À l’interrogatoire, préciser la localisation de la douleur : uni- ou bilatérale, inférieure ou postérieure, circonstances d’apparition, horaire, dérouillage matinal.
Recueillir les antécédents podologiques, ceux de rhumatisme inflammatoire chronique, d’arthropathie métabolique (goutte).
Examen de la marche et statique en charge pour apprécier la gêne fonctionnelle (boiterie d’esquive notamment) et pour détecter un trouble statique favorisant (le pied creux peut provoquer une talalgie inférieure, car il raccourcit la chaîne musculaire postérieure augmentant les tensions sur l’aponévrose plantaire superficielle).
En décubitus dorsal, palper l’aponévrose plantaire (fig. 1) sur toute la voute et rechercher un point douloureux exquis à l’insertion calcanéenne médiale ; reproduire la douleur liée à une lésion du tendon d’Achille en faisant fléchir la cheville, genou tendu.
En décubitus ventral : rechercher une douleur à la palpation de l’insertion basse du tendon d’Achille et une éventuelle tuméfaction (bursite).

Explorations

Radiographies standard bilatérales et comparatives face et profil en charge pour détecter enthésophyte (épine) rétro- et/ou sous-calcanéen (fig. 2), érosion osseuse éventuelle, trouble statique, calcifications, malformation du calcanéum.
échographie des pieds : on apprécie l’épaisseur de l’aponévrose plantaire et du tendon d’Achille en particulier sur leurs insertions ; on cherche une bursite, une érosion osseuse ou une inflammation (doppler) ; une couche cornée épaisse sous le talon peut gêner l’interprétation.
IRM : évalue l’os et les tissus mous, l’épaisseur de l’aponévrose et du tendon d’Achille, une inflammation localisée. Certains signes orientent vers une pathologie mécanique ou inflammatoire sous-jacente (fig. 3).

Causes : mécaniques ou inflammatoires ?

Les premières sont les plus fréquentes.1
Aponévrosite plantaire d’insertion :
– talalgie sous-calcanéenne d’installation progressive, avec gêne fonctionnelle variable ;
– douleur, généralement unilatérale, réveillée à l’appui du pied et à la marche, amplifiée par la mise en tension de l’aponévrose (dorsiflexion de la cheville) ;
– gêne matinale, disparaissant rapidement (contrairement aux causes inflammatoires) ;
– point douloureux à la palpation de la partie médiale du calcanéum (correspondant à un point d’insertion de l’aponévrose) ;
– radio de profil : enthésophyte sous-calcanéen ; pas d’érosion ; à l’échographie : aponévrose plantaire superficielle épaissie et hypo-échogène à son insertion proximale ; l’IRM confirme l’épaississement et l’absence de complication (fissure ou rupture associée).2
Rupture traumatique de l’aponévrose plantaire :
– douleur brutale sous le talon à type de « déchirure » ;
– peut survenir sur une aponévrose saine ou déjà lésée, après traumatisme déclenchant ;
– à l’IRM : solution de continuité de l’aponévrose en hyposignal T1 et hypersignal T2, avec éventuel hématome associé.
Maladie de Ledderhose :
– pathologie tumorale fibrosante de l’aponévrose plantaire superficielle ; d’origine génétique ou favorisée par certaines affections (associée fréquemment à la maladie de Dupuytren) ;
– peu de douleurs, parfois gêne à la marche ou au chaussage ;
– nodules palpés sur l’aponévrose plantaire ;
– pas de corde ou de rétraction comme dans le Dupuytren ;
– diagnostic avant tout clinique ; confirmé à l’échographie et à l’IRM.
Maladie de Haglund :
– saillie de la partie postéro-supérieure du calcanéum, pouvant provoquer des lésions tendineuses basses ou une bursite rétro- ou pré-achilléenne ;
– douleur rétrocalcanéenne, généralement aggravée à la marche.
Tendinopathie mécanique d’insertion du tendon d’Achille :
– liée à une dégénérescence sur son enthèse calcanéenne ;
– douleur rétrocalcanéenne, mécanique, d’installation progressive ;
– radio : enthésophyte rétrocalcanéen ;
– IRM et échographie : signes de tendinopathie (hypo-échogénicité, épaississement tendineux, parfois nodules).
Rhumatisme inflammatoire chronique :
– talalgie typique avec dérouillage matinal, mais aggravation à la marche également ;
– douleurs bilatérales et parfois rétrocalcanéennes ;
– peuvent être inaugurales d’un rhumatisme inflammatoire type spondyloarthrite ou rhumatisme psoriasique => rechercher des signes associés ;
– AINS efficaces initialement ;
– à l’échographie : épaississement de l’aponévrose à son insertion, avec prise de doppler (inflammation locale), parfois érosions ;
– à l’IRM : épaississement de l’aponévrose à son insertion, avec œdème osseux associé (hypoT1 et hyperT2 STIR) au niveau de l’enthèse et de l’os adjacent3 (signe de pathologie inflammatoire).
Arthropathie microcristalline (goutte, chondrocalcinose articulaire, rhumatisme à hydroxyapatite) :
– talalgies, généralement d’horaire mixte, sur terrain favorisant ;
– la radio recherche des calcifications, l’échographie et l’IRM des signes inflammatoires locaux.

Prise en charge

Objectif : faire disparaître la douleur et si possible supprimer la cause.
Si rupture traumatique de l’aponévrose : repos, mise en décharge pendant plusieurs semaines et antalgiques.
Semelles orthopédiques sur mesure +++ : corriger un trouble statique éventuel (pied creux), surélever le talon, créer une zone de décharge sous-talonnière. à porter sur une longue période (expliquer au patient leur intérêt pour favoriser l’observance).
Chaussage adapté : éviter les chaussures plates et les semelles trop souples (qui mettent en tension l’aponévrose plantaire) ; si talalgie postérieure : chaussure de pointure adaptée sans frottement sur le calcanéum.
Kinésithérapie, en complément :
– si aponévrosite : massages profonds, physiothérapie, étirements de la chaîne postérieure ;
– si tendinopathie d’Achille : massages, étirements ; ondes de choc si elles n’aggravent pas les douleurs.
En cas d’échec : infiltrations de corticoïdes au niveau de l’insertion postéromédiale de l’aponévrose, sous repérage clinique ou guidage échographique.
Traitement chirurgical : très rares indications (peignage d’un tendon lésé, bursectomie ou ostéotomie).
Références
1. Jouffriault J. Mise au point sur la tendinopathie calcanéenne d’insertion. J Traumatol Sport 2017;34:130-50.
2. Borderie P. Pathologies non inflammatoires de l’aponévrose plantaire. Revue du Rhumatisme Monographies 2014;81:147-52.
3. Miquel A, Pradel C, Jomaah N, Bienvenot P, Menu Y. Imagerie moderne des atteintes périphériques dans la spondylarthrite ankylosante. J Radiol 2010;91 (1 Pt 2):151-61.

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