La popularisation des smartphones, tablettes et ordinateurs permet un nouveau mode de prise en charge des patients, au moyen des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC). L’hypertension artérielle (HTA), affection chronique qui touche un tiers de la population adulte, en bénéficie selon trois axes : autoprise en charge du patient (« self-management »), téléconsultations (accès à distance à un professionnel de santé) et télésurveillance. Cette approche « de l’hypertension digitale » a pour pierre angulaire l’automesure de la pression artérielle (PA) au domicile.1-3
Apports des NTIC dans l’HTA
L’HTA est une maladie chronique pour laquelle l’implication du patient est fondamentale, dès le diagnostic. Les NTIC peuvent permettre de fluidifier sa prise en charge.
Automesure de la pression artérielle
En matière d’HTA, la pratique de l’automesure tensionnelle est recommandée car son intérêt et sa faisabilité sont démontrés. L’éducation du patient au geste d’automesure, à la communication des résultats au médecin et à un premier niveau d’auto-interprétation est facilitée par les NTIC. L’autogestion par le patient, s’il en a le souhait et les compétences, peut aller jusqu’à l’autotitration des traitements antihypertenseurs (
Cependant, l’automesure ne convient pas à la totalité des patients hypertendus. Certains ont en effet des contre-indications : handicap, fibrillation atriale, circonférence de bras trop importante. D’autres sont trop anxieux ou ne veulent pas opter pour ces modalités de prise en charge. Une surveillance médicale rapprochée reste évidemment justifiée pour les patients à haut risque cardiovasculaire.
Téléconsultation
Le suivi de l’HTA peut faire l’objet de décisions à distance, notamment pour le renouvellement des ordonnances ou l’adaptation du traitement. Certains services hospitaliers, des plateformes commerciales et des médecins libéraux proposent des téléconsultations.
Cela nécessite que le médecin téléconsultant dispose d’un dossier complet, incluant les facteurs de risque cardiovasculaires associés du patient, les relevés récents d’automesure ou de mesure ambulatoire de la PA (MAPA), les résultats biologiques (dont kaliémie, créatininémie, débit de filtration glomérulaire, protéinurie) et, le cas échéant, les résultats d’imagerie (reins, artères rénales, surrénales…).
L’unité d’hypertension artérielle de l’hôpital européen Georges-Pompidou a conçu un autoquestionnaire disponible en ligne ( www.hy-quest.com ) permettant la constitution de cette anamnèse. Cet outil validé, spécialement dédié au dossier du patient hypertendu, est utilisé en routine par certains centres français de prise en charge de l’HTA.
Télésurveillance
La télésurveillance consiste en la mesure de différents paramètres par un professionnel de santé (infirmière, médecin), à distance et régulièrement dans le temps. Ce dispositif existe depuis plus d’une vingtaine d’années dans le cadre d’essais cliniques. La télésurveillance a fait la preuve de son intérêt pour l’obtention d’un meilleur contrôle tensionnel.2,3
La majorité des patients ne relève toutefois pas d’un suivi avec adaptation thérapeutique rapide qui justifierait cette pratique. Elle est plus appropriée à des groupes de patients bien ciblés : sujets avec insuffisance cardiaque mal équilibrée, HTA de la grossesse, périodes de titration thérapeutique des patients sévèrement hypertendus…
Même lorsque l’indication est pertinente, le coût élevé et l’encadrement réglementaire exigeant font que ce mode de prise en charge reste peu développé pour le suivi des hypertendus. De plus, sa mise en œuvre est complexe dans la pratique des généralistes car elle nécessite l’intervention d’assistants de télémédecine (infirmiers en pratique avancée, par exemple).
Que choisir ?
Comme le précisent les recommandations de la Société française d’hypertension artérielle, l’usage des tensiomètres à brassard huméral de taille adaptée reste incontournable pour une évaluation fiable de la PA, soit en automesure à domicile, soit en MAPA sur vingt-quatre heures.5
Attention aux dispositifs non validés !
L’HTA étant une pathologie fréquente, le marché des innovations la concernant est attrayant. Le rôle du médecin est de bien orienter le patient vers des dispositifs validés.
