En ce dernier numéro avant l’été, je souhaite m’éloigner un peu de mes sujets habituels que sont les aléas et problèmes variés de la vraie vie de médecin généraliste. Je vais donc mettre en avant uniquement les aspects positifs de notre quotidien, car, en dépit de toutes les difficultés précédemment abordées dans cette rubrique, je ne changerais de métier pour rien au monde ! (J’ai donc appliqué un filtre « Bisou­nours » à la place du filtre désabusé !).

Car être médecin généraliste de nos jours, cela reste avant tout avoir la possibilité d’aider vraiment les gens dans leur quotidien, même si l’on ne sauve pas beaucoup de vies. D’ailleurs, étonnamment, je pense que l’on reçoit beaucoup plus de gratifications au quotidien que les médecins qui en sauvent bien davantage.

Ce que j’aime en particulier dans mon métier, c’est arriver le matin dans « mon » cabinet, ma deuxième maison que j’ai aménagée et ­décorée à mon goût sans avoir besoin de demander l’autorisation à qui que ce soit. Quand je gère toute seule – comme une grande – mon changement d’ordinateur, ma comptabilité, la gestion de ma petite entreprise, je suis fière.

Ce que je ne savais pas quand j’étais à la fac, c’est que je verrais autant de gens chaque jour, que je parlerais autant, que j’expliquerais autant de choses, que je serais amenée à donner mon avis quinze ou vingt fois par jour… Et qu’on m’écouterait ! Voire qu’on en redemanderait !

Être médecin généraliste, c’est surtout être le premier recours pour les gens en détresse. Il n’est pas rare que, dès la première consultation, le patient raconte toute sa vie ou presque, alors qu’il ne nous connaît pas. Réussir à instaurer un climat de confiance et de sérénité, savoir que les patients placent suffisamment de confiance en nous pour nous déballer tous leurs soucis, qu’ils soient banals ou plus sérieux, cela contribue à notre épanouissement professionnel.

Nous avons aussi régulièrement la satisfaction de poser un « vrai » diagnostic. Car, non, informer un patient qui tousse qu’il a une bronchite n’est pas le summum de notre épanouissement professionnel en médecine générale ! En revanche, diag­nostiquer une pyélonéphrite ou une cholé­cystite à un patient qui débarque en nous informant qu’il vient pour une appendicite, ça, c’est satisfaisant !

Faire une visite à domicile – même si c’est de plus en plus rare – et savoir que ça a tellement facilité la journée de la famille qui se serait pourtant débrouillée pour amener jusqu’au cabinet le patient affaibli, ça vaut le sacrifice d’une partie de la pause déjeuner.

Quand un patient me remercie – certes, on a la chance d’être remercié toute la ­journée, mais je pense à certains remerciements plus appuyés, particulièrement sincères – sur des situations où je sais que j’ai en effet fourni une aide, cela n’a pas de prix. Quand on m’offre un cadeau et que je le rapporte à la maison, je suis fière de montrer à ma famille que mes ­patients ont eu cette petite attention pour moi (même si, bien sûr, mes enfants sont juste contents de manger les chocolats offerts !).

Lorsqu’un patient me dit « J’ai pensé à vous, docteur » (en arrêtant de fumer, en disant « non » à son chef toxique, etc.), mon sourire intérieur s’agrandit (je vous avais prévenus, pour les Bisounours !).

Quand je suis amenée à partager mes expériences professionnelles avec des consœurs généralistes lors d’un congrès par exemple, quel plaisir de se retrouver sur les mêmes écueils et les mêmes agacements, de ne pas mâcher nos mots sur notre métier, sans se refréner.

Voilà pour cette parenthèse positive et pleine d’arcs-en-ciel et de licornes ! Mais soyez assurés que je reviendrai vite sur les agacements du quotidien, travers des patients, énervements contre la Sécu et autres !