Santé au travail. Le respect du secret médical est un devoir qui s’impose au médecin du travail, d’autant plus qu’il est susceptible d’être sollicité par les employeurs, mais aussi par les différentes instances au sein des entreprises. Le médecin du travail doit savoir rester le garant du secret au profit des salariés qu’il suit et ne pas céder aux pressions qu’il peut subir.
Principe rappelé dans plusieurs textes de loi,1 la violation du secret médical par le médecin du travail peut mettre en jeu sa responsabilité pénale, civile et surtout, dans la pratique, ordinale.
Si le médecin du travail doit communiquer avec l’employeur et le salarié afin de réaliser au mieux sa mission, il se doit pour autant de ne prendre parti pour aucun des deux. Son indépendance dans le cadre de sa mission est garantie et encadrée par la loi.2 En pratique, il peut s’avérer difficile pour le médecin du travail de faire entendre ses pré- conisations et recommandations pour améliorer les conditions de travail des salariés sans pouvoir argumenter sur des informations médicales. Mais le secret médical, renforcé par son indépendance, permet au médecin du travail d’établir une relation de confiance pérenne avec les salariés.
Si le médecin du travail doit communiquer avec l’employeur et le salarié afin de réaliser au mieux sa mission, il se doit pour autant de ne prendre parti pour aucun des deux. Son indépendance dans le cadre de sa mission est garantie et encadrée par la loi.2 En pratique, il peut s’avérer difficile pour le médecin du travail de faire entendre ses pré- conisations et recommandations pour améliorer les conditions de travail des salariés sans pouvoir argumenter sur des informations médicales. Mais le secret médical, renforcé par son indépendance, permet au médecin du travail d’établir une relation de confiance pérenne avec les salariés.
Dérogations légales au secret médical pour le médecin du travail
Pour la chambre criminelle de la Cour de cassation,3 le secret médical est général et absolu. Il ne peut donc y être porté atteinte sans dérogation légale expresse. Par exemple, le médecin du travail, comme tout médecin, peut rédiger des certificats en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle.4
Le salarié, patient du médecin du travail, conserve un droit d’infor- mation.5 À cet effet, le médecin du travail veille à lui communiquer les risques auxquels il peut être exposé dans son travail et doit aussi le conseiller afin qu’il se protège au mieux de ces risques.
Au-delà de ce devoir d’information, le médecin du travail conserve un devoir de signalement concernant toute situation représentant un risque éventuel dans les conditions de travail des salariés. Pour autant, ce devoir d’information reste conditionné par le respect du secret de fabrique qui s’impose au médecin du travail. « Il est interdit au médecin du travail et, dans les services de santé au travail interentreprises, aux autres membres de l’équipe pluri- disciplinaire, de révéler les secrets de fabrication et les procédés d’ex- ploitation dont il pourrait prendre connaissance dans l’exercice de ses fonctions ».6 La méconnaissance de cette interdiction, spécifique en santé au travail, est punie confor- mément à l’article 226-13 du code pénal (sanctionné d’une peine maximale d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende).
Le salarié, patient du médecin du travail, conserve un droit d’infor- mation.5 À cet effet, le médecin du travail veille à lui communiquer les risques auxquels il peut être exposé dans son travail et doit aussi le conseiller afin qu’il se protège au mieux de ces risques.
Au-delà de ce devoir d’information, le médecin du travail conserve un devoir de signalement concernant toute situation représentant un risque éventuel dans les conditions de travail des salariés. Pour autant, ce devoir d’information reste conditionné par le respect du secret de fabrique qui s’impose au médecin du travail. « Il est interdit au médecin du travail et, dans les services de santé au travail interentreprises, aux autres membres de l’équipe pluri- disciplinaire, de révéler les secrets de fabrication et les procédés d’ex- ploitation dont il pourrait prendre connaissance dans l’exercice de ses fonctions ».6 La méconnaissance de cette interdiction, spécifique en santé au travail, est punie confor- mément à l’article 226-13 du code pénal (sanctionné d’une peine maximale d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende).
DMST : quand est-il communicable ?
