Une patiente âgée de 38 ans, célibataire et nulligeste, sans antécédents pathologiques particuliers, consulte aux urgences gynécologiques pour des algies pelviennes d’installation aiguë, prédominant au niveau de la fosse iliaque et du flanc gauches. Elle rapporte, par ailleurs, une notion de gêne respiratoire d’installation insidieuse. Elle n’a ni aménorrhée, ni saignement utérin anormal, ni leucorrhées, ni signes fonctionnels urinaires ou digestifs associés.
L’examen général objective une stabilité hémodynamique, une apyrexie avec une légère tachypnée (18 cycles/min) et une masse abdomino-pelvienne palpable jusqu’à mi-chemin de l’ombilic. Une échographie montre un utérus de taille normale, un endomètre à 8 mm, un ovaire droit non vu, un ovaire gauche siège d’une image à double composante solido-kystique, irrégulière, d’échostructure hétérogène, polylobée, mesurant 10 cm de grand diamètre, avec une interruption significative du signal Doppler en regard. On note la présence d’un épanchement liquidien de moyenne abondance, siégeant au niveau des deux culs-de-sac vésico-utérin et de Douglas (fig. 1). Le bilan biologique relève un taux de β-hCG plasmatique négatif, un hémogramme dans les normes, une protéine C réactive (CRP) normale et un taux sérique de CA- 125 élevé (276 UI/mL). Un cliché radiographique thoracique réalisé en raison de la gêne respiratoire montre un épanchement pleural gauche de faible abondance.
Devant ce tableau de forte suspicion de torsion d’annexe, une mini-laparotomie exploratrice a été réalisée en extrême urgence. L’exploration chirurgicale a mis en évidence une ascite de moyenne abondance, un ovaire gauche siège d’une masse polylobée, irrégulière, à double composante solido-kystique, de 10 cm de grand diamètre, avec une trompe gauche tordue (fig. 2). L’utérus, l’annexe controlatérale, le péritoine et l’épiploon étaient sans anomalies macroscopiques. Devant le caractère macroscopique suspect de cette tumeur ovarienne, il a été procédé à une annexectomie gauche, une cytologie péritonéale, des biopsies péritonéales et épiploïques multiples.
L’examen histopathologique a révélé un fibrothécome ovarien. L’ensemble des biopsies et la cytologie péritonéale étaient indemnes de malignité.
Dans le cas de cette patiente, le diagnostic de syndrome de Demons-Meigs est particulièrement délicat, en raison de son association à une torsion d’annexe, qui implique la rotation de l’ovaire et de la trompe sur son pédicule vasculaire. 
Il s’agit d’une complication aiguë compromettant l’avenir fonctionnel de l’ovaire et nécessitant une intervention chirurgicale en urgence.
Les suites opératoires ont été simples, et la patiente s’est bien remise.

Le syndrome de Demons-Meigs est une situation pathologique rare caractérisée par la survenue simultanée de la triade suivante : une tumeur ovarienne bénigne et un épanchement pleuro-péritonéal, réversibles après exérèse de la tumeur.1 Parmi les tumeurs ovariennes associées au syndrome de Demons-Meigs, le fibrothé­come se distingue par sa rareté. La complexité diagnostique de ce syndrome réside dans sa similitude avec des affections ovariennes malignes sur la base de sa présentation clinique, souvent associée à une élévation du marqueur tumoral CA- 125.2  

L’étiopathogénie des épanchements liquidiens est encore mal élucidée. Ils pourraient être dus à un transsudat de la surface tumorale, à une compression directe des vaisseaux sanguins et/ou lymphatiques adjacents, à une hormonostimulation ou encore à la torsion de la tumeur.3  

Le diagnostic précis et la prise en charge précoce sont les garants de la préservation de l’ovaire et de la prévention des complications ultérieures.4  

Le fibrothécome, tumeur stromale ovarienne bénigne constituée de cellules fibromateuses et thécales, est rarement associé à une telle constellation de symptômes.

L’élévation de la concentration sérique du CA- 125 est communément liée aux néoplasmes ovariens, en l’occurrence aux carcinomes épithéliaux. Cette élévation a été observée dans certains autres cancers non gynécologiques et quelques affections gynécologiques bénignes (comme ici).5 L’origine de cet antigène reste incertaine ; selon certaines études, la source pourrait être des cellules non tumorales et certains mécanismes biochimiques, tels qu’une irritation mécanique du péritoine ou une pression intrapéritonéale élevée en raison d’un grand volume de tumeur et d’ascite.6  

L’imagerie joue un rôle crucial dans l’identification de la masse ovarienne et aide à écarter les diagnostics différentiels. L’échographie pelvienne confirme la présence d’une masse ovarienne permettant ainsi de décrire sa sémiologie échographique. L’imagerie par résonance magnétique peut aussi être utilisée pour mieux caractériser la nature de la masse ovarienne et identifier les épanchements péritonéaux et pleuraux.1 L’approche chirurgicale est une étape déterminante, permettant non seulement d’éviter les complications liées à la torsion mais aussi d’évaluer in situ et à distance la tumeur ovarienne pour écarter une éventuelle pathologie néoplasique.7   

La complexité diagnostique du syndrome de Demons-Meigs réside dans sa similitude avec des affections malignes ovariennes et pulmonaires devant sa présentation clinique, radiologique et biologique.

Références
1. Slaoui A, Lazhar H, Amail N, et al. Meigs syndrome: About an uncommon case report. Clin J Obstet Gynecol 2023;6:010-3.
2. Corner FP. Meigs’ syndrome: A fibrothecoma presenting with torsion. Bahrain Medical Bulletin 2020;42(3):203-5.
3. Saito H, Koide N, Miyagawa S. Pseudo-Meigs syndrome caused by sigmoid colon cancer metastasis to the ovary. Am J Surg 2012;203(1):e1-3.
4. Fazna N, Khader R, Rajendran VR, et al. Twisted large cellular fibroma of the ovary with pelvic effusion-revisiting incomplete demons Meigs’ syndrome. Int J Reprod Contracept Obstet Gynecol 2022;11(10):2845.
5. Razafindrafara HE, Razafimahefa VJ, Rakotondrainibe FN, et al. Demons-Meigs syndrome with a high CA 125 level: A case report at Soavinandriana Center Hospital Antananarivo. Open J Pathol 2023;13(2):73-8.
6. Bottoni P, Scatena R. The role of CA 125 as tumor marker: Biochemical and clinical aspects. Adv Exp Med Biol 2015;867:229-44.
7. Mihimit A, Toure AI, Oumar OA, et al. Demons-Meigs syndrome: A case report at the fatick regional hospital. Open J Obstetr Gynecol 2021;11(12):1735-43.

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