Appareils non actuellement recommandés
Il existe de nouveaux dispositifs sans brassard (cuffless) portés au poignet comme des montres ou des bracelets dits « intelligents » (smart devices). Ils sont équipés de capteurs mesurant la vitesse de l’onde de pouls et la PA en continu (battement par battement). Ces technologies prendront probablement leur place dans l’avenir, mais les toutes récentes recommandations de la Société européenne d’hypertension artérielle (ESH) précisent qu’elles ne doivent pas être utilisées pour fonder des décisions médicales.2
Applications non validées
Les applications pour smartphones qui affichent des mesures de PA lorsque l’utilisateur pose son doigt sur l’objectif de la caméra ne sont pas fiables non plus. Non validés et non recommandés, ces nouveaux dispositifs sont en vente à bas prix sur internet. Les patients qui en font spontanément l’acquisition ne sont donc plus si rares. Le médecin ne doit pas tenir compte des résultats obtenus grâce à ces outils ; il doit réorienter vers l’acquisition de tensiomètres à brassard validés, tout en encourageant ce comportement d’autoprise en charge.
Programmes d’éducation empiriques
Il existe également des programmes d’éducation en ligne dédiés aux hypertendus (offre majoritairement en langue anglaise). Il est étonnant de constater leur offre pléthorique pour smartphones, alors même que la littérature scientifique ne les détaille que peu !
Algorithmes mal étalonnés
Enfin, pour certains tensiomètres connectés, les algorithmes de présentation des résultats obtenus sur les écrans de smartphone peuvent être pris en défaut : plusieurs constructeurs ont en effet choisi comme référence les seuils de normalité des PA mesurées au cabinet médical (140/90 mmHg) au lieu des seuils en automesure (135/85 mmHg).
Conseils pratiques
Il est recommandé d’utiliser les tensiomètres ayant obtenu le marquage CE (conformité européenne) et validés. Le site www.automesure.com met à disposition une liste de ces appareils. Les conditions pratiques d’automesure doivent être clairement expliquées au patient (
L’application gratuite et validée Hy-Result peut, par exemple, être conseillée. Elle permet d’aider le patient à bien respecter le protocole d’automesure, délivre un compte-rendu des résultats avec interprétation automatique personnalisée et, le cas échéant, invite le patient à prendre l’avis de son médecin dans un délai dépendant de son profil et de ses résultats.6
NTIC et autres facteurs de risque cardiovasculaires
L’HTA s’accompagne souvent d’autres facteurs de risque cardiovasculaires dont la prévention est nécessaire. De très nombreuses applications de santé (mHealth) sont ainsi dédiées à la lutte contre la sédentarité, au contrôle du poids, au sevrage tabagique, à la prise excessive d’alcool ou au suivi des glycémies capillaires. Certaines de ces applications ont fait la preuve de leur intérêt, facteur par facteur. L’application ESH Care, déployée par la Société européenne d’hypertension artérielle (ESH) en est un exemple. Elle a fait la preuve de son intérêt sur le paramètre de la PA mais pas en multivarié. Elle n’est pas disponible en langue française.
Nous ne connaissons pas actuellement d’étude clinique démontrant une efficacité clinique d’un usage « multivarié » d’une application « globale », c’est-à-dire intervenant simultanément sur le contrôle de plusieurs facteurs de risque.
1. Postel-Vinay N, Bobrie G, Savard S, et al. Home blood pressure measurement and digital health: communication technologies create a new context. J Hypertens 2018;36(11):2125-31.
2. Parati G, Stergiou GS, Bilo G, et al. Home blood pressure monitoring: methodology, clinical relevance and practical application: a 2021 position paper by the Working Group on Blood Pressure Monitoring and Cardiovascular Variability of the European Society of Hypertension. J Hypertens 2021;39(9):1742-67.
3. Omboni S. Connected Health in Hypertension Management. Front Cardiovasc Med 201;13(6):76.
4. McManus RJ, Mant J, Franssen M, et al. Efficacy of self-monitored blood pressure, with or without telemonitoring, for titration of antihypertensive medication (TASMINH4): an unmasked randomised controlled trial. Lancet 2018;391(10124):949-59.
5. Société française d’hypertension artérielle. Recommandation. Mesure de la pression artérielle. Décembre 2018. Disponible sur : https://www.sfhta.eu/ wp-content/uploads/2018/12/Recommandation_Mesure_de_la_PA_VF.pdf
6. Postel-Vinay N, Bobrie G, Ruelland A, et al. Automated interpretation of home blood pressure assessment (Hy-Result software) versus physician’s assessment: a validation study. Blood Press Monit 2016;21(2):111-7.