Très souvent, les personnes concernées par un trouble bipolaire ont en même temps des symptômes maniaques et dépressifs. Pourquoi est-il important de repérer ces caractéristiques « mixtes » ? Quel impact sur la prise en charge ?

Les classifications internationales psychiatriques reposent sur une approche catégorielle, où chaque trouble est diagnostiqué à partir de critères définissant les frontières avec les autres troubles, ou avec l’absence de trouble. En l’état actuel de nos connaissances, ces frontières sont toujours arbitraires.

Si on prend l’exemple du trouble bipolaire, les épisodes dépressifs et maniaques sont souvent décrits (et encore trop souvent enseignés) comme ayant des caractéristiques distinctes et en miroir : par exemple, la tristesse dépressive en miroir de l’euphorie maniaque.

Or dans la « vraie vie », il n’existe pas de frontière entre épisode dépressif et (hypo)maniaque. Dans 30 - 40 % des épisodes, les personnes concernées par un trouble bipolaire présentent en même temps des symptômes maniaques et dépressifs.

Par exemple peuvent coexister :

  • humeur triste, vision pessimiste de l’avenir, perte d’appétit, perte d’estime de soi, idées de suicide ;
  • hyperactivité motrice, accélération des idées et du débit verbal, réduction du besoin de sommeil (symptômes maniaques souvent sous-diagnostiqués, à rechercher systématiquement).

Ces épisodes sont définis comme ayant des « caractéristiques mixtes » (mais attention : le diagnostic d’épisode mixte n’existe plus dans les classifications contemporaines).

Au niveau clinique

Pourquoi est-il important de repérer ces caractéristiques mixtes ?

  • Le risque suicidaire est élevé ;
  • Des symptômes hypomaniaques lors d’un épisode dépressif, ou survenant sous antidépresseurs, témoignent d’une vulnérabilité bipolaire ;
  • Identifier cette vulnérabilité permet d’éviter un retard diagnostique et une errance thérapeutique de plusieurs années.

D’autres critères permettent de repérer une vulnérabilité bipolaire :

  • 1er épisode dépressif avant 25 ans ;
  • épisodes dépressifs avec symptômes psychotiques ou ralentissement moteur ;
  • fluctuations de l’humeur, surtout si caractère saisonnier ;
  • antécédents familiaux de trouble bipolaire ou de suicide.

Les questions indiquées dans la figure 1 peuvent aider le praticien à dépister les symptômes (hypo)maniaques, ce qui n’est pas toujours évident.

Au niveau thérapeutique

La priorité est de connaître les risques des antidépresseurs, trop souvent prescrits alors qu’ils aggravent les épisodes avec caractéristiques mixtes.

Il est recommandé de :

  • ne jamais prescrire d’antidépresseur en monothérapie ;
  • ne pas prescrire/arrêter les antidépresseurs (stratégie la plus adaptée) ;
  • prescrire des psychotropes ciblant les symptômes maniaques (antipsychotiques et/ou thymorégulateurs) ;
  • pour un 1er épisode, envisager un traitement préventif thymorégulateur notamment s’il existe des critères de vulnérabilité.

Malgré la fréquence des épisodes avec caractéristiques mixtes, les recommandations actuelles reposent sur un nombre limité d’études, avec peu de données concernant les molécules les plus efficaces en fonction de la polarité dominante.

Cette fiche est résumée dans la figure 2.

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