La prise en charge des infections invasives méningococciques (IIM) comprend plusieurs aspects selon que l’on considère le traitement thérapeutique probabiliste, le cas confirmé et les cas contacts d’un malade.
Lors d’une suspicion d’infection à Neisseria meningitidis (Nm), les éléments fondamentaux pour réduire la morbidité et la mortalité sont l’instauration précoce d'une antibiothérapie et l'attention portée à l'état hémodynamique des patients.1, 2
Bien que des cas de résistance à la pénicilline ainsi qu’à la ciprofloxacine aient été décrits dans le monde, les souches de Nm en France restent sensibles pour la majorité (3 - 5). La sensibilité diminuée à la pénicilline G et à l’amoxicilline apparaît stable en France, et principalement décrite pour le sérogroupe B.6 La résistance de Nm aux céphalosporines de troisième génération (C3G) a rarement été rapportée, en dehors de l’Inde.7 En France, 2 % des Nm invasifs au cours de la période 2013 - 2015 présentaient une sensibilité réduite aux C3G en raison d'une mutation de la protéine de liaison à la pénicilline (CMI céfotaxime de 0,047 à 0,125 μg/mL).8 Bien que ces données soient préoccupantes, le taux de résistance de Nm aux C3G semble stable et fait l’objet d’une surveillance étroite.9
Les C3G sont donc généralement recommandées dans les schémas antibiotiques pour le traitement empirique de la méningite bactérienne avant que l'agent pathogène responsable n'ait été identifié. La ceftriaxone a l’intérêt supplémentaire d’éliminer efficacement le portage nasopharyngé de Nm après une seule dose.
En cas de suspicion clinique de purpura fulminans en préhospitalier
Du fait de son extension extrêmement rapide, sa prise en charge est une urgence. Tout malade présentant des signes infectieux avec, à l’examen clinique sur un patient totalement dénudé, la présence d’un purpura (ne s’effaçant pas à la vitropression) et comportant au moins un élément nécrotique ou ecchymotique de diamètre supérieur ou égal à 3 mm, doit bénéficier d’une prise en charge urgente avec appel systématique au Samu-centre 15, afin d’organiser le transfert vers la réanimation la plus proche. Il est indispensable de mettre en place une à plusieurs voies veineuses, afin de réaliser un remplissage vasculaire dans le cadre du traitement de l’état de choc. Une antibiothérapie appropriée aux IIM doit être débutée sans délai et ne doit pas être retardée par la réalisation d’une hémoculture ou d’un prélèvement sanguin. L’important est d’administrer en urgence un antibiotique de la classe des C3G, de préférence ceftriaxone ou, si indisponibilité, céfotaxime, si possible par voie intraveineuse, à défaut par voie intramusculaire, à la posologie de 50 mg/kg (1 g maximum ) quelle que soit la C3G.10 Dans la mesure où l’allergie à la pénicilline n’est qu’exceptionnellement croisée avec les C3G, l’injection de ceftriaxone n’est contre-indiquée qu’en cas d’allergie grave à la pénicilline (œdème de Quincke ou de choc anaphylactique). Dans ce cas, une fluoroquinolone (ciprofloxacine ou lévofloxacine) peut être utilisée.
Traitement de l’IIM
Prise en charge initiale
Quelle que soit la présentation clinique, la prise en charge thérapeutique initiale des IIM est la même. Elle doit être urgente et agressive.
Le traitement en unité de réanimation de l'état de choc est fondamental, avec remplissage vasculaire, soutien cardiaque par des catécholamines (noradrénaline, dopamine), assistance ventilatoire, et traitement de l'élévation de la pression intracrânienne en cas de méningite sévère. La ponction lombaire est recommandée quand l’état hémodynamique et neurologique le permettent.
On utilise en probabiliste une C3G injectable céfotaxime (50 mg/kg/H6) ou ceftriaxone (75 mg/kg/24h en 1 ou 2 fois).
