Compte tenu de l’évolution des souches circulantes de pneumocoque en France, la stratégie vaccinale a changé cette année, avec de nouveaux vaccins et schémas vaccinaux. Le Collège de la médecine générale a élaboré une fiche pour aider les médecins généralistes à proposer et expliquer les vaccins adaptés à leurs patients.

Le pneumocoque (Streptococcus pneumoniae) – diplocoque Gram-positif – est une bactérie commensale des voies respiratoires supérieures. Il est responsable de nombreuses infections : otites, sinusites, pneumonies, et surtout infections invasives (IIP) comme les méningites et bactériémies, en particulier chez les patients à risque (notamment avant 1 an et au-delà de 65 ans). On distingue 94 sérotypes, parmi lesquels une vingtaine sont responsables de plus de 80 % des infections invasives à pneumocoque. Certains sérotypes, comme le sérotype 3, sont particulièrement virulents.

Évolutions épidémiologiques

Les sérotypes les plus fréquemment responsables d’IIP varient au cours du temps, surtout après l’introduction des différents vaccins.

Depuis la généralisation de la vaccination chez les enfants en 2006, l’incidence des IIP a diminué, avec toutefois une légère remontée entre 2014 et 2019.

En 2022, l’incidence était plus basse qu’en 2019 ; on constate une quasi-disparition des IIP liées aux sérotypes couverts par le vaccin 13 -valent (VPC13), excepté les sérotypes 3 (13 %), 19A et 19F (5 %) et la présence forte de sérotypes non contenus dans le VPC13, comme les 8 (12 %), 24F (7 %), 15A et 10A (6 %) (fig. 1).

Chez l’enfant de moins de 16 ans (fig. 2), on observe une place prépondérante des sérotypes non compris dans le VPC13 : 24F (12 %), 10A (10 %) et 15B/C (9 %). Les sérotypes 15A et 23B sont stables. Le 8 (5 %) est en baisse par rapport à 2019 et 2020.

Chez l’adulte (fig. 3), le sérotype 3 progresse (16 %), le 8 (15 %) est en diminution par rapport à 2021 (19 %). Deux sérotypes non couverts par les vaccins conjugués, les 15A et 9N, contribuent chacun pour plus de 5 %.

La composition des vaccins pneumococciques nécessite donc de prendre en compte ces évolutions.

Vaccins disponibles en France

Pneumovax (VPP23) contient les polyosides purifiés de 23 sérotypes (tableau). Il provoque une réponse uniquement humorale (sans production de cellules mémoires), ce qui explique que la durée de protection soit courte. Il n’est pas immunogène chez les moins de 2 ans et son immunogénicité́ décroît avec la répétition des doses. Il n’a pas d’effet sur le portage.

Prevenar 13 (VPC13) est un vaccin polyosidique conjugué à la protéine vectrice CRM197 et adjuvé (phosphate d’aluminium), contenant 13 sérotypes (cf. tableau). Le vaccin induit une réponse humorale mais aussi cellulaire (immunité mémoire), confère une protection sur le portage et peut être administré dès l’âge de 2 mois. En 2022, les sérotypes couverts par le VPC13 représentaient :

  • chez les moins de 2 ans : 14 % des infections invasives, 20 % des bactériémies et moins de 4 % des méningites ;
  • chez les plus de 64 ans : 28 % à 37 % des infections invasives, 41 % des bactériémies et 27 % des méningites.

Vaxneuvance (VPC15) est un vaccin polyosidique conjugué à la protéine vectrice CRM197 et adjuvé. Il est composé de 15 sérotypes : les 13 compris dans le VPC13 et 2 sérotypes additionnels (22F et 33F, tableau). Les études montrent sa non-infériorité par rapport au VPC13 pour les 13 sérotypes communs en matière de taux de réponse sérologique et d’immunogénicité.

Compte tenu de l’absence de données d’efficacité en vie réelle, la Commission de la transparence a estimé pour le moment que VPC15 n’apportait pas d’amélioration du service médical rendu.

Or, chez le nourrisson, ce vaccin a un bénéfice supplémentaire par rapport au VPC13, conféré par l’ajout des deux sérotypes, 22F et 33F, responsables respectivement de 2,4 % et 4,2 % des bactériémies et de 5,31 % des méningites à pneumocoque chez les moins de 15 ans en 2022. Il permettrait de couvrir 24 % des infections invasives dans cette population. Le profil de tolérance est similaire entre ces deux vaccins, avec toutefois plus d’effets indésirable bénins (douleur et irritabilité) pour le VPC15. Le VPC15 peut être co-administré avec les vaccins hexavalents, ROR, rotavirus, hépatite A, varicelle et grippe.