Le dossier médical en santé au travail (DMST) permet d’apprécier le lien entre l’état de santé du patient et les conditions de travail. Il est élaboré au moment de la première visite d’information et de prévention effectuée après l’embauche, pour chaque salarié.7 Il peut être complété par les personnels de santé du service de santé au travail.8 Ainsi, ce dossier peut être constitué par le médecin du travail mais aussi par le collaborateur médecin, l’interne en médecine du travail ou encore l’infirmier sous l’autorité du médecin du travail.7
Le code du travail dispose que le DMST « ne peut être communiqué qu’au médecin de son choix, à la demande de l'intéressé »9 mais, selon le code de la santé publique, il peut être communiqué directement au salarié.10 Comme tout dossier médical, le DMST peut être communiqué au salarié lui-même ou au médecin choisi par le salarié tant que sa demande est identifiée et que le médecin choisi est désigné. Le mé- decin du travail peut alors transmettre une copie et non l’original du DMST, les frais de photocopie étant dus par le salarié. Les restrictions à cet accès sont le secret de fabrication déjà évoqué et les « informations mentionnant qu’elles ont été recueillies auprès de tiers n’intervenant pas dans la prise en charge thérapeutique ou concernant un tel tiers ».10 En santé au travail, il n’y a pas de prise en charge thérapeutique, mais de nombreuses informations peuvent provenir de tiers.
En cas de risque pour la santé publique ou à la demande du médecin inspecteur du travail (MIT), le DMST est transmis à ce dernier. Le méde- cin inspecteur a donc accès aux éléments du DMST sans restriction.11 Si le salarié ne peut pas s’y opposer, il est conseillé au médecin du travail de l’en informer.
Le médecin du travail peut communiquer le DMST à un autre médecin du travail afin d’assurer la continuité de la prise en charge, sauf oppo- sition du travailleur.11 Lorsqu’un salarié change d’entreprise, un double de son dossier est envoyé au médecin du travail de son nouvel emploi avec l’accord du salarié. En cas de refus du salarié, seuls la liste des vaccinations pratiquées et les résultats des tests tuberculiniques sont transmis au médecin du travail.12
En cas de décès du salarié, toute personne autorisée par l’article L1110-4 du code de la santé publique peut demander la communication du dossier de santé au travail.13 Il s’agit des ayants droit du salarié (ses héritiers directs), son concubin ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, dans la mesure où les informations sont nécessaires pour connaître les causes de la mort, défendre la mémoire du défunt ou faire valoir leurs droits, sauf volonté contraire exprimée par la personne avant son décès.
En pratique, le DMST est en fait un DMIST (dossier médical informatisé en santé au travail), ce qui ne change pas les dispositions en matière de transmission mais ce dossier informatisé doit faire l’objet d’une déclaration à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL).
Le code du travail dispose que le DMST « ne peut être communiqué qu’au médecin de son choix, à la demande de l'intéressé »9 mais, selon le code de la santé publique, il peut être communiqué directement au salarié.10 Comme tout dossier médical, le DMST peut être communiqué au salarié lui-même ou au médecin choisi par le salarié tant que sa demande est identifiée et que le médecin choisi est désigné. Le mé- decin du travail peut alors transmettre une copie et non l’original du DMST, les frais de photocopie étant dus par le salarié. Les restrictions à cet accès sont le secret de fabrication déjà évoqué et les « informations mentionnant qu’elles ont été recueillies auprès de tiers n’intervenant pas dans la prise en charge thérapeutique ou concernant un tel tiers ».10 En santé au travail, il n’y a pas de prise en charge thérapeutique, mais de nombreuses informations peuvent provenir de tiers.
En cas de risque pour la santé publique ou à la demande du médecin inspecteur du travail (MIT), le DMST est transmis à ce dernier. Le méde- cin inspecteur a donc accès aux éléments du DMST sans restriction.11 Si le salarié ne peut pas s’y opposer, il est conseillé au médecin du travail de l’en informer.
Le médecin du travail peut communiquer le DMST à un autre médecin du travail afin d’assurer la continuité de la prise en charge, sauf oppo- sition du travailleur.11 Lorsqu’un salarié change d’entreprise, un double de son dossier est envoyé au médecin du travail de son nouvel emploi avec l’accord du salarié. En cas de refus du salarié, seuls la liste des vaccinations pratiquées et les résultats des tests tuberculiniques sont transmis au médecin du travail.12
En cas de décès du salarié, toute personne autorisée par l’article L1110-4 du code de la santé publique peut demander la communication du dossier de santé au travail.13 Il s’agit des ayants droit du salarié (ses héritiers directs), son concubin ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, dans la mesure où les informations sont nécessaires pour connaître les causes de la mort, défendre la mémoire du défunt ou faire valoir leurs droits, sauf volonté contraire exprimée par la personne avant son décès.
