La toxine botulinique de type A est une neurotoxine puissante largement utilisée pour le traitement de l’hyperactivité musculaire, comme la dystonie1 et la spasticité. Dès les premières observations cliniques sur son efficacité dans la dystonie, certains auteurs avaient remarqué que le soulagement de la douleur précédait généralement les effets sur la contraction musculaire et était supérieur à ce qui était attendu d’un simple effet relaxant musculaire.2 Ces données ont suggéré que la toxine botulinique pourrait posséder des propriétés analgésiques indépendantes de son effet relaxant musculaire.
Intérêt dans les douleurs neuropathiques
Plusieurs études randomisées contrôlées contre placebo ont démontré l’efficacité à long terme de l’administration unique d’injections sous-cutanées ou intradermiques de toxine botulinique A dans la zone douloureuse (100 à 300 unités selon l’étendue de la zone douloureuse) chez des patients atteints de mononeuropathie douloureuse associée à une allodynie, de polyneuropathie douloureuse du diabète et de douleurs post-zostériennes.3,4 Cette efficacité a été confirmée après deux injections répétées, à trois mois d’intervalle, dans les douleurs neuropathiques périphériques sur la base d’une étude multicentrique5 mais aussi, de façon plus inattendue, dans les douleurs sous-lésionnelles des lésions médullaires.3 Ces données ont suggéré des mécanismes d’action centraux de la toxine.6 Le traitement est généralement bien toléré aux doses utilisées, aucun effet systémique ou moteur n’ayant été observé dans les études portant sur la douleur neuropathique ; les seuls effets indésirables significatifs sont les douleurs au point d’injection. La toxine botulinique A est à privilégier lorsqu’il existe une allodynie dans la zone douloureuse.7
Ce traitement ne dispose pas d’autorisation de mise sur le marché (AMM) dans les douleurs neuropathiques, mais les recommandations françaises et internationales proposent désormais de l’utiliser en seconde ou dernière ligne dans certaines douleurs neuropathiques périphériques.8,9 En France, ce traitement est à dispensation hospitalière et doit être prescrit par un spécialiste.
Intérêt dans la névralgie essentielle du trijumeau
Quelques études monocentriques ont rapporté l’efficacité de la toxine botulinique de type A sur la névralgie trigéminale idiopathique.3 Dans ces études, des injections intradermiques ou intramucosales de toxine botulinique de type A ont été administrées dans la zone douloureuse faciale ou sur les points gâchettes. L’efficacité a été évaluée en fonction du pourcentage de patients répondeurs, de l’intensité et de la fréquence des paroxysmes douloureux.
Intérêt dans la migraine chronique
La toxine botulinique de type A est un traitement prophylactique reconnu de la migraine chronique – définie par au moins quinze jours de céphalées par mois pendant plus de trois mois, dont au moins huit jours avec des caractéristiques migraineuses. Il s’agit d’un traitement de seconde intention : l’AMM en France est valable pour les migraines chroniques réfractaires aux traitements de fond habituels. L’administration doit être réalisée dans le cadre d’une prise en charge globale et multidisciplinaire par des médecins spécialistes formés aux injections de toxine botulinique, en suivant un protocole précis afin d’optimiser son efficacité et de réduire les effets indésirables.
Le mécanisme suggéré est celui d’un effet sur les circuits de la sensibilisation périphérique et centrale, qui jouent un rôle clé dans les migraines chroniques. Le traitement se conforme généralement au protocole PREEMPT, qui prévoit des injections ciblées sur plusieurs zones du visage, de la tête et de la nuque, administrées tous les trois mois (31 à 39 points d’injection, soit 155 à 195 UI). Les études cliniques montrent une diminution significative de la fréquence et de l’intensité des migraines, ainsi qu’une amélioration de la qualité de vie des patients.10
Sécurité d’emploi et effets indésirables
La toxine botulinique A possède un intérêt thérapeutique dans la gestion de la douleur neuropathique réfractaire et des migraines chroniques, en raison de ses effets thérapeutiques durables après une seule série d’injections et de son bon profil de tolérance (tableau).
Toutes les études ont confirmé l’absence d’effets systémiques ou moteurs de la toxine botulinique de type A. Cependant, les patients peuvent avoir des douleurs au site d’injection, parfois sévères, notamment au niveau des doigts et des pieds. Pour cette raison, l’utilisation d’anesthésiques topiques (crèmes à base de lidocaïne ou prilocaïne) avant injection et de protoxyde d’azote pendant les injections peut être proposée.5,8
Dans la névralgie du trijumeau et le traitement de la migraine chronique, les principaux effets indésirables peuvent être une asymétrie faciale transitoire et un ptosis.11
2. Aoki KR. Review of a Proposed Mechanism for the Antinociceptive Action of Botulinum Toxin Type A. NeuroToxicology 2005;26:785-93.
3. Spagna A, Attal N. Botulinum toxin A and neuropathic pain: An update. Toxicon 2023;232:107208.
4. Hary V, Schitter S, Martinez V. Efficacy and safety of botulinum A toxin for the treatment of chronic peripheral neuropathic pain: A systematic review of randomized controlled trials and meta-analysis. Eur J Pain 2022;26:980-90.
5. Attal N, de Andrade DC, Adam F, et al. Safety and efficacy of repeated injections of botulinum toxin A in peripheral neuropathic pain (BOTNEP): A randomised, double-blind, placebo-controlled trial. Lancet Neurol 2016;15:555-65.
6. Moreau N, Korai SA, Sepe G, et al. Peripheral and central neurobiological effects of botulinum toxin A (BoNT/A) in neuropathic pain: A systematic review. Pain 2024;165(8):1674-88.
7. Bouhassira D, Branders S, Attal N, et al. Stratification of patients based on the Neuropathic Pain Symptom Inventory: Development and validation of a new algorithm. Pain 2021;162:1038-46.
8. Finnerup NB, Attal N, Haroutounian S, et al. Pharmacotherapy for neuropathic pain in adults: A systematic review and meta-analysis. Lancet Neurol 2015;14:162-73.
9. Moisset X, Bouhassira D, Avez Couturier J, et al. Pharmacological and non-pharmacological treatments for neuropathic pain: Systematic review and French recommendations. Rev Neurol 2020;176:325-52.
10. Silberstein S, Mathew N, Saper J, et al. Botulinum toxin type A as a migraine preventive treatment. For the BOTOX Migraine Clinical Research Group. Headache 2000;40:445-50.
11. Hu X, Xia Y, Li J, et al. Efficacy and Safety of Botulinum Toxin Type A in the Treatment of Trigeminal Neuralgia: An Update on Systematic Review With Meta-analyses. Clin J Pain 2024;40(6):383-92.