La survenue de symptômes dépressifs, incluant des idées suicidaires, est un effet indésirable mentionné dans la « notice patient » de nombreux médicaments non psychotropes. Quelles sont les molécules ayant un risque bien documenté ?

Pour rappel, la liste des effets indésirables figurant dans la « notice patient » est établie à partir des essais thérapeutiques évaluant l’efficacité et la tolérance du médicament avant son autorisation de mise sur le marché (AMM), ainsi que des données de pharmacovigilance post-AMM, qui permettent d’identifier des effets indésirables plus rares. Les symptômes dépressifs peuvent être mentionnés même si le lien de cause à effet avec la prise du médicament n’est pas certain, pour deux raisons :

  • le processus de vérification de ce lien est long et complexe ;
  • quand des symptômes dépressifs surviennent après l’initiation d’un médicament, il est souvent difficile de déterminer s’ils sont induits par le médicament ou liés aux problèmes de santé entraînant sa prescription (biais d’indication).

Quand évoquer une origine iatrogène ?

Les symptômes dépressifs induits par des médicaments :

  • apparaissent dans les semaines suivant l’initiation ;
  • sont liés aux propriétés pharmacologiques du médicament : impact sur les neurotransmetteurs, les hormones, le système immunitaire, etc. ;
  • régressent en général rapidement après l’arrêt du traitement ou la réduction des doses, quand les effets pharmacologiques du traitement disparaissent ou s’atténuent.

Les médicaments non psychotropes ayant un risque bien documenté de symptômes dépressifs sont (liste non exhaustive) :

  • les β-bloquants : surtout les « lipophiles » passant la barrière hématoméningée. Le propranolol, très prescrit en psychiatrie, est l’un des plus à risque. L’aténolol (non lipophile) est une bonne alternative ;
  • les corticoïdes : surtout à hautes doses (> 40 mg/jour de prednisolone), typiquement (mais pas toujours) associés à des symptômes hypomaniaques (humeur labile, accélération, etc.)
  • contraceptifs hormonaux : effet lié aux progestatifs, en particulier chez les jeunes femmes ;
  • antipaludéens : méfloquine ;
  • immunomodulateurs : interféron-⍺, interleukine- 2.

Le niveau de preuve est moins élevé pour d’autres médicaments :

  • si l’isotrétinoïne a été suspecte d’induire des symptômes dépressifs, des études ont montré que l’effet était inverse : ces symptômes sont le plus souvent améliorés par le traitement de l’acné ;
  • des biais d’indication pourraient aussi expliquer les associations entre symptômes dépressifs et usage d’anticonvulsivants, d’antimigraineux ou de montélukast (indiqué dans l’asthme).

En pratique, chez les personnes concernées par un trouble psychiatrique, une surveillance accrue de l’état psychique et du risque suicidaire est recommandée, et une adaptation des traitements psychotropes peut être nécessaire.

Références
Li J, Zelmat Y, Storck W, et al. Drug-induced depressive symptoms: An update through the WHO pharmacovigilance database.  J Affect Disord 2024;350:452-67.
Qato DM, Ozenberger K, Olfson M. Prevalence of Prescription Medications With Depression as a Potential Adverse Effect Among Adults in the United States.  JAMA 2018;319(22):2289-98.

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