En pratique, le DMST est en fait un DMIST (dossier médical informatisé en santé au travail), ce qui ne change pas les dispositions en matière de transmission mais ce dossier informatisé doit faire l’objet d’une déclaration à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL).
En cas de contentieux
La mise en œuvre d’un contentieux, que ce soit au pénal, au conseil des prud’hommes ou en matière sociale au sujet d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, peut être à l’origine d’une demande d’accès aux informations médicales contenus dans le DMST par un médecin expert.
En matière pénale, le dossier original peut être saisi par des officiers de police judiciaire sur commission rogatoire d’un juge d’instruction.14 Cette saisie du dossier original, sans l’accord du salarié ni même qu’il en soit prévenu, ne peut intervenir qu’en matière pénale lorsqu’une information judiciaire a été ouverte. Le dossier saisi est mis sous scellés puis mis à disposition d’un médecin expert qui peut ouvrir le scellé et consulter le dossier pour répondre à la mission ordonnée par le juge d’instruction.
En matière civile ou administrative, le médecin expert peut obtenir la communication d’une copie du DMST par l’intermédiaire du salarié, car il n’existe pas de dérogation légale permettant au médecin expert désigné par une juridiction civile ou administrative d’accéder direc- tement au dossier. Il existe une disposition spécifique en cas de demande d’expertise par le conseil des prud’hommes. Le salarié ou l’employeur peut en effet saisir le conseil de prud’hommes en la forme des référés d’une contestation portant sur les avis d’aptitude ou d’inaptitude émis par le médecin du travail. « Le médecin expert peut demander au médecin du travail la communication du dossier médical en santé au travail du salarié, sans que puisse lui être opposé le secret médical ».15 Cependant, cette disposition aura été éphémère car créée par la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, et mise en œuvre au 1er janvier 2017, le texte est modifié suite à la réforme du contentieux de l’(in)aptitude par ordonnance.16 Depuis le 1er janvier 2018,15 le conseil de prud’hom- mes peut confier toute mesure d’instruction au médecin inspec- teur du travail pour l’éclairer sur les questions de fait relevant de sa compétence. Celui-ci, peut, le cas échéant, s’adjoindre le concours de tiers. « À la demande de l’employeur, les éléments médicaux ayant fondé les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail peuvent être notifiés au médecin que l’employeur mandate à cet effet. Le salarié est informé de cette notification. » Cet ajout judicieux est fortement inspiré du contentieux social en matière de reconnaissance du caractère professionnel d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle.17 Il n’est pas concevable que l’employeur ait accès à l’entier DMST de son salarié, y compris en cas de contestation sur l’(in)aptitude. En revanche, un médecin désigné et mandaté par cet employeur peut y accéder.
En matière pénale, le dossier original peut être saisi par des officiers de police judiciaire sur commission rogatoire d’un juge d’instruction.14 Cette saisie du dossier original, sans l’accord du salarié ni même qu’il en soit prévenu, ne peut intervenir qu’en matière pénale lorsqu’une information judiciaire a été ouverte. Le dossier saisi est mis sous scellés puis mis à disposition d’un médecin expert qui peut ouvrir le scellé et consulter le dossier pour répondre à la mission ordonnée par le juge d’instruction.
