Pour rappel, la coiffe des rotateurs est un manchon musculotendineux situé dans l’espace sous-acromial, venant de l’omoplate vers les tubérosités humérales et recouvrant la tête de l’humérus. Les 5 tendons concernés sont (d’avant en arrière, fig. 1) : le sous-scapulaire (sub-scapularis), la longue portion du biceps brachial (biceps brachii), le sus-épineux (supra spinatus), le sous-épineux (infra spinatus) et le petit rond (teres minor).
On distingue différentes lésions tendineuses : non rompues, on parle alors de tendinopathies ; ou rompues, la rupture pouvant être partielle ou transfixiante (fig. 2 et 3).
Ces lésions tendineuses sont dégénératives : elles concernent plus volontiers des patients de plus de 50 ans, ayant une activité manuelle répétitive. Un traumatisme banal, voire une activité prolongée dans une position néfaste pour l’épaule, peut faire évoluer une tendinopathie non rompue vers une rupture de coiffe. Le traumatisme n’est alors pas la vraie cause de la rupture, mais « la goutte d’eau qui a fait déborder le vase ».
Comment faire le diagnostic ?
L’interrogatoire, minutieux, fait préciser l’âge du patient, les facteurs favorisants (activités manuelles professionnelles ou de loisir) puis les symptômes ayant amené à consulter (douleurs, perte de force, gêne fonctionnelle…).
L’examen clinique standardisé chez un patient torse nu doit être comparatif et comporte plusieurs étapes bien codifiées :
- inspection ;
- palpation ;
- mesures des amplitudes passives (en cas de raideur, le reste de l’examen clinique n’est pas contributif) ;
- mesures des amplitudes actives ;
- testing analytique des différents tendons de la coiffe des rotateurs ;
- recherche de signes d’instabilité antérieure ou postérieure ;
- examen cervical et neurovasculaire.
Les tests cliniques sont décrits dans le document présent au lien suivant.
Se poser 3 questions
L’épaule est-elle en cause ?
Des douleurs principalement postérieures, au niveau des trapèzes, voire tout à fait antérieures, ayant débuté par un blocage cervical, et plutôt paresthésiantes font évoquer une pathologie cervicale ou cervicoscapulaire (cervicarthrose ou névralgie cervicobrachiale).
En revanche, une douleur qui commence au niveau du moignonde l’épaule avec une irradiation vers le V deltoïdien, fortement influencée par les mouvements et empêchant le patient de se coucher sur le côté pathologique, doit faire suspecter une pathologie de la coiffe des rotateurs.
Si l’épaule est en cause, est-elle raide ?
L’examen des amplitudes passives est une étape déterminante du diagnostic. Le praticien teste les 3 secteurs : l’élévation antérieure, la rotation externe coude au corps et la rotation interne main dans le dos.
Les amplitudes passives s’examinent en position couchée pour l’élévation antérieure passive ; coude au corps, en position couchée ou assise (pour être vraiment comparatif) en ce qui concerne la rotation externe, et en position assise poing dans le dos pour la rotation interne.
La raideur peut être globale et concerner les 3 secteurs, il faut alors assouplir l’épaule. Si les douleurs associées à la raideur prédominent, il faut auparavant soulager correctement le patient. Une épaule raide, quelle que soit sa cause, rend la suite de l’examen clinique non contributif. Une radiographie de l’épaule est indispensable.
Si l’épaule est souple, y a-t-il perte de force ?
Cet examen de la force, tendon par tendon, via des tests analytiques contre résistance, permet d’apprécier la gravité fonctionnelle.
S’il n’y a pas de perte de force (le testing du supraépineux pouvant être douloureux, voire très douloureux), ce tableau rassurant peut correspondre à :
- une coiffe non rompue de type tendinopathie non rompue ;
- une rupture partielle (de tous types, fig. 2) ;
- une petite rupture transfixiante du supraépineux, non détectable au test de force manuel.
Le traitement est toujours médical en première intention.
La perte de force est soit :
- évidente : épaule pseudoparalytique avec impossibilité de lever le bras contre la pesanteur (fig. 4). Prédominant sur les rotateurs externes avec difficulté pour se raser, se coiffer si c’est le bras dominant qui est concerné. Au maximum c’est le signe du clairon (fig. 5) par impossibilité d’effectuer une rotation externe active, alors que l’élévation active reste possible. Il impose au patient de lever le coude plus haut que la main pour mettre cette dernière à la bouche ;
- ou révélée par le testing du ou des tendons concernés qui précise si la rupture touche la coiffe antérieure (sous-scapulaire et tendon du biceps), la coiffe supérieure (supraépineux) ou la coiffe postérosupérieure (sous-épineux et petit rond), voire s’il y a des associations de ruptures ou encore une rupture de tous les tendons de la coiffe.
