liquide injecté par séance.
 

Sous forme de mousse

Le volume total recommandé est de 2 à 10 mL de mousse injectable par séance, réparti en plusieurs sites d’injection, en respectant des volumes de mousse de 0,1 à 2 mL maximum par site d’injection.
Le volume maximal à ne pas dépasser est de 10 mL de mousse injectée par séance.
La composition de la mousse est d’une unité de volume de polidocanol et quatre unités de volume d’air stérile.

Tétradécylsulfate de sodium

Autre agent sclérosant détergent, le tétradécylsulfate de sodium peut également être administré sous forme liquide et sous forme de mousse. La dose maximale utilisable est de 10 mL, que ce soit sous forme liquide ou mousse, sauf pour la forme liquide 3 % pour laquelle le volume maximal autorisé est de 4 mL par séance.

Fabrication de la mousse sclérosante

Selon le consensus de Tegernsee de 2004,4 une mousse de sclérosant est une dispersion instable de bulles de gaz dans une solution de sclérosant. La solution doit contenir des molécules tensioactives et le gaz doit être physiologiquement bien toléré.
La mousse sclérosante dispose d’avantages indéniables : allongement du temps de contact de l’agent sclérosant sur l’endothélium, qualité du remplissage de la veine, excellent produit de contraste échographique.

Recommandations de préparation et d’utilisation

Les recommandations européennes indiquent :1
  • l’utilisation d’un robinet à trois voies ou d’un biconnecteur permettant de fabriquer la mousse entre deux seringues (fig. 1) selon la méthode de Tessari ;
  • l’utilisation comme gaz de l’air ambiant (grade 1A), du CO2 ou de l’O2 (grade 2B) ;
  • le ratio liquide/air doit être de 1 + 4 (1 volume de liquide pour 4 volumes d’air) ; le rapport 1 + 5 est également toléré selon les recommandations européennes mais pas en France ;
  • le délai entre la préparation de la mousse et son utilisation doit être le plus court possible ;
  • le volume de mousse injectée par session ne doit pas excéder 10 mL ;
  • la mousse est toujours fabriquée de manière extemporanée.
En France, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) préconise l’utilisation d’un filtre, ce dernier est positionné sur la seringue qui prélève l’air ambiant.

Objectifs de la sclérothérapie, indications et contre-indications

Il n’est pas toujours nécessaire de traiter toutes les varices : la mise en œuvre de la sclérothérapie doit répondre à une demande symptomatique ou esthétique du patient et rester médicalement justifiée. Elle vise à prévenir l’apparition de complications (thrombose veineuse, rupture hémorragique de varices, troubles trophiques, ulcères).

Indications

Selon les recommandations européennes, tout type de varices est éligible à un traitement par sclérothérapie.1
Concernant le diamètre veineux, la limite maximale de 8 mm est assez consensuelle, la forme mousse permettant de traiter les veines de ce calibre, et pour certains auteurs même au-delà.

Contre-indications

Il s’agit de distinguer les contre-­indications à la sclérothérapie de celles de la mousse uniquement. Ces contre-indications peuvent être absolues ou relatives.
L’ANSM, à la suite d’une réunion avec les représentants des principales instances de médecine vasculaire, a publié et diffusé en 2022 une liste de contre-indications qui diffèrent pour certaines de celles des recommandations européennes.
 

Contre-indications absolues à la sclérothérapie

Ce sont les suivantes : allergie au produit sclérosant, risque thromboembolique veineux élevé, artériopathie oblitérante des membres inférieurs (AOMI) au stade d’ischémie permanente, varice localisée dans le territoire d’un syndrome post-thrombotique obstructif, thrombose veineuse profonde (TVP) ou superficielle aiguë, infection dans la zone à scléroser, infection généralisée sévère, alitement prolongé ou confinement au lit.
 

Contre-indications relatives à la sclérothérapie

Il s’agit de l’artériopathie oblitérante des membres inférieurs (AOMI) au stade d’ischémie d’effort, la grossesse, l’allaitement, l’asthme (tétradécylsulfate de sodium), la thrombophilie non majeure connue.
 

Contre-indications absolues spécifiques de la mousse

Ce sont les suivantes : foramen ovale perméable connu et symptomatique, foramen ovale avec anévrisme du septum interauriculaire connu symptomatique ou asymptomatique.
 

Contre-indications relatives spécifiques de la mousse

Il s’agit des suivantes : foramen ovale perméable connu et asymptomatique, antécédents de migraines, antécédents de troubles visuels ou neurologiques après sclérothérapie à la mousse.

Déroulement du traitement au cabinet du médecin vasculaire

Le patient est traité en décubitus.

Équipement

Tout le matériel permettant de préparer puis de réaliser la sclérothérapie est à usage unique :
  • aiguilles de 30 G pour les télangiectasies ou veines réticulaires (sclérosant sous forme liquide) ;
  • aiguilles de 26 à 21 G pour les injections sous formes mousse et/ou échoguidées ;
  • seringues de 2,5 mL de préférence (les seringues de 5 mL pour les formes mousses sont déconseillées) ;
  • gants jetables non stériles.