En matière civile ou administrative, le médecin expert peut obtenir la communication d’une copie du DMST par l’intermédiaire du salarié, car il n’existe pas de dérogation légale permettant au médecin expert désigné par une juridiction civile ou administrative d’accéder direc- tement au dossier. Il existe une disposition spécifique en cas de demande d’expertise par le conseil des prud’hommes. Le salarié ou l’employeur peut en effet saisir le conseil de prud’hommes en la forme des référés d’une contestation portant sur les avis d’aptitude ou d’inaptitude émis par le médecin du travail. « Le médecin expert peut demander au médecin du travail la communication du dossier médical en santé au travail du salarié, sans que puisse lui être opposé le secret médical ».15 Cependant, cette disposition aura été éphémère car créée par la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, et mise en œuvre au 1er janvier 2017, le texte est modifié suite à la réforme du contentieux de l’(in)aptitude par ordonnance.16 Depuis le 1er janvier 2018,15 le conseil de prud’hom- mes peut confier toute mesure d’instruction au médecin inspec- teur du travail pour l’éclairer sur les questions de fait relevant de sa compétence. Celui-ci, peut, le cas échéant, s’adjoindre le concours de tiers. « À la demande de l’employeur, les éléments médicaux ayant fondé les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail peuvent être notifiés au médecin que l’employeur mandate à cet effet. Le salarié est informé de cette notification. » Cet ajout judicieux est fortement inspiré du contentieux social en matière de reconnaissance du caractère professionnel d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle.17 Il n’est pas concevable que l’employeur ait accès à l’entier DMST de son salarié, y compris en cas de contestation sur l’(in)aptitude. En revanche, un médecin désigné et mandaté par cet employeur peut y accéder.
Éléments communicables ou non
Il reste à déterminer quels sont les éléments du DMST communicables. Les tableaux 1 et 2 précisent ce qui peut être transmis18-20 et ce qui ne peut pas l’être.21, 22
Un second article « Secret médical en médecine du travail II » précisant avec qui et comment le médecin du travail peut et doit communiquer sera publié dans notre prochain numéro.
Références
1. Articles L1110-4 du code de la santé publique, L162-2 du code de la Sécurité sociale et 226-13 du code pénal.
2. Articles L4622-4 et L4623-8 du code du travail.
3. Cour de cassation, arrêt Watelet, 19 décembre 1885.
4. Article L441-6 et L461-5 du code de la Sécurité sociale.
5. Article L1111-2 du code de la santé publique.
6. Article R4624-9 du code du travail.
7. Article R4624-12 du code du travail.
8. Article R4625-17 du code du travail.
9. Article L4624-8 du code du travail créé par la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016.
10. Article L1111-7 du code de la santé publique.
11. Article L4624-8 du code du travail.
12. Article R4626-33 du code du travail.
13. Article L4624-8 du code du travail créé par la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016.
14. Article 81 du code de procédure pénale.
15. Article L4624-7 du code du travail en vigueur jusqu’au 1er janvier 2018.
16. Ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail.
17. Article L141-2-2 du code de la sécurité sociale.
18. Rapport du Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM), session des 17 et 18 décembre 2015, « Le dossier médical en santé au travail ».
19. Article R4623-31 du code du travail.
20. Article R4624-43 du code du travail
21. Commission d’accès aux documents administratifs (CADA), avis 20150229, centre hospitalier régional et universitaire de Brest (CHRU), séance du 19 mars 2015, à propos des notes personnelles d’un médecin hospitalier.
22. Arrêté du 5 mars 2004 portant homologation de bonnes pratiques relatives à l’accès aux informations.
2. Articles L4622-4 et L4623-8 du code du travail.
3. Cour de cassation, arrêt Watelet, 19 décembre 1885.
4. Article L441-6 et L461-5 du code de la Sécurité sociale.
5. Article L1111-2 du code de la santé publique.
6. Article R4624-9 du code du travail.
7. Article R4624-12 du code du travail.
8. Article R4625-17 du code du travail.
9. Article L4624-8 du code du travail créé par la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016.
10. Article L1111-7 du code de la santé publique.
11. Article L4624-8 du code du travail.
12. Article R4626-33 du code du travail.
13. Article L4624-8 du code du travail créé par la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016.
14. Article 81 du code de procédure pénale.
15. Article L4624-7 du code du travail en vigueur jusqu’au 1er janvier 2018.
16. Ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail.
17. Article L141-2-2 du code de la sécurité sociale.
18. Rapport du Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM), session des 17 et 18 décembre 2015, « Le dossier médical en santé au travail ».
19. Article R4623-31 du code du travail.
20. Article R4624-43 du code du travail
21. Commission d’accès aux documents administratifs (CADA), avis 20150229, centre hospitalier régional et universitaire de Brest (CHRU), séance du 19 mars 2015, à propos des notes personnelles d’un médecin hospitalier.
22. Arrêté du 5 mars 2004 portant homologation de bonnes pratiques relatives à l’accès aux informations.