Dans ce type de situation et en cas d’échec du traitement médical (douleurs persistantes et épaule souple), la réparation sous arthroscopie peut être envisagée. La décision tient compte de l’avis du patient, de son âge, sa motivation, sa gêne douloureuse, et de l’état des muscles de la coiffe.
Quelle place pour l’imagerie ?
La HAS a émis des recommandations récentes sur la place de l’imagerie : en l’absence d’élément évocateur d’une pathologie sévère, la radiographie est uniquement indiquée en cas de persistance des symptômes pendant 4 à 6 semaines, avec ou sans traitement. L’échographie ou l’IRM n’ont pas de place en première intention. En cas d’échec d’un traitement associant kinésithérapie et infiltration, après réévaluation clinique, une échographie de l’épaule, réalisée par un échographiste expérimentéen pathologie ostéoarticulaire, peut être prescrite pour préciser le diagnostic lésionnel, voire une IRM si les symptômes du patient ne sont pas expliqués par l’échographie.
Grandes lignes du traitement médical
La prise en charge des pathologies de la coiffe des rotateurs non traumatiques et non hyperalgiques repose sur le maintien des activités tolérables, les antalgiques (paracétamol, associé ou non aux antalgiques de palier 2) et des AINS en cure courte, en l’absence de contre-indication.
En 2e intention : infiltrations subacromiales de dérivés cortisonés (1 ou 2 espacées au minimum de 3 semaines et suivies d’un repos relatif de 48 heures). Pour la HAS, ces dernières peuvent être préférables aux AINS chez les patients âgés.
Les conseils d’économie articulairesont primordiaux (pas de mouvements prolongés et répétitifs au-dessus du niveau des épaules). Il faut demander au patient de coller son coude au corps s’il doit porter un poids. Cette économie articulaire doit être prolongée s’il existe une rupture transfixiante de la coiffe.
Quant à la kinésithérapie, le rythme, la durée et la fréquence des séances sont adaptés à l’évolution des symptômes. Éviter la rééducation active si les douleurs sont constantes et en particulier nocturnes, au risque de les aggraver et d’enraidir l’articulation. Il faut assouplir une épaule enraidie une fois que les douleurs sont correctement contrôlées. Pour cela, le kinésithérapeute utilise des techniques de mobilisation passive.
En cas d’échec d’un traitement conservateur de première intention bien conduit (prenant en compte les facteurs contextuels professionnels ou autres), il faut adresser à un médecin spécialiste de l’épaule (rhumatologue, médecin de médecine physique et de réadaptation, médecin du sport ou chirurgien orthopédique).
Ne pas banaliser ! Brève de consult’
Le patient : « Docteur je viens vous voir, car j’ai mal à mon épaule droite depuis 3 mois, le Doliprane ne me soulage pas, je commence même à souffrir la nuit. Si je suis gêné comme cela à 55 ans, qu’est-ce que ça va être à 75 ans… »
Le médecin : « Êtes-vous tombé ? Avez-vous subi un traumatisme ? »
Le patient : « Non, les douleurs se sont installées progressivement… »
Le médecin : « Pouvez-vous lever votre bras en l’air ? »
Le patient qui s’exécute : « Oui, mais c’est douloureux. »
Le médecin : « Vous avez une tendinite de l’épaule, je modifie votre traitement de la douleur et vous allez faire une quinzaine de séances de rééducation de l’épaule. »
Le patient repart avec une ordonnance d’anti-inflammatoires et une prescription : faire pratiquer par un kinésithérapeute 15 séances de massages et de rééducation de l’épaule droite.
Cet échange montre que la première réaction est de banaliser puis de prescrire un traitement symptomatique et des séances de rééducation. Cette attitude est parfois la bonne, mais elle peut aussi être source de difficultés futures pour l’épaule concernée.
D’après : Noel C. Tendinopathies dégénératives de la coiffe des rotateurs. Rev Prat Med Gen 2019 ;33(1027) :662 - 4.
Noel C. Tendinopathies dégénératives de la coiffe des rotateurs. Rev Prat Med Gen 2019;33(1027):662-4.
Beaudreuil J, Nizard R, Thomas T, et al. Contribution of clinical tests to the diagnosis of rotator cuff disease: a systematic literature review. Joint Bone Spine 2009;76(1):15-9.
Noel E. Quelles sont les manœuvres cliniques pertinentes devant une épaule douloureuse non traumatique ? Réalités Rhumato 24 mars 2010.
Goutallier D, Postel JM, Bernageau J, et al. Fatty muscle degeneration in cuff ruptures. Pre- and postoperative evaluation by CT scan. Clin Orthop Relat Res 1994;304:78-83.
Nourissat G, Srour F. Les tendinopathies de la coiffe des rotateurs. Livret à destination des patientes et des patients. Épaule au top mars 2021.