Longtemps considérées comme de banales complications des varices, les thromboses veineuses superficielles (TVS) des membres inférieurs ont maintenant acquis une place entière au sein de la maladie thrombo­embolique veineuse, et leur prise en charge s’en trouve profondément modifiée. Les anti-inflammatoires, autrefois largement prescrits, ont laissé la place aux anticoagulants.

Indispensable écho-Doppler veineux

Devant une suspicion clinique de TVS, un examen écho-Doppler veineux (EDV) complet, bilatéral, des troncs veineux profonds et superficiels est indispensable pour :
  • affirmer le diagnostic positif de TVS. Si l’aspect clinique est habituellement évocateur, avec la présence d’un cordon induré, douloureux et inflammatoire, dans une veine superficielle, des diag­nostics différentiels sont possibles. L’échographie pose le diagnostic en montrant une veine à contenu hyper­échogène et incompressible ;
  • préciser l’extension de la TVS, qui est souvent sous-estimée cliniquement, notamment à la cuisse et au niveau des jonctions saphéno-fémorale (JSF) et saphéno-poplitée (JSP) ;
  • rechercher une thrombose veineuse profonde (TVP) associée. Deux grandes études épidémiologiques publiées en 2010 et 20111,2 ont confirmé les données d’études antérieures en retrouvant une TVP associée à la TVS dans 23 à 25 % des cas. La TVP peut se situer en continuité de la TVS mais aussi siéger à distance et parfois sur le membre inférieur controlatéral. Ces études ont également montré qu’une embolie pulmonaire (EP) symptomatique survenait dans un contexte de TVS chez 3 à 4 % des patients.

Recommandations internationales de prise en charge médicamenteuse

La prise en charge des TVS a largement évolué à partir de 2010 et la publication de l’étude CALISTO.3 Cette étude européenne randomisée en double aveugle a comparé, chez 3 002 patients, quarante-cinq jours de traitement par fondaparinux (2,5 mg/j) à un placebo, dans le traitement des TVS des membres inférieurs mesurant plus de 5 cm de long, après exclusion d’une TVP associée. Les critères d’exclusion comprenaient notamment les TVS siégeant à moins de 3 cm de la jonction saphéno-fémorale, un antécédent d’événement thromboembolique veineux (ETEV) datant de moins de six mois, un cancer actif et une insuffisance rénale sévère. Les critères d’évaluation étaient la survenue d’un ETEV symptomatique (EP, TVP, extension ou récidive de TVS). Le nombre d’ETEV était significativement moindre (p < 0,001) dans le groupe des patients traités par fondaparinux sans phénomène de rebond durant la période de suivi d’un mois. Il n’y avait pas de différence en matière de sécurité entre les deux groupes. Les résultats de cette étude ont rapidement été intégrés dans les recommandations internationales et notamment celles de l’American College of Chest Physicians (ACCP), publiées dans Chest dès 2012, qui suggéraient, pour les TVS faisant au moins 5 cm de long, un traitement anti­coagulant à dose prophylactique par fondaparinux ou héparine de bas poids moléculaire (HBPM) pendant quarante-cinq jours (grade 2B), et de préférence par fondaparinux (grade 2C).
Ces recommandations ont été reprises par les différentes sociétés savantes françaises, mais deux remarques s’imposent : elles ne concernent que les TVS répondant aux critères d’inclusion et d’exclusion définis dans l’étude ­CALISTO en laissant dans l’ombre de nombreuses formes de TVS rencontrées en pratique courante, et elles impliquent un traitement injectable pendant quarante-cinq jours.
Une étude allemande (Trial Surprise) a comparé pendant quarante-­cinq jours la prise quotidienne de 10 mg de rivaroxaban à une injection de 2,5 mg de fondaparinux dans le traitement des TVS de plus de 5 cm de long. Si les auteurs concluent à la non-infériorité du rivaroxaban, des interrogations méthodologiques ont été soulevées, et l’étude n’a pas conduit à réviser les recommandations françaises.

