Une personne trans est une personne s’identifiant à un genre différent de celui qui a été constaté à la naissance. Le questionnement sur le genre peut conduire à s’engager dans un parcours de transition, comprenant des démarches sociales, administratives, médicales. Classifiée dans les « affections liées à la santé sexuelle »*, l'incongruence de genre n’est plus considérée comme un trouble mental, comportemental ou neurodéveloppemental. En France, les soins de transition sont pris en charge par l’Assurance maladie au titre de l’ALD hors liste (en 2023 un peu plus de 22 000 personnes étaient concernées, chiffre qui tend à augmenter ces dernières années1).
Aujourd’hui, les conditions d’accès à des soins de qualité restent très hétérogènes sur le territoire. Les personnes trans sont exposées à un risque de renoncement aux soins, d’automédication, de dépression ou de troubles anxieux pouvant aller jusqu’au suicide.2 Les discriminations subies** s’y ajoutent, en alimentant un sur-risque de violences ou de précarisation. Face à ces problématiques, les professionnels manquent de repères.
Après un processus impliquant au total 128 experts, la HAS publie aujourd’hui le premier volet de ses recommandations sur l’accompagnement et la prise en charge médicale des personnes trans, concernant les adultes ; le volet sur les mineurs arrivera dans un second temps (élaboration des recos à partir de début 2026).
La HAS préconise que le médecin généraliste puisse accueillir toute demande de soins (importance de l’entretien initial +++) et coordonner la prise en charge tout au long du parcours. Le MG peut assurer le suivi d’une prescription et, s’il est formé, la primoprescription des traitements hormonaux.
Bannir la stigmatisation
En pratique :
‒ l’identité de genre ne doit pas faire l’objet d’une évaluation psychiatrique spécifique ;
‒ les personnes trans doivent avoir un suivi et une prise en charge comparable à la population générale pour leurs soins courants ;
‒ l’accueil se fait sans jugement ou idée préconçue dans un environnement bienveillant ;
‒ le dépistage des cancers est adapté au profil de la personne trans en fonction de ses organes, et de ses antécédents personnels et familiaux ;
‒ la reconnaissance du genre exprimé est essentielle. Les prénom et pronom d’usage sont utilisés dans toutes les communications.
Accueillir une demande de transition
Étape cruciale, l’entretien initial aborde :
‒ l’histoire de la personne en lien avec l’incongruence de genre et ses besoins (soins médicaux, accompagnements, etc.) ;
‒ l’évaluation des facteurs de vulnérabilité, des violences subies, comorbidités psychiatriques (troubles anxieux, dépression, troubles d’usage de substance, de stress post-traumatique, des conduites alimentaires et du spectre de l’autisme) ;
‒ la recherche de risques spécifiques selon les demandes (prescription d’hormones, chirurgies, etc.) ;
‒ une information, adaptée à l’âge et aux capacités de compréhension, sur les options de transition, leurs bénéfices, risques et résultats potentiels, afin d’éviter toute attente irréaliste. Les prises en charge irréversibles nécessitent un délai de réflexion ;
‒ une information sur les options de préservation de la fertilité et possibilités alternatives de parentalité ;
‒ l’évaluation des ressources et soutiens (sociaux, associatifs, familiaux) ;
‒ la recherche des pratiques d’automédication ;
‒ l’évaluation de l’autonomie et la capacité de la personne à consentir de façon éclairée ;
‒ le recueil du consentement libre et éclairé aux soins proposés.
Cet entretien peut être une opportunité pour proposer :
‒ un dépistage et la délivrance de messages de prévention des IST et des conduites addictives ;
‒ une orientation vers des associations, pour la personne mais aussi ses proches (parents, partenaire, enfants, etc.) ;
‒ un recours à un professionnel de santé mentale (mais sans retarderl’instauration de la transition médicale).
Coordination des parcours
Le parcours de transition est personnalisé, coordonné par le médecin généraliste (fig. 1) ; selon les options, la personne doit être orientée vers les professionnels de santé adaptés (tableau 1). Dans les situations complexes, le recours à des équipes de soins spécialisées (ou des RCP) est envisageable.
Prescription d’hormones féminisantes
Les effets physiques attendus des œstrogènes sont indiqués dans le tableau 1.
Le bilan clinique avant la prescription d’hormones féminisantes est précisé dans l’encadré 1.
Prescription d’estradiol (tableau 2) :
‒ la dose de 17 -bêta-estradiol est adaptée aux bilans sanguins et aux symptômes cliniques de la personne ;
‒ le choix de la voie d’administration prend en compte les souhaits et le mode de vie ;
‒ en l’absence de préférence, la voie percutanée est privilégiée.
Si la prise de 17 -bêta-estradiol n’est pas suffisante pour freiner la testostérone, l’association à un bloqueur de testostérone est envisagée (tableau 3). La diminution progressive du bloqueur pourra s’envisager dès que les effets cliniques recherchés seront stabilisés. En première intention :
‒ spironolactone sous réserve d’une surveillance de la PA, ionique sanguine et de la fonction rénale ;
‒ agonistes de la GnRH(triptoréline, leuproréline) avec une utilisation éventuelle d’un autre antiandrogène pour éviter l’augmentation de la testostérone les premières semaines.
La surveillance hormonale se fait à 3 mois, puis à une fréquence adaptée jusqu’à ce que le dosage soit dans les valeurs de référence, puis une fois par an.
