Dans la cohorte française ABOS (Atlas biologique de l’obésité sévère), les chercheurs ont analysé les données de près de 1 400 participants. Ils les ont rassemblés en six groupes différents (ou « clusters »), en fonction de certaines caractéristiques métaboliques (niveaux d’HbA1c, de lipides sanguins, d’enzymes hépatiques…).
Les groupes nommés « cardiométabolique » – caractérisé par la présence d’une HTA, les niveaux les plus élevés d’HbA1c et de triglycérides – et « hépatique » – caractérisé par les niveaux les plus élevés d’ALAT – affichaient les prévalences les plus élevées des formes les plus sévères de MASLD par rapport au reste de la cohorte (par la suite considérée comme groupe contrôle). Ainsi, la MASH confirmée histologiquement était plus fréquente dans ce groupe (respectivement 34 %, 24 % contre environ 5 % chez les contrôles), ainsi que la fibrose hépatique.
Trois autres cohortes de patients à risque de MASLD (belge, italienne et finlandaise), ainsi que la cohorte britannique UK Biobank, ont ensuite été utilisées pour valider ces résultats. Les trois premières comprenaient des biopsies hépatiques de plus de 1 000 participants au total, et la UK Biobank fournissait de l’imagerie (IRM) pour près de 6 800 personnes.
Ces cohortes de vérification ont ainsi permis de confirmer l’identification de ces deux profils distincts de MASLD, ayant un phénotype hépatique similaire au départ (histologiquement et sur l’IRM), mais des mécanismes biologiques et des trajectoires cliniques différents. En effet, la comparaison de ces deux profils avec les groupes contrôle et entre eux a révélé que :
- le profil « cardiométabolique » était associé à un risque similaire de maladie hépatique chronique que le profil « hépatique » mais à des risques bien plus élevés de maladie cardiovasculaire et de diabète de type 2 : l’incidence cumulée de maladie CV et de DT2 dépassait respectivement 20 % et 25 % dans ce groupe sur un suivi à 14 ans, contre moins de 10 % dans le second groupe (voir figure sur ce lien).
- le profil « hépatique » affichait une progression rapide de la maladie hépatique chronique mais un risque plus limité de maladie CV et DT2.
Sur le plan biologique, les deux groupes avaient des profils différents également. Les patients du groupe « cardiométabolique » exhibaient une présence plus importante de métabolites impliqués dans des perturbations spécifiques de la transformation des lipides, du métabolisme énergétique et des protéines, ainsi que dans la dysglycémie et l’inflammation. Les patients du profil « hépatique » avaient davantage de variants génétiques intervenant dans le risque de MASLD, d’après l’analyse transcriptomique ; en lien avec ce profil génétique spécifique, ils affichaient des modifications du métabolisme des lipides davantage confinées aux hépatocytes.
Ces résultats sont cohérents avec de précédents résultats d’analyse de score de risque polygénique, qui identifiaient deux sous-types distincts de MASLD : l’un principalement confiné au foie, associé à une maladie hépatique plus agressive, et l’autre plus systémique, avec un risque accru de maladie cardiométabolique.
Ces conclusions mettent en lumière l’hétérogénéité physiopathologique et clinique de cette maladie, donc l’importance de développer des approches thérapeutiques ciblées selon le type de MASLD.
Les auteurs soulignent, par exemple, que le resmétirom – un médicament récemment approuvé pour le traitement de la MASH – a montré dans les études une efficacité variable selon les patients, ce qui pourrait être dû précisément à cette hétérogénéité. Ils postulent ainsi que le profil plus spécifiquement hépatique de le MASLD pourrait répondre plus favorablement à ce médicament qui réduit le contenu lipidique et l’inflammation du foie. En revanche, le profil plus cardiométabolique de la MASLD pourrait mieux répondre à des médicaments régulant le métabolisme des lipides et du glucose ou agissant sur la perte de poids et la réduction des risques cardiovasculaires.
Enfin, ils soulignent que les recherches futures devront valider ces résultats sur des cohortes non européennes, et se concentrer sur l’identification de nouveaux types de MASLD en intégrant des données cliniques, génétiques et environnementales supplémentaires.