Moïse consulte pour une asymétrie du visage d’apparition brutale. L’enfant est apyrétique et n’a aucune plainte algique. Pas de traumatisme récent.

À l’examen : paralysie faciale périphérique droite avec altération de l’occlusion palpébrale droite (fig. 1) et attraction de la bouche à gauche avec effacement du sillon nasogénien droit (fig. 2), notamment lors des contractions volontaires.

La paralysie faciale a frigore est confirmée par le pédiatre hospitalier.

Les bilans biologiques sont négatifs. Aucune étiologie n’est retrouvée.

discussion

La paralysie faciale (PF) a frigore ou paralysie faciale de Bell (PFB)est la PF périphérique la plus fréquente chez l’enfant, comme chez l’adulte. Incidence annuelle : environ 20 cas pour 100 000. La symptomatologie aiguë, le plus souvent unilatérale, est d’emblée maximale ou progressive sur quelques heures, isolée, et sans cause retrouvée. Son mécanisme serait lié à une réactivation d’un Herpès simplex virus de type 1 (HSV1) ou d’un virus varicelle-zona (VZV). L’œdème inflammatoire serait responsable de la compression du nerf facial dans sa portion intrapétreuse.
Le diagnostic de PFB est un diagnostic d’élimination. L’examen clinique, essentiel, confirme que les territoires inférieurs et supérieurs innervés par le facial sont atteints. On constate un effacement du sillon nasogénien, un affaissement de la commissure labiale, une déviation de la bouche vers le côté sain lors du sourire, l’impossibilité de siffler ou de gonfler les joues. Autres signes : sourcil abaissé avec effacement des rides du front et élargissement de la fente palpébrale. Les signes de Charles Bell (lever de la paupière supérieure et remontée du globe oculaire vers le haut lors de la tentative d’occlusion palpébrale) et de Souques (occlusion forcée des paupières moins nette et cils pouvant paraître plus longs du côté atteint) sont évocateurs.
Principales étiologies infectieuses : complication d’une otite moyenne aiguë ou d’une otite chronique cholestéatomateuse, paralysie zostérienne (vésicules au niveau de la zone de Ramsay-Hunt), maladie de Lyme (mais la PF n’est pas isolée) et infections à EBV ou par le VIH. Un traumatisme peut être en cause : fractures du rocher ou suite de plaie ou de chirurgie parotidienne.
Les PF d’origine néoplasique (tumeur parotidienne, métastases intrapétreuses, leucémies…) sont exceptionnelles et, s’il n’y a pas d’anomalie à la palpation parotidienne ou d’adénopathies, on ne les redoute qu’en l’absence de récupération clinique au moins partielle, au bout de 3 à 6 semaines. Enfin, la PF peut témoigner d’une affection neurologique : syndrome de Guillain-Barré ou de Melkersson-Rosenthal (paralysies récidivantes).
Une sérologie de la maladie de Lyme est à réaliser si l’enfant vit dans une zone endémique ou a eu une piqûre de tique et un érythème migrant. Formule sanguine si on craint une leucémie. Les sérologies HSV ou VZV ne sont pas indiquées.
Un avis ORL est demandé au moindre doute à l’examen oto-scopique, ou en présence d’autres signes (vertiges, hypoacousie…).
Une IRM cérébrale est recommandée en l’absence d’évolution favorable après 3 semaines ou si récidive.
Le caractère secondaire d’une PF paraissant initialement idiopathique est envisagé en cas d’aggravation secondaire ou d’apparition de tout autre signe neurologique.
Le traitement est controversé, notamment la corticothérapie (1 mg/kg/j pendant 7 jours, puis dégression progressive, surtout dans les formes sévères ; inutile au-delà de 72 heures d’évolution). Chez tous les malades, une rééducation précoce, ainsi que les soins oculaires préventifs – larmes artificielles, pommade ophtalmique à base de vitamine A, voire port de lunettes ou de compresse occlusive si nécessaire – sont recommandés. Les antiviraux n’ont pas démontré de bénéfices seuls, mais associés à la corticothérapie, ils accéléreraient la récupération et diminueraient les syncinésies. Posologie : 80 mg/kg/j en 3 prises pendant 5 jours (aciclovir).
Le pronostic est excellent, avec une rémission complète dans 97,4 à 98,7 % des cas, ce d’autant plus que l’enfant est jeune. Le délai de récupération est en général compris entre 3 semaines et 3 mois. Dans les rares cas de séquelles à long terme, une prise en charge kinésithérapique, orthophonique, psychologique, voire chirurgicale, peut être entreprise.
pour en savoir plus
– Darrouzet V. Paralysie faciale périphérique. Rev Prat Med Gen 2016;30: 537-40.

Une question, un commentaire ?