Affection fréquente : 7-10 % de la population. Douleur ou inconfort abdominal chronique et troubles du transit (diarrhée, constipation ou alternance des deux), plus importants lors des poussées douloureuses.
Diagnostic : critères de Rome IV (encadré).
Dans la majorité des cas, chez le sujet jeune : pas d’examen complémentaire.
Physiopathologie : affection multifactorielle, associant une hypersensibilité viscérale, un dysfonctionnement du « dialogue » entre tube digestif et système nerveux central, et des modifications du microbiote.
En première intention

Conseiller une alimentation adaptée

FODMAP (Fermentable Oligosaccharides, Disaccharides, Monosaccharides And Polyols) :
– fructose, fructane, lactose, sorbitol, etc. (tableau 1) ;
– aggravent la distension intestinale via un effet osmotique, fermentent et produisent des gaz, surtout en cas d’hypersensibilité viscérale (chez environ 50 % des patients SII) ;
– réduction de leur apport (moins de 3 g/j) : parfois bénéfique ;
– régime difficile à suivre, conséquences à long terme inconnues (carence calcique ?).
Gluten :
– exclusion utile chez certains malades (surtout SII-D) ;
– distinguer l’intolérance vraie au gluten de celle aux fructanes, contenus dans la farine.
Rôle ambivalent des fibres :
– apportent un bénéfice modeste, seulement dans le sous-groupe SII-C ;
– psyllium ou ispaghul : efficacité symptomatique ; (Spagulax : 3 cuillers à café ou 1 sachet de 7 g par repas) ;
– celles insolubles (son de blé) aggravent la sensation de ballonnement ➞ réduire leur apport peut soulager l’inconfort abdominal.

Proposer des probiotiques (tableau 2)

à Effets in situ :action antibactérienne directe (synthèse de substances antimicrobiennes, réduction du pH intracolique, inhibition de l’adhérence des bactéries pathogènes) ou diminution de la perméabilité et/ou effet immuno-modulateur.à Bifidobacterium infantis 35624 (Alflorex) et Lactobacillus plantarum 299v (Smebiocta-LP299V) ont montré une efficacité (à confirmer par des essais à plus grande échelle).
à Questions en suspens :quels patients traiter ? À quelle dose ? Quelle durée ?

Traiter la douleur abdominale

à Antispasmodiques :
à Association citrate d’alvérine-siméticone(Meteospasmyl) : double effet, antispasmodique et antinociceptif viscéral ; efficacité démontrée dans 2 essais randomisés récents ;
à Montmorillonite beidellitique(Bedelix, argile naturelle) : bénéfique dans le sous-groupe des malades SII-C.

Corriger les troubles du transit

à Laxatifs à base de macrogol :semblent préférables au lactulose en cas de constipation (SII-C).
à Lopéramide(dose journalière de 2 à 12 mg) :
– réduit significativement le nombre de selles et améliore leur consistance dans le SII-D ;
– utilisation prudente chez les patients SII-M, car souvent constipés.
à Colestyramine :
– Questran (1-2 sachets de 4 g/j) ;
– très efficace si diarrhée liée à un effet laxatif des acides biliaires pénétrant dans le côlon.
à En deuxième intention
à Antidépresseurs à faibles doses :
– option possible chez certains patients, surtout si diarrhéiques ;
– effet sur les récepteurs sensitifs au niveau de l’intestin et/ou action centrale, médullaire ou cérébrale sur l’intégration des messages nerveux d’origine digestive ;
– d’après des méta-analyses récentes : en cas d’échec d’un traitement de première intention, tricycliques et inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (fluoxétine 20 mg/j, paroxétine 10 à 40 mg/j) réduisent significativement la probabilité de rester symptomatique ;
– dose thérapeutique à atteindre progressivement pour limiter les effets secondaires ;
– durée mal définie : 6 mois puis arrêt progressif ?
– observance du patient : cruciale ; bien expliquer les raisons du traitement ;
– éviter les tricycliques en cas de SII-C : peuvent aggraver la constipation.
à Mesures non pharmacologiques :
– réduisent la probabilité de demeurer symptomatique ;
– hypnose : reconnue comme une option thérapeutique valide, notamment chez les jeunes ;
– psychothérapie cognitivo-comportementale (faire travailler le patient sur les émotions et leur relation avec les symptômes) : impact positif démontré ; une séance hebdomadaire d’une heure pendant 12 semaines ;
– ostéopathie : serait supérieure à une prise en charge standard selon un essai randomisé allemand.
Options non encore validées

Prégabaline, gabapentine, duloxétine : pour réduire la composante neuropathique.
Antibiotiques (rifaximine) : en cas de pullulation bactérienne endoluminale du grêle.
Transplantation fécale : remplace la flore du malade par celle d’un sujet sain ; 70 % d’amélioration dans une étude.
Anti-inflammatoires intestinaux (mésalazine, prednisolone, budésonide), notamment en cas de syndrome post-infectieux.

Encadre

Critères de Rome IV

Douleur abdominale depuis au moins 6 mois – survenant en moyenne au moins 1 jour par semaine dans les 3 derniers mois – associée à au moins 2 des critères suivants :

– relation avec la défécation ;

– modification de la fréquence des selles ;

– modification de la consistance des selles.

• SII-C : à constipation prédominante

• SII-D : à diarrhée prédominante

• SII-M : avec alternance diarrhée-constipation

• SII non spécifié : absence de critères suffisants pour répondre aux critères du SII-C, SII-D ou SII-M.