Les troubles obsessionnels compulsifs (TOC) touchent environ 2 à 3 % de la population générale au cours de la vie, avec une prévalence annuelle estimée à environ 1 %. Bien que les TOC puissent survenir à tout âge, leur apparition se situe souvent entre l’enfance et l’âge adulte jeune, avec un âge moyen d’apparition autour de 15 ans. Les hommes tendent à développer les TOC plus précocement que les femmes, mais la prévalence globale est similaire entre les sexes chez les adultes. Chez les enfants, les garçons sont en revanche plus fréquemment affectés.
Les TOC sont associés à de nombreuses comorbidités psychiatriques, notamment les troubles anxieux, les épisodes dépressifs caractérisés et les troubles liés à l’usage de substances, complexifiant ainsi leurs diagnostic et prise en charge. Les TOC sont considérés par l’Organisation mondiale de la santé comme l’une des pathologies les plus pourvoyeuses de handicap au quotidien.
Les facteurs de risque des TOC sont multiples, impliquant des interactions complexes entre influences génétiques, neurobiologiques et environnementales.
Sur le plan génétique, les antécédents familiaux de TOC ou de troubles anxieux augmentent significativement le risque, avec une héritabilité estimée entre 45 et 65 %. Les anomalies des circuits cortico-striato-thalamo-corticaux, particulièrement au niveau de l’hyperactivité des régions comme le cortex orbitofrontal et le noyau caudé, jouent un rôle central dans la physiopathologie. Les facteurs environnementaux incluent des événements traumatiques ou stressants, des infections (le syndrome PANDAS [Pediatric Autoimmune Neuropsychiatric Disorders Associated with Streptococcal Infections] chez les enfants après une infection streptococcique, par exemple) et des complications périnatales. Par ailleurs, des traits de personnalité comme le perfectionnisme ou une tendance à l’intolérance face à l’incertitude peuvent également prédisposer à l’apparition de TOC.
Une prise en charge précoce et adaptée des patients à risque est essentielle pour prévenir les conséquences à long terme sur la qualité de vie et le fonctionnement psychosocial. Les TOC constituent un trouble psychiatrique chronique pour lequel on ne connaît pas actuellement de traitement curatif. L’évolution clinique est très souvent fluctuante, dépendant à la fois de l’exposition à des facteurs de stress et à une variabilité intrinsèque des symptômes chez chaque patient.
Comment poser le diagnostic ?
Les TOC se caractérisent par la présence d’obsessions, de compulsions ou des deux. Il existe des formes purement obsessionnelles ou purement compulsives, mais elles ne représentent pas la majorité des tableaux cliniques.
Les obsessions sont des pensées, images ou impulsions intrusives, récurrentes et persistantes, perçues comme indésirables ou inappropriées, générant une anxiété ou une détresse significative. Il est à noter que les idées obsessionnelles, quelles que soient leurs thématiques, sont habituellement égodystoniques, c’est-à-dire qu’elles vont à l’encontre du système de croyance et des valeurs du patient. Celui-ci tente de les ignorer, de les réprimer ou de les neutraliser, souvent par des comportements compensatoires – comportements répétitifs (comme le lavage des mains, les vérifications ou l’alignement d’objets) – ou des actes mentaux (comme compter ou prier) effectués en réponse à une obsession, selon des règles rigides ou pour prévenir un danger perçu, bien que ces comportements, clairement excessifs, ne soient pas connectés de manière réaliste à l’événement redouté.
Critères diagnostiques
Selon le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM- 5), ouvrage de référence pour les classifications psychiatriques, dont la dernière édition a été publiée en 2022, le diagnostic de TOC repose sur plusieurs critères essentiels : présence d’obsessions et/ou de compulsions qui doivent être chronophages (occupant plus d’une heure par jour) ou provoquer une détresse cliniquement significative, ou altérer le fonctionnement social, professionnel ou dans d’autres domaines. Les symptômes ne doivent pas être imputables à la prise de produits stupéfiants ou à une autre pathologie, qu’elle soit psychiatrique ou médicale (notamment neurologique).