Le suivi comprend :
‒ des entretiens pour vérifier la tolérance (signes de surdosage et sous-dosage), l’efficacité du traitement et la satisfaction de la personne ;
‒ des examens biologiques de surveillance selon les traitements :
- un dosage de l’estradiol, de la testostérone,
- spironolactone : dosage de créatininémie et ionogramme sanguin,
- bicalutamide : dosage des transaminases,
- si céphalées, galactorrhées, troubles visuels : dosage de prolactine ;
‒ le suivi de l’évolution des facteurs de risque ;
‒ l’adaptation si besoin du traitement.
Les dépistages des cancers sont ceux concernant leurs organes (sein, prostate et testicule). Une surveillance osseuse spécifique peut être nécessaire pour les personnes en sous-dosage en estradiol.
Prescription d’hormones masculinisantes
Les effets physiques attendus de la testostérone sont listés dans ce tableau (tableau 4). Le bilan initial avant la prescription est indiqué dans l’encadré 2.
La dose est adaptée aux bilans sanguins et aux symptômes cliniques (tableau 5).
Le suivi comprend :
‒ entretien clinique pour vérifier la tolérance (signes de surdosage et sous-dosage), l’efficacité du traitement et la satisfaction de la personne ;
‒ examens biologiques de surveillance :
- dosage de la testostérone (les concentrations de testostérone doivent correspondre à celles des hommes en fonction de l’âge),
- en cas de gonadectomie : dosage de la LH, numération globulaire pour l’évaluation de l’hémoglobine,
- l’hématocrite (à 3 mois de tout changement de dose) puis annuellement si inférieure à 54 % ;
‒ recherche de l’évolution des facteurs de risque ;
‒ surveillance cardiologique des personnes transmasculines sous testostérone identique à celle des hommes ;
‒ surveillance du cancer du sein avec ou sans mastectomie identique à celle des femmes ;
‒ surveillance des cancers pelviens identique à ceux des femmes selon les organes ;
‒ en cas de microdosage ou d’arrêt du traitement après gonadectomie : pas de surveillance osseuse spécifique ;
‒ adaptation du traitement si besoin.
Attention : la testostérone n’est pas considérée comme une contraception.
La diminution de la dose de la testostérone pour lutter contre l’alopécie peut se discuter au cas par cas.
Un schéma de synthèse des éléments du parcours de soins est représenté dans la figure 2.
* Élaborée par l’Organisation mondiale de la santé, la classification médicale des maladies (CIM) constitue la norme internationale pour l’évaluation de l’état de santé. La 11e version (CIM- 11) a été publié en 2018, approuvée par l’Assemblée mondiale de la santé en 2019 et est entrée en vigueur en 2022.
**64 % des personnes transgenres en France ont déclaré avoir subi une discrimination liée à leur identité de genre dans les 12 mois précédents selon une enquête publiée en 2023 par l’Agence européenne des droits fondamentaux (FRA)
1. Bilan initiale avant la prescription d’hormones féminisantes
Bilan clinique avant la prescription d’hormones féminisantes
- Recueil des antécédents (personnels et familiaux).
- Information sur les effets attendus, les bénéfices et risques des différentes options et les résultats potentiels des différents traitements, afin d’éviter toute attente irréaliste.
- Information sur la fertilité sous hormones et sur la possibilité de préservation.
- Recherche d’une éventuelle automédication.
- Examen clinique orienté par l’entretien après accord de la personne :
- Recherche des facteurs de risques vasculaires (artériels et veineux) et oncologiques ;
- Recherche d’un terrain métabolique ;
- Mesure de la pression artérielle ;
- Recueil de la taille et du poids.
Examens biologiques
- Testostéronémie totale et œstradiol selon les options thérapeutiques :
- Spironolactone : créatininémie et ionogramme sanguin ;
- Médicaments hépatotoxique (acétate de cyprotérone, bicalutamide) : transaminases.
- Recherche d’une anomalie lipidique, d’un diabète ou le dépistage des IST conformément aux recommandations de la population générale.
Autre
Recueil du consentement libre et éclairé lorsqu’un traitement est envisagé.
2. Bilan initial avant la prescription d’hormones masculinisantes
Bilan clinique avant la prescription d’hormones masculinisantes
- Recueil des antécédents (personnels et familiaux).
- Information sur les effets attendus, les bénéfices et risques des différentes options et les résultats potentiels des différents traitements, afin d’éviter toute attente irréaliste.
- Informer les personnes des bénéfices-risques (antécédents vasculaires personnels et familiaux, conseiller l’arrêt du tabac).
- Information sur la fertilité sous hormones et sur la possibilité de préservation.
- Recherche d’une éventuelle automédication.
- Examen clinique orienté par l’entretien après accord de la personne :
- Recherche des facteurs de risques vasculaires (artériels et veineux) et oncologiques ;
- Recherche d’un terrain métabolique ;
- Mesure de la pression artérielle ;
- Recueil de la taille et du poids.
Autre
Examens biologiques
Références :
1. Assurance maladie. Effectif, prévalence et caractéristiques des bénéficiaires d’une ALD – 2023. 20 décembre 2024.
2. Konrad M, Kostev K. Increased prevalence of depression, anxiety, and adjustment and somatoform disorders in transsexual individuals. J Affect Disord 2020;241(1):482-5.
Pour en savoir plus :
HAS. Fiche. Transidentité : prise en charge de l’adulte. 17 juillet 2025.
HAS. Transidentité : prise en charge de l’adulte. 18 juillet 2025