Méthodes

La sclérothérapie peut se faire sans ou avec contrôle échographique.
 

Sclérothérapie « à la vue »

Technique la plus ancienne, elle consiste à injecter l’agent sclérosant sous forme liquide (POL, TDSS). Le praticien s’aide du toucher pour localiser la veine et s’assurer de l’absence d’extravasation de l’agent sclérosant (fig. 2). Il est également possible de s’aider de dispositifs de transillumination (fig. 3) ou de système utilisant la lumière infrarouge pour détecter les veines jusqu’à plusieurs millimètres sous la peau et les traiter le cas échéant. De même, les lunettes loupes avec lumières polarisantes sont aujourd’hui de plus en plus utilisées.
Cette technique concerne donc les varices sus-fasciales, les veines réticulaires et les télangiectasies.
 

Sclérothérapie sous contrôle échographique

En cas de varices plus profondes, non visibles ou bien dès lors que le guidage échographique est possible, l’utilisation de ce dernier est recommandée. On parle d’échosclérothérapie.
Ses indications sont les suivantes :1 troncs saphènes, perforantes, récidives post-chirurgicales, régions à risque telles que la région inguinale ou la fosse poplitée. Les sondes d’échographie étant de plus en plus performantes, on peut également scléroser une veine réticulaire d’alimentation par exemple de quelques millimètres de diamètre (fig. 4).
La procédure de traitement a été intégralement décrite par l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé (Anaes).6

Effets indésirables le plus souvent bénins

Les complications de la sclérothérapie les plus fréquentes sont en règle générale bénignes et souvent d’ordre esthétique et temporaire :
  • réactions allergiques pouvant exceptionnellement aller jusqu’au choc anaphylactique justifiant la présence d’adrénaline dans la trousse d’urgence du praticien ;
  • malaise vagal ;
  • accidents neurologiques : cinq cas d’accidents ischémiques transitoires, tous régressifs, ont été publiés. Le foramen ovale perméable (FOP) semble avoir joué un rôle mais n’était pas systématiquement présent. Les recommandations actuelles n’indiquent pas de rechercher un FOP avant une sclérothérapie, mais la présence d’un FOP symptomatique (tout comme un anévrisme du septum interauriculaire) est une contre-indication absolue. Là aussi, la mise à jour des recommandations de l’ANSM module ce point, car un simple FOP connu, même non symptomatique, y est une contre-indication absolue ;
  • au niveau neurologique, les troubles visuels et les céphalées sont plus fréquents avec la forme mousse. Ces événements sont considérés comme non graves ;
  • un accident cardiologique non fatal a été décrit en 2008 ;
  • les complications thromboemboliques sont elles aussi rares (de 0 à 6 % selon les études), avec un taux médian à 0,6 % ;
  • les injections artérielles accidentelles sont devenues exceptionnelles depuis l’utilisation de l’échoguidage ;
  • la nécrose cutanée est liée à une injection paraveineuse, ou le plus fréquemment à une diffusion de l’agent sclérosant dans un shunt artério­veineux proche de l’injection et non à une diffusion sous-cutanée. La nécrose est en règle générale de taille limitée et de cicatrisation très lente. Les nécroses cutanées sont plus fréquentes avec la forme liquide qu’avec la forme mousse ;7
  • les pigmentations cutanées sont des complications fréquentes (de 7 à 30 %), elles disparaissent quasiment toutes avec le temps ;
  • le matting correspond à l’apparition de néotélangiectasies à la suite d’une sclérothérapie ; elles disparaissent en règle générale en quelques mois ;
  • l’extension thrombotique au niveau des jonctions aussi appelée EFIT (endovenous foam-induced thrombosis) pour laquelle il n'existe pas de réel consensus quant à la prise en charge (traitement anticoagulant/surveillance échographique), qui dépend de la protrusion de l’extension thrombotique au niveau du réseau veineux profond.

Suivi au long cours

Le port d’une compression médicale veineuse élastique est recommandé pendant deux à trois semaines, mais il n’y a pas, à ce jour, de preuve formelle de son intérêt à cette étape du traitement.
Un contrôle écho-Doppler est recommandé et fréquemment réalisé quatre à six semaines après des scléroses. Ce contrôle a pour but de s’assurer de l’efficacité du traitement et permet de réaliser, le cas échéant, une sclérose complémentaire.
Il faut plusieurs mois pour que l’occlusion veineuse évolue vers la fibrose et ne soit plus (ou quasiment plus) détectable à l’échographie. En cas de douleurs persistantes sur le trajet de la veine traitée, une thrombectomie peut être réalisée à partir d’un délai d’environ trois semaines après la sclérose afin de faire disparaître la douleur.8