Le DSM- 5 propose également des précisions fondées sur le degré de reconnaissance par le patient du caractère pathologique des troubles (dit « insight » en anglais) : les patients peuvent soit reconnaître que leurs croyances sont probablement fausses, avoir un « insight » faible ou être persuadés que leurs pensées obsessionnelles sont vraies.
Signes cliniques
Les manifestations cliniques des TOC sont extrêmement hétérogènes et peuvent varier, ou non, au cours de la vie des patients : certains conservent les mêmes thématiques de TOC tout au long de leur pathologie, lorsque d’autres montrent des modifications importantes des symptômes obsessionnels et compulsifs tant dans la thématique que dans l’intensité des troubles.1 Par exemple, les thèmes d’idée obsessionnelle couramment retrouvés sont les obsessions d’agressivité (peur de se faire du mal ou d’en faire à autrui, peur de proférer des obscénités, peur d’être responsable d’un acte délictueux non voulu, peur de blesser quelqu’un de manière involontaire...), les obsessions de contamination (inquiétude concernant la saleté, les microbes, les animaux, les produits ménagers, les contaminants environnementaux...), les obsessions sexuelles (pensées, images, impulsions sexuelles défendues, crainte de manifester un comportement sexualisé envers autrui avec agressivité...), les obsessions d’accumulation, les obsessions religieuses, les obsessions de symétrie ou de rangement, ainsi que plusieurs types d’obsession non catégorisés, comme la peur de perdre des objets, de tenir des propos inadaptés, de ne pas se rappeler de conversations, d’avoir des craintes superstitieuses ou des pensées magiques...
Dans le cas des compulsions, la sémiologie est également riche, pouvant comporter à la fois des rituels mentaux et des compulsions variées, comme des lavages des mains multiples et excessifs, la répétition de douches prolongées, le nettoyage de multiples objets, le rangement méticuleux, la répétition d’activités routinières (passer et repasser le chambranle d’une porte, par exemple). On voit parfois aussi des compulsions d’écriture ou de réécriture, des compulsions de comptage, des vérifications (impliquant parfois le fait de filmer ou de prendre des photos de certains lieux ou objets), des rituels de répétition mentale de phrases précises, le besoin de toucher de manière répétée certains objets.
Évaluation des symptômes
Les symptômes peuvent être évalués de manière précise et standardisée grâce à l’utilisation d’une échelle de cotation très répandue, la Yale-Brown Obsessive Compulsive Scale (Y-BOCS). Cet outil sert de référence pour mesurer l’efficacité des traitements mis en place.
Plusieurs diagnostics différentiels
Le diagnostic des TOC nécessite une distinction rigoureuse de plusieurs troubles psychiatriques et neurologiques dont les symptômes peuvent être similaires.2
Troubles psychiatriques
Parmi les diagnostics psychiatriques, les troubles anxieux tels que le trouble anxieux généralisé ou les phobies spécifiques peuvent partager des préoccupations excessives, mais ces dernières ne sont pas intrusives, égodystoniques ou associées à des compulsions ritualisées.
Le trouble de la personnalité obsessionnelle compulsive est souvent confondu avec les TOC. Cependant, il se caractérise par un perfectionnisme rigide, une méticulosité et une préoccupation pour l’ordre sans obsessions ni compulsions véritables. Ces patients ont souvent des valeurs morales ou éthiques contraignantes, avec un fort contrôle de leurs émotions.
Un épisode dépressif caractérisé à prédominance anxieuse peut entraîner l’apparition de ruminations anxieuses très envahissantes mais qui n’ont pas de caractère égodystonique et qui ne sont pas intrusives dans la pensée des patients, ce qui permet de faire la différence. En outre, les ruminations dépressives sont systématiques, congruentes à l’humeur et de tonalité triste, ce qui n’est pas forcément le cas dans le cadre du TOC.
Les idées délirantes du trouble schizophrénique peuvent mimer les obsessions, mais le plus souvent une conviction inébranlable est observée ainsi qu’une absence totale de critique de la part du patient, sans compter les symptômes de désorganisation et déficitaires associés qui permettent de faire la distinction.