Recommandations thérapeutiques en fonction des situations cliniques

La Société française de médecine vasculaire a publié un consensus4 fondé sur des avis d’experts faisant le point des recommandations thérapeutiques en fonction des diverses situations cliniques. Les principales recommandations sont les suivantes :
  • premier épisode ou première récidive de TVS symptomatique de plus de 5 cm de long située à plus de 3 cm de la JSF, chez un patient sans facteur de risque thromboembolique veineux : fondaparinux 2,5 mg/j pendant quarante-cinq jours ;
  • TVS de moins de 5 cm de long : pas de traitement anticoagulant sauf si la TVS est proche d’une perforante, de la JSF ou de la JSP, en cas d’antécédent thromboembolique veineux, de TVS bilatérale ou multisegmentaire ;
  • TVS asymptomatique : pas de traitement anticoagulant, sauf dans le cas d’un cancer actif ;
  • TVS à moins de 3 cm de la JSF ou JSP : traitement anticoagulant à doses curatives pendant au moins trois mois, pas d’indication à un traitement chirurgical, sauf contre-indication au traitement anticoagulant ;
  • TVS et insuffisance rénale :
• sévère (clairance de la créatinine [formule de Cockcroft-Gault] < 30 mL/min) : le fondaparinux est contre-indiqué ; indication d’une surveillance clinique et écho-­Doppler. Si la clairance est comprise entre 20 et 30 mL/min avec facteurs de risque d’ETEV, utiliser la tinzaparine à dose prophylactique ;
• modérée (clairance de la créatinine entre 30 et 50 mL/min) : tinzaparine à dose prophylactique ;
  • TVS et cancer actif : une prolongation du traitement anticoagulant (de trois à six mois) se discute au cas par cas ;
  • TVS et grossesse (les TVS surviennent souvent en fin de grossesse) : indication de traitement par HBPM à dose prophylactique pendant quarante-cinq jours en le prolongeant pendant le post-partum.

Adaptation du traitement à la situation

Il est absolument nécessaire de réaliser un examen écho-Doppler veineux complet bilatéral devant toute sus­picion clinique de TVS. Les TVS d’au moins 5 cm de long relèvent d’un traitement anticoagulant injectable à dose prophylactique par fondaparinux pendant quarante-cinq jours, ou plus longtemps en cas de facteurs de risque thrombo­embolique veineux. Des doses curatives ne sont pas justifiées, sauf en cas d’extension à la JSF ou à la JSP ou de facteurs particuliers liés au patient. Si la compression élastique n’a pas démontré son efficacité dans l’évolution du thrombus, elle peut aider à soulager la douleur et à réduire l’œdème. Dans le cas d’une TVS non provoquée, la recherche d’un cancer peut être réalisée dès le premier épisode. 
Références
1. Decousus H, Quere I, Presles E, Becker F, Barrellier MT, Chanut M, et al. POST (Prospective Observational Superficial Thrombophlebitis) Study Group. Superficial venous thrombosis and venous thromboembolism: A large, prospective epidemiologic study. Ann Intern Med 2010;152(4):218-24.
2. Galanaud JP, Genty C, Sevestre MA, Brisot D, Lausecker M, Gillet JL, et al. OPTIMEV SFMV investigators. Predictive factors for concurrent deep-vein thrombosis and symptomatic venous thromboembolic recurrence in case of superficial venous thrombosis. The OPTIMEV study. Thromb Haemost 2011;105(1):31-9.
3. Decousus H, Prandoni P, Mismetti P, Bauersachs RM, Boda Z, Brenner B, et al. CALISTO Study Group. Fondaparinux for the treatment of superficial-­­ vein thrombosis in the legs. N Engl J Med 2010;363(13):1222-32.
4. Quere I, Elias A, Maufus M, Elias M, Sevestre MA, Galanaud JP, et al. Unresolved questions on venous thromboembolic disease. Consensus statement of the French Society for Vascular Medicine (SFMV). J Med Vasc 2019;44(4):28-70.

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