L’isolement du patient hospitalisé est recommandé jusqu'à vingt-quatre heures après le début de l’antibiothérapie, et des précautions gouttelettes sont nécessaires en plus des précautions standard, notamment pour les soignants par le port d’équipements de protection individuelle (gants, tabliers, masque, etc.), et si possible port de masque chirurgical pour le patient.
Prise en charge après diagnostic microbiologique
L’IIM est à déclaration obligatoire.
On définit différents cas.
Cas confirmé : cas cliniquement compatible ET isolement de Nm à partir d'un site habituellement stérile tels que le sang, liquides cérébrospinal, synovial, pleural, péricardique, ou isolement à partir d'une lésion cutanée pétéchiales ou purpuriques
Ou
Détection d'acide nucléique spécifique de Nm (PCR) dans un échantillon obtenu à partir d'un site corporel normalement stérile (ex : sang ou LCS ou lésion cutanée).
Cas probable : cas cliniquement compatible ET un résultat positif du test antigénique ou de l'immunohistochimie d'un tissu fixé.
Cas suspect : cas cliniquement compatible ET présence de diplocoques à Gram négatif dans tout liquide stérile (ex : LCS, liquide synovial ou grattage d'une lésion pétéchiale ou purpurique) ; ou purpura fulminans clinique sans culture positive.
Une fois le diagnostic microbiologique d’infection à Nm établi, si la souche a une sensibilité conservée à l'amoxicilline (CMI amox ≤ 0,125 mg/L), il est possible d’utiliser l'amoxicilline (200 mg/kg/H6 en IV). Si la CMI dépasse ce seuil, il est recommandé de maintenir les céphalosporines.9 Si la dexaméthasone a été administrée avant la ponction lombaire, chez l’enfant, il n’est pas recommandé de la poursuivre.
La durée de traitement est de cinq jours.11 - 12
La chimioprophylaxie post-exposition
La décision d'administrer une chimioprophylaxie aux contacts est basée sur le risque lié à une exposition aux sécrétions du patient infecté. Elle devrait idéalement être mise en place dans les 24 heures suivant l'identification du patient index, et n'est pas indiquée plus de deux semaines après l'exposition.
Une revue récente qui comprenait des études non randomisées, comparant des groupes traités et non traités, a démontré que la chimioprophylaxie (conformément aux directives locales) des contacts familiaux réduisait le risque de développer une méningococcie (risque relatif [RR] : 0,11 ; intervalle de confiance à 95 % [IC95] : 0,02 à 0,58). Aucune étude portant sur des contacts non familiaux ne répondait aux critères d'inclusion. Sur la base de quatre études, le taux d'attaque parmi les contacts familiaux non traités a été estimé à 5 cas pour 1 000 contacts familiaux.13 L’absence éventuelle de réponse au vaccin anti-méningococcique, ou un taux d’anticorps circulants bactéricides trop faible, ou les deux, peuvent rendre les personnes vaccinées susceptibles de contracter la maladie. Les contacts étroits et en particulier les contacts familiaux, quel que soit leur statut vaccinal, même avec des vaccins contre le groupe capsulaire concerné, doivent recevoir rapidement une chimioprophylaxie (tableau).
Le risque de transmission aux professionnels de santé est faible. La prophylaxie est recommandée pour les soignants exposés aux sécrétions respiratoires des patients infectés, avant ou moins de vingt-quatre heures après le début de l’antibiothérapie, comme les personnes effectuant des soins sans protection lors d’une intubation ou une aspiration, ou de la gestion des sondes endotrachéales, doivent être considérés comme des contacts étroits.
