Se rétablir d’une conduite addictive demande du temps et de la persévérance. Dans ce parcours fait de hauts et de bas, le médecin traitant est souvent l’acteur de premier recours, celui qui connaît le mieux la personne et peut l’accompagner sur ce chemin.1
Itinéraire d’une sortie des conduites addictives
À la suite d’un examen pratiqué par un gastroentérologue au cours duquel a été mis l’accent sur ma consommation d’alcool, j’ai réalisé la nécessité d’arrêter. Cet échange a agi comme un effet miroir : je ne souhaitais pas partir trop tôt, comme mon père décédé à l’âge de 47 ans d’un cancer et des conséquences de sa consommation excessive d’alcool.2
Aux manettes de ce parcours de soins se trouvait mon médecin traitant en qui j’avais toute confiance et qui, la décennie précédant ce rendez-vous salvateur avec ce spécialiste, avait coordonné les soins autour des conséquences psychiques et physiques de ma consommation problématique.
Quand une personne s’enfonce dans l’alcoolisme, elle fait le vide autour d’elle, s’isolant avec ses conduites addictives. Pour moi, mon médecin traitant était la lueur au bout du tunnel.
J’ai mis du temps à lui parler de mes consommations, mais, au fil des consultations, nos précieux échanges m’ont donné confiance en moi et en ma capacité à en sortir.
Temps d’attente et difficulté à trouver de l’aide
Lorsque je suis sortie du rendez-vous avec le gastroentérologue, je ne savais pas à qui demander de l’aide. Et puis j’ai trouvé la permanence d’un groupe de parole, et une amie ancienne consommatrice m’a orientée vers un centre de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA).3
Le temps d’attente avant le premier rendez-vous avec des professionnels de l’addictologie est souvent long, c’est là que la présence du médecin traitant est essentielle.
L’entraide par les pairs est complémentaire. Partager avec celles et ceux qui vivent ou ont vécu la même chose permet d’échanger sur les difficultés et réussites, d’être soutenue ; cela donne une projection positive : il est possible d’en sortir.4
Groupes d’entraide sur internet
De nos jours, il existe des communautés d’entraide sur internet comme le forum d’Addict’AIDE,5 des groupes Facebook auto-support comme « Je ne fume plus ! » dédié au tabac6 ou « Addictions et alcool : ensemble on est plus forts » que j’ai créé en 2018 pour partager ce que j’apprenais sur les addictions et donner des outils, des ressources aux personnes en difficulté (https ://www.facebook.com/groups/AddictionsEtAlcoolEnsembleOnEstPlusForts).Ces groupes permettent de s’exprimer anonymement, pour celles et ceux qui le souhaitent, de recevoir du soutien et d’être orienté dans le système de santé.
Ces communautés sont les nouveaux groupes d’entraide car, pour beaucoup de personnes, il est difficile de parler de leur problème de consommation ou de se déplacer à une réunion.
Repérage précoce : un outil pour dépister et orienter
Dans ce parcours de rétablissement, le repérage précoce est un outil essentiel.7 Avec le recul, j’aurais aimé que, lors de mes séjours en psychiatrie, la question « Avez-vous déjà consommé du cannabis ? » me soit ainsi notamment posée.
Les soignants que nous rencontrons tout au long de notre vie, peu importe leur spécialité, peuvent s’intéresser à nos consommations et éveiller notre attention à ce propos en délivrant des informations, des conseils, en donnant des outils, pour que ces consommations ne deviennent pas problématiques.
L’écoute, l’empathie, la bienveillance, le non-jugement dont a fait preuve mon médecin traitant ont soutenu mon parcours et m’ont permis de me libérer pas à pas de mes conduites addictives. Celui-ci a été l’acteur de premier, et parfois du seul, recours.
2. Pinel S. Journal d’une polyaddict libérée. Eyrolles 2023. 224 p.
3. Drogues Info Service. L’aide spécialisée ambulatoire. https://urls.fr/4qbMDA
4. CAMERUP. Trouver une association d’entraide. https://www.camerup.fr/trouver-une-association
5. Addict’AIDE ; Le village des addictions. Le forum. https://www.addictaide.fr/communaute
6. Groupe Facebook « Je ne fume plus ! ». https://www.facebook.com/groups/jenefumeplus
7. Haute Autorité de santé (HAS). Outil d’aide au repérage précoce et intervention brève : alcool, cannabis, tabac chez l’adulte 2021. https://urls.fr/Q-4KYy