Enfin, les comportements répétitifs observés dans les troubles du spectre de l’autisme et les troubles de l’alimentation (comme l’hyperphagie ou l’évitement obsessionnel de certains aliments) peuvent imiter certaines compulsions.
Troubles neurologiques
Sur le plan neurologique, le syndrome de Gilles de La Tourette et les tics chroniques se manifestent par des comportements moteurs ou vocaux répétitifs, mais ces derniers ne sont pas associés aux obsessions anxiogènes typiques des TOC.
Le syndrome PANDAS est une entité pédiatrique spécifique caractérisée par un début soudain de symptômes de type TOC et de tics, après une infection.
Les troubles neurocognitifs tels que la maladie de Huntington, la maladie de Parkinson et certaines atteintes du lobe frontal peuvent également entraîner des comportements répétitifs ou obsessionnels liés à des dysfonctionnements neuro-anatomiques communs aux TOC. Une évaluation minutieuse et multidisciplinaire est souvent nécessaire pour établir un diagnostic différentiel précis et guider la prise en charge.
Cas particulier du syndrome de Diogène
Une attention particulière peut être portée au syndrome de Diogène, qui est parfois confondu à tort avec les TOC. Il s’agit d’un trouble comportemental caractérisé par une négligence extrême de l’hygiène personnelle et domestique, une accumulation compulsive d’objets inutiles ou sans valeur (syllogomanie) et un isolement social marqué. Les patients vivent souvent dans des conditions insalubres, refusant toute aide extérieure en dépit d’une situation de précarité sanitaire et/ou sociale. Ce syndrome touche principalement les personnes âgées, bien que des cas soient observés à tout âge.
Les causes du syndrome de Diogène sont variées : psychiatriques, neurologiques et/ou sociales. Parmi les origines psychiatriques, on retrouve fréquemment des TOC, un trouble de la personnalité obsessionnelle compulsive, des troubles schizophréniques ou des troubles sévères de l’humeur, notamment des épisodes dépressifs caractérisés sévères. Les causes neurologiques incluent les troubles neurodégénératifs, particulièrement la maladie d’Alzheimer et les atteintes du lobe frontal, qui altèrent la capacité de jugement, la planification et l’autocontrôle. Enfin, des facteurs sociaux, tels qu’un isolement prolongé, des traumatismes psychologiques ou des pertes significatives (comme un veuvage), peuvent jouer un rôle déclencheur ou aggravant.
Le syndrome de Diogène n’est pas une entité pathologique autonome mais un état clinique nécessitant une évaluation globale et pluridisciplinaire pour identifier et traiter la cause sous-jacente, tout en garantissant un accompagnement social adapté.
Comorbidités psychiatriques associées aux TOC : que rechercher ?
Les TOC s’accompagnent fréquemment de comorbidités psychiatriques qui en compliquent le tableau clinique et peuvent en influencer le pronostic. L’exploration systématique de ces comorbidités est essentielle, car leur prise en charge intégrée améliore significativement les résultats thérapeutiques sur les TOC et sur la qualité de vie des patients.
Les troubles anxieux sont parmi les plus fréquents, notamment le trouble anxieux généralisé, les phobies spécifiques et le trouble panique.
Les épisodes dépressifs caractérisés sont également très courants, affectant jusqu’à 60 % des patients souffrant de TOC au cours de leur vie.3 Les symptômes dépressifs peuvent résulter de l’impact fonctionnel et émotionnel des TOC, mais ils nécessitent une prise en charge spécifique. Il est fréquent que le premier contact avec les soins des patients ayant un TOC soit en lien avec les conséquences d’un épisode dépressif secondaire à un TOC non pris en charge auparavant.
Les troubles liés à l’usage de substances, tels que l’abus d’alcool ou de benzodiazépines, peuvent survenir chez les patients cherchant à soulager l’anxiété liée à leurs obsessions ; ils sont à rechercher systématiquement.4
Les troubles du spectre obsessionnel compulsif, tels que la trichotillomanie, l’excoriation compulsive ou le trouble d’accumulation doivent être recherchés car ils partagent des caractéristiques cliniques et neurobiologiques avec les TOC.