La rifampicine, la ceftriaxone et la ciprofloxacine éradiquent la colonisation nasopharyngée par Nm, et sont recommandées pour la chimioprophylaxie12 (encadré). Bien que la ciprofloxacine soit la plus facile à administrer (voie orale en une seule dose), son usage est restreint chez l’enfant et la femme enceinte, et des cas de résistance ont été sporadiquement signalés dans le monde entier, y compris en Europe.14 Sur la base d'une étude suggérant que l'azithromycine peut également éliminer le portage méningococcique, la ceftriaxone, la rifampicine ou l'azithromycine ont été recommandées pour l'éradication du portage méningococcique dans les régions où une résistance à la ciprofloxacine a été identifiée.15 Comme la pénicilline n'éradique pas de manière fiable la colonisation nasopharyngée, un traitement supplémentaire est recommandé au moment de la sortie de l'hôpital pour éradiquer la colonisation chez les patients qui n'ont pas été traités par ceftriaxone ou céfotaxime.
La vaccination de l’entourage par un vaccin conjugué est à proposer, en plus de la chimiothérapie, s’il s’agit d’un cas lié au sérogroupe A, C, W ou Y. Celle contre le sérogroupe B peut être discutée lors de situations de cas groupés. La vaccination doit être réalisée dans les dix jours suivant le début de l'hospitalisation du cas index.
2. Jolly K, Stewart G. Epidemiology and diagnosis of meningitis: results of a five-year prospective, population-based study. Commun Dis Public Health. 2001;4:124–9.
3. McNamara LA, Potts C, Blain AE, et al. Detection of ciprofloxacin-resistant, beta-lactamase-producing Neisseria meningitidis serogroup Y isolates - United States, 2019-2020. MMWR Morb Mortal Wkly Rep. 2020;69:735–9.
4. Tsang RSW, Ahmad T, Jamieson FB, Tyrrell GJ. WGS analysis of a penicillin-resistant Neisseria meningitidis strain containing a chromosomal ROB-1 beta-lactamase gene. J Antimicrob Chemother. 2019;74: 22–8.
5. Hong E, Deghmane A, Taha M. Acquisition of beta-lactamase by Neisseria meningitidis through possible horizontal gene transfer. Antimicrob Agents Chemother. 2018;62: e00831–e00818.
6. Cnr des Méningocoques et Haemophilus influenzae, bilan des activités scientifiques et techniques 2017-21.
https://www.pasteur.fr/fr/sante-publique/CNR/les-cnr/meningocoques-haemophilus-influenzae/rapports-d-activite
7. Manchanda V, Bhalla P. Emergence of non-ceftriaxone susceptible Neisseria meningitidis in India. J Clin Microbiol. 2006; 44(11):4290–1.
8. Deghmane A, Hong E, Taha M. Emergence of meningococci with reduced susceptibility to third-generation cephalosporins. J Antimicrob Chemother. 2017;72:95–8.
9. Harcourt BH, Anderson RD, Wu HM, et al. Population-based surveillance of Neisseria meningitidis antimicrobial resistance in the United States. Open Forum Infect Dis. 2015;2(3):ofv117.
10. INSTRUCTION N° DGS/SP/2018/163 du 27 juillet 2018 relative à la prophylaxie des infections invasives à méningocoque. https://sante.gouv.fr/IMG/pdf/instruction_dgs_sp_2018_163.pdf.).
11. Hoen B, Varon E, de Debroucker T, et al. Management of acute community acquired bacterial meningitidis. Long version with arguments. Méd Mal Infect 49 (2019) 405–41
12. Gillet Y, Grimprel E, Haas H, Yaghy M, Dubos F, Cohen R. Antibiotic treatment of neuro-meningeal infections. Infect Dis Now, 53, 8, Supplement, Nov 2023, 104788.
13. Purcell B, Samuelsson S, Hahne SJM et al. Effectiveness of antibiotics in preventing meningococcal disease after a case: systematic review. BMJ 2004 ; 328,7452 :1339.
14. Tzanakaki G, Mastrantonio P. Aetiology of bacterial meningitis and resistance to antibiotics of causative pathogens in Europe and in the Mediterranean region. Int J Antimicrob Agents. 2007;29:621–9.
15. Girgis N, Sultan Y, Frenck RW, et al. Azithromycin compared with rifampin for eradication of nasopharyngeal colonization by Neisseria meningitidis. Pediatr Infect Dis J. 1998;17(9):816–9.