Cas particuliers

Avant 18 ans, il est rare de réaliser des actes de sclérothérapie.
L’âge avancé n’est pas une contre-indication à la sclérothérapie, qui reste de plus, dans ce cas, à privilégier par rapport à la chirurgie.
Pendant la grossesse, hormis des indications exceptionnelles (varices responsables de troubles trophiques, risque de rupture variqueuse ou varice vulvaire menaçante pour un accouchement par voie basse), il n’est pas indiqué de réaliser une sclérothérapie. Il est en revanche indiqué de traiter l’insuffisance veineuse avant ou entre deux grossesses.
Pour les patients traités par anticoagulants, la sclérothérapie n’est pas une contre-indication, sous réserve de l’indication de l’anticoagulation (cause cardioembolique, maladie thrombo­embolique veineuse). La littérature reste assez pauvre mais tend à montrer qu’il n’y a pas de différence de sécurité ni d’efficacité. De même, les guidelines ne considèrent pas la sclérothérapie comme une contre-indication. Il n’est pas indiqué d’augmenter d’emblée les doses de sclérosant chez ces patients (garder à l’esprit que tout patient doit rester standardisé). En cas d’échec, se pose la question d’augmenter les concentrations de sclérosant lors de la sclérose suivante.
Il est possible, chez des patients qui souffrent de migraine, que la sclérothérapie, plus particulièrement sous forme mousse, déclenche des crises. Cela ne constitue pas une contre-indication selon certains auteurs ;9 pour d’autres, il s’agit d’une contre-indication relative.10 Dans tous les cas, le patient doit être informé du risque.
Les thrombophilies sévères comme le déficit en antithrombine ou le syndrome des antiphospholipides constituent une contre-indication absolue à la sclérothérapie. Concernant les autres thrombophilies, la décision de traiter doit se faire au cas par cas.11 Une thromboprophylaxie est en général prescrite au décours de la sclérothérapie dans ces situations. La modulation amenée par les Choosing Wisely à ce sujet est indiquée dans l’encadré.

Des indications élargies pour la sclérothérapie

La sclérothérapie est aujourd’hui un traitement incontournable dans la prise en charge des varices. L’apparition de la forme mousse et de l’échoguidage a élargi considérablement ses indications.
L’efficacité de la sclérothérapie au long cours est au moins égale à celle de la chirurgie en matière de récidives : elle apporte au patient un confort nettement plus marqué et une morbidité bien inférieure, elle permet aussi à des populations plus fragiles, régulièrement récusées par la chirurgie, d’accéder à un traitement et donc à une diminution des complications de l’insuffisance veineuse et, in fine, à une amélioration de la qualité de vie (fig. 5). 
Encadre

Choosing Wisely

Courant 2023, un long travail de relecture et de mise à jour des Choosing Wisely (« Choisir avec soin ») a été diffusé ; la première version datait de 2018. Les Choosing Wisely n’ont pas vocation à devenir opposables mais cherchent avant tout à guider le patient et le praticien vers les thérapeutiques les plus pertinentes, dans une démarche de qualité et de sécurité. Ils sont appelés à être réévalués régulièrement. Pour mémoire, ne sont abordés que les troncs saphènes. Les points à retenir sont les suivants :

Références
1. Rabe E, Breu F, Cavezzi A, Smith PC, Frullini A, Gillet J, et al. European guidelines for sclerotherapy in chronic venous disorders. Phlebology 2014;29(6):338‑54.
2. Traitement des varices : rappel des conduites à tenir pour réduire les risques cardiovasculaires liés à l’utilisation des sclérosants veineux. Agence nationale de sécurité des médicaments. Experts mandatés par le Conseil national professionnel de médecine vasculaire. Juillet 2023. https://vu.fr/zrqBQ
3. Josnin M. Choose Wisely-Choisir avec pertinence. Phlébologie Annales Vasculaires 2023;80(3):72‑98.
4. Breu FX, Guggenbichler S. European consensus meeting on foam sclerotherapy, April, 4-6, 2003, Tegernsee, Germany. Dermatol Surg 2004;30(5):709‑17.
5. Eklof B, Perrin M, Delis KT, Rutherford RB, Gloviczki P, American Venous Forum, et al. Updated terminology of chronic venous disorders: The VEIN-TERM transatlantic interdisciplinary consensus document. J Vasc Surg 2009;49(2):498‑501.
6. Traitement des varices des membres inférieurs. Rapport de l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé (Anaes). Service évaluation en santé publique – évaluation technologique. Juin 2004.
7. Schuller-Petrović S, Pavlović MD, Neuhold N, Brunner F, Wölkart G. Subcutaneous injection of liquid and foamed polidocanol: Extravasation is not responsible for skin necrosis during reticular and spider vein sclerotherapy. J Eur Acad Dermatol Venereol 2011;25(8):983‑6.
8. Josnin M. Thrombectomie échoguidée. In: Ultrasons et Phlébologie. Éditions Phlébologiques Françaises. Paris; p. 163‑9.
9. Berridge D, Lees T, Earnshaw JJ. The VEnous INtervention (VEIN) project. Phlebology 2009;24(Suppl 1):1‑2.
10. Breu FX, Guggenbichler S, Wollmann JC. 2nd European Consensus Meeting on Foam Sclerotherapy 2006, Tegernsee, Germany. Vasa 2008;37(Suppl 71):1‑29.
11. Hamel-Desnos CM, Desnos PR, Ferre B, Le Querrec A. In vivo biological effects of foam sclerotherapy. Eur J Vasc Endovasc Surg 2011;42(2):238‑45.