Les troubles alimentaires, en particulier l’anorexie mentale, présentent souvent des comportements compulsifs ou des pensées obsessionnelles autour de l’alimentation ou de l’image corporelle.
Enfin, il faut évaluer la présence de troubles du spectre de la schizophrénie, en distinguant les obsessions des idées délirantes et en recherchant des symptômes de désorganisation.
Examens complémentaires
Le diagnostic des TOC repose principalement sur une évaluation clinique approfondie, mais certains examens complémentaires peuvent être indiqués pour exclure des diagnostics différentiels ou évaluer des comorbidités associées.
Éliminer une cause organique
En première intention, des examens biologiques sont parfois réalisés pour écarter des causes organiques ou métaboliques. Un hémogramme, un dosage de la fonction thyroïdienne (TSH, T4 libre) et un ionogramme sanguin permettent de rechercher un point d’appel pouvant expliquer l’apparition de symptômes psychiatriques.
Rechercher une infection chez l’enfant
Chez les enfants et adolescents, notamment en cas d’apparition soudaine des symptômes, l’exploration d’un syndrome PANDAS est recommandée, notamment par un avis pédiatrique. Cela inclut la recherche d’une infection streptococcique récente par un prélèvement de gorge ou un dosage des anticorps antistreptolysines O (ASLO).
Imagerie pour écarter une cause neurologique
En cas de suspicion de comorbidités neurologiques, telles que des tics sévères ou des troubles moteurs, une imagerie cérébrale (IRM) peut être indiquée pour exclure des lésions ou anomalies structurelles, en particulier au niveau des circuits cortico-striato-thalamo-corticaux impliqués dans les TOC. La réalisation d’une IRM de manière systématique permet d’exclure une autre cause des troubles, mais elle n’est pas actuellement utilisée en pratique courante pour le diagnostic des TOC. Néanmoins, elle est à proposer afin de disposer d’une imagerie dite « de référence », notamment pour un éventuel traitement par neuromodulation.
Trois piliers pour le traitement
La prise en charge thérapeutique des TOC repose idéalement sur l’association de deux ou trois modalités de soins que sont la psychothérapie, les traitements médicamenteux et les soins de neuromodulation, dont l’accessibilité reste réservée à certains centres experts.5
Essentielle psychothérapie
Les soins de psychothérapie sont essentiels dans le cadre des troubles obsessionnels compulsifs et sont indiqués quel que soit le niveau de sévérité, même si les patients les plus sévères peuvent être en difficulté pour accéder à ce type de soins au vu de leur envahissement par les TOC.
La psychothérapie possédant le plus fort niveau de preuve scientifique reste la thérapie cognitivo-comportementale (TCC), qui doit idéalement être proposée à tous les patients qui souffrent de TOC, mais dont l’accès est parfois limité tant par la disponibilité de professionnels formés que par son coût.6 Les cycles de prise en charge en TCC ne sont pas nécessairement de longues séances de psychothérapie s’étalant sur des mois et des années mais plutôt des entretiens limités dans le temps et centrés sur un aspect précis des TOC, pouvant être éventuellement renouvelés ultérieurement. Ainsi, une prise en charge peut comporter un entretien hebdomadaire de TCC pendant huit à dix semaines, permettant de travailler un objectif précis, tout en ayant la possibilité d’espacer les séances.
Traitement médicamenteux : ISRS en première intention
Les traitements médicamenteux des TOC peuvent avoir de bons résultats et sont très souvent nécessaires dès que la symptomatologie dépasse le stade léger. Les recommandations mettent actuellement en première ligne la prescription d’un inhibiteur sélectif de la recapture de la sérotonine (ISRS) : sertraline, fluoxétine, paroxétine, escitalopram et citalopram (tableau). Pour ces deux dernières molécules, il existe des risques liés à l’allongement de l’intervalle QT.
Le délai de réponse au traitement est plus long dans l’épisode dépressif caractérisé, souvent avec une absence de réponse dans les huit à douze premières semaines de traitement.
Il est recommandé d’augmenter le traitement à la dose maximale, en fonction de la tolérance, afin d’optimiser les résultats cliniques.
Un traitement anxiolytique d’appoint peut être proposé à la phase initiale de mise en place du traitement, tout en rappelant le risque de dépendance aux benzodiazépines ainsi que la contre-indication à la conduite automobile associée.
En cas d’échec de la première ligne d’ISRS, un changement de traitement peut être envisagé, en faveur d’un autre ISRS, sans forcément passer à un inhibiteur de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSNa), comme dans l’épisode dépressif caractérisé.
Un nouvel échec thérapeutique doit faire orienter rapidement vers un psychiatre pour la suite de la prise en charge.7
Place de la neuromodulation
Les soins de neuromodulation regroupent plusieurs types de technique de stimulation cérébrale, plus ou moins invasives, parfois sources d’effets indésirables. Ils ne relèvent généralement pas d’une orientation directe par le médecin traitant, mais plutôt d’un avis psychiatrique de second niveau dans un centre spécialisé. Par exemple, les techniques de stimulation magnétique transcrânienne répétitive ou la stimulation transcrânienne à courant direct sont de plus en plus réalisées en pratique courante, bien que relevant encore de la recherche mais avec des résultats encourageants. D’autres techniques, comme la stimulation cérébrale profonde, sont beaucoup plus invasives et non dénuées de risque, limitant leur utilisation à des indications évaluées très précisément chez les patients aux formes les plus sévères.
Quel accompagnement social proposer ?
Les TOC, lorsqu’ils sont sévères, peuvent entraîner un handicap significatif dans la vie quotidienne, justifiant la mise en place de dispositifs de prise en charge sociale.
Les patients peuvent solliciter une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé auprès de la maison départementale des personnes handicapées. Cette reconnaissance permet d’accéder à des aménagements de poste, à des dispositifs d’accompagnement pour le maintien en emploi et, dans certains cas, à une orientation professionnelle adaptée.
Pour les cas où les TOC entraînent une incapacité durable à travailler, l’attribution de l’allocation aux adultes handicapés peut être envisagée. Cette aide financière, soumise à évaluation médico-sociale, permet de garantir un minimum de ressources aux patients en situation de handicap sévère. Par ailleurs, les TOC peuvent être reconnus comme une affection de longue durée (ALD 31), ouvrant droit à une prise en charge à 100 % par l’Assurance maladie pour les soins en rapport avec la pathologie.
Enfin, des associations de patients et des structures d’entraide, comme l’Association française de thérapie comportementale et cognitive (AFTCC), l’Association française de personnes souffrant de troubles obsessionnels compulsifs (AFTOC), ou des groupes de soutien peuvent fournir un accompagnement psychosocial précieux. Ces ressources, combinées aux dispositifs institutionnels, contribuent à améliorer la qualité de vie des patients et à réduire l’isolement souvent associé aux TOC. Une orientation proactive par le médecin traitant est essentielle pour garantir l’accès à ces aides.
Rôles du médecin généraliste : repérer, évaluer, orienter
Le médecin généraliste joue un rôle central dans la prise en charge de TOC, tant dans le repérage précoce que dans le suivi à long terme des patients.
Lors de la consultation, sa première mission consiste à identifier les signes évocateurs des TOC, notamment les obsessions récurrentes et anxiogènes ainsi que les compulsions, et à en évaluer la sévérité.
Un diagnostic précoce permet de prévenir l’aggravation des symptômes et de faciliter l’initiation rapide du traitement.
En cas de suspicion de TOC, le médecin généraliste doit orienter vers un psychiatre ou un psychothérapeute spécialisé, tout en veillant à ce que le patient soit informé des thérapeutiques disponibles, avec la possibilité de démarrer un traitement médicamenteux de première intention.
La psycho-éducation est également un volet crucial et peut être débutée avant même l’adressage à un psychiatre. Le médecin généraliste peut expliquer au patient et à sa famille la nature psychiatrique du trouble et ses mécanismes, le fait que les obsessions et les compulsions – parfois peu comprises par les proches – sont des symptômes de la maladie, ainsi que les options thérapeutiques, notamment les bénéfices des TCC et des traitements médicamenteux.
Suivi à long terme et réévaluation
Dans la gestion des TOC à long terme, le médecin généraliste assure un suivi régulier pour évaluer l’évolution des symptômes, les effets des traitements et adapter la prise en charge, si nécessaire.
Il doit également être vigilant aux comorbidités psychiatriques souvent associées aux TOC, telles que la dépression ou les troubles anxieux, et être prêt à ajuster le traitement en collaboration avec le psychiatre. Dans l’intervalle entre les consultations psychiatriques, le médecin généraliste peut jouer un rôle clé en soutenant la continuité des soins, en surveillant les effets indésirables des médicaments et en offrant un espace pour la gestion des préoccupations quotidiennes du patient.
Enfin, il peut faciliter l’accès aux dispositifs d’aide sociale et de réadaptation, afin de réduire le retentissement fonctionnel des TOC sur la vie quotidienne du patient.
En résumé, le médecin généraliste intervient tout au long du parcours de soin, en assurant à la fois une prise en charge initiale appropriée et un suivi durable pour optimiser l’efficacité du traitement et la qualité de vie du patient.
Que dire à vos patients ?
Les TOC sont des troubles fréquents très invalidants, de mieux en mieux connus sur le plan de la physiopathologie.
Il ne s’agit pas de « bizarreries », de « folie » ou de « manies » mais de symptômes psychiatriques reconnus qui ne peuvent pas être maîtrisés par le patient. Le caractère « absurde » des symptômes, très souvent perçu par les patients, renforce leur réticence à évoquer les obsessions et les compulsions en détail, entraînant parfois un long retard de prise en charge. Il ne faut donc pas hésiter à les mettre en confiance en leur listant les obsessions et les compulsions généralement retrouvées, leur permettant de rebondir sur certains symptômes qu’ils n’auraient pas osé mentionner.
Il existe des traitements qui permettent de contrôler les symptômes, parfois au point de ne quasiment pas être gêné par les TOC. En revanche, il n’existe pas actuellement de traitement curatif ; l’évolution est donc souvent fluctuante, notamment en fonction des facteurs de stress.
La réduction de la consommation de produits stupéfiants permet de limiter les recrudescences anxieuses en lien avec les signes de sevrage et d’éviter ainsi une éventuelle majoration des symptômes, quand bien même certains patients les utilisent à visée anxiolytique (notamment lorsqu’ils ne sont pas pris en charge spécifiquement).
Les sites de l’Association française de personnes souffrant de troubles obsessionnels compulsifs (AFTOC) et de l’Association française de thérapie comportementale et cognitive (AFTCC) sont des ressources fiables ; l’Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques (Unafam) peut être un soutien pour les aidants.
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3. Abramowitz JS. OCD and Comorbid Depression: Assessment, Conceptualization, and Cognitive Behavioral Treatment. J Cogn Psychother 2022;36(3):191-206.
4. Randazza MP, McKay D, Bakhshaie J, et al. Unhealthy Alcohol Use Associated with Obsessive-Compulsive Symptoms: The Moderating Effects of Anxiety and Depression. J Obsessive Compuls Relat Disord 2022;32:100713.
5. Elsouri KN, Heiser SE, Cabrera D, et al. Management and Treatment of Obsessive-Compulsive Disorder (OCD): A Literature Review. Cureus 2024;16(5):e60496.
6. McKay D, Sookman D, Neziroglu F, et al. Efficacy of cognitive-behavioral therapy for obsessive-compulsive disorder. Psychiatry Res 2015;225(3):236-46.
7. Del Casale A, Sorice S, Padovano A, et al. Psychopharmacological Treatment of Obsessive Compulsive Disorder (OCD). Curr Neuropharmacol 2019;17(8):710-36.
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Dans cet article
- Comment poser le diagnostic ?
- Plusieurs diagnostics différentiels
- Comorbidités psychiatriques associées aux TOC : que rechercher ?
- Examens complémentaires
- Trois piliers pour le traitement
- Quel accompagnement social proposer ?
- Rôles du médecin généraliste : repérer, évaluer, orienter
- Suivi à long terme et réévaluation