Enfin, Prevenar 20 (VPC20) est aussi un vaccin polyosidique conjugué à la protéine vectrice CRM197 et adjuvé. Il contient les 13 sérotypes contenus dans le VPC13 et 7 sérotypes supplémentaires (8, 10A, 11A, 12F, 15C, 22F et 33F, cf. tableau). Les données d’immunogénicité chez les ≥ 60 ans montrent une non-infériorité par rapport au VPC13 pour les 13 sérotypes couverts et par rapport au VPP23 pour 6 des 7 sérotypes complémentaires. Son immunogénicité́ est supérieure à celle du vaccin non conjugué VPP23, qui comporte 4 sérotypes supplémentaires (2, 9N, 17F et 20, qui ont une incidence faible actuellement en France) mais ne contient pas le 6A. La couverture conférée par le vaccin VPC20 représente 60 % des infections à pneumocoque chez les 15 - 64 ans et 59 % de celles chez les 65 ans et plus. Il n’y a pas encore de données d’efficacité clinique. La co-administration est possible avec les vaccins grippe et Covid.

Nouvelles recos de la HAS et calendrier vaccinal 2024

Chez l’enfant, la HAS estime que les bénéfices conférés par l’ajout de deux sérotypes (22F et 33F) justifient l’utilisation du VPC15 en alternative au VPC13, sans toutefois le préférer. Le calendrier vaccinal laisse donc la possibilité d’utiliser indifféremment l’un des deux vaccins (vaccination obligatoire).

Schéma vaccinal :

  • Chez le nourrisson (vaccin obligatoire) : 2 mois, 4 mois et rappel à 11 mois.
  • Pour les nourrissons prématurés ou à risque élevé de contracter une infection à pneumocoque : 2 mois, 3 mois, 4 mois et rappel à 11 mois.
  • Les nourrissons et les enfants qui ont commencé le schéma de vaccination avec VPC13 peuvent passer à VPC15 à tout moment du schéma.

Chez l’adulte, la vaccination antipneumococcique est indiquée pour les patients à risque (voir encadré). Selon la HAS, les bénéfices supplémentaires conférés par l’ajout de sept sérotypes ainsi que la simplification du schéma vaccinal justifient l’utilisation préférentielle du vaccin VPC20 seul en remplacement du schéma VPC13 – VPP23 pour la prévention des maladies invasives et des pneumonies à pneumocoque chez les 18 ans et plus. Il n’y a pas de rattrapage vaccinal.

En pratique, les adultes ayant déjà reçu un ou des vaccins pneumococciques poursuivront leur schéma de vaccination de la façon suivante :

  • ceux ayant reçu une seule dose de VPC13 ou de VPP23 reçoivent une dose de VPC20 si la vaccination précédente remonte à plus de 1 an ;
  • ceux déjà vaccinés avec la séquence VPC13 – VPP23 pourront recevoir une injection de VPC 20 en respectant un délai de 5 ans après la précédente injection.

La nécessité d’une revaccination avec une dose ultérieure de VPC20 n’est pas établie à ce jour.

Avis du Collège de la médecine générale

À la lumière de ces données, le Collège de la médecine générale estime que :

  • Chez l’enfant : même s’il n’y a pas encore de données d’efficacité clinique à ce jour, la couverture sérotypique du VPC15 (Vaxneuvance) montre un bénéfice potentiel ;
  • Chez l’adulte, il semble logique de remplacer la vaccination VPC13 – VPP23 par le VPC20 (Prevenar 20). Compte tenu que la très faible couverture vaccinale des adultes éligibles (estimée à 4,5 % en 2018), le CMG incite les médecins généralistes à vérifier le statut vaccinal des patients éligibles à cette vaccination et à leur proposer désormais une vaccination avec une dose unique de VPC20.

Encadre
Personnes à risque élevé de contracter une infection à pneumocoque

1. Patients immunodéprimés (concernés par les recommandations de vaccination des immunodéprimés) :

• Aspléniques ou hypospléniques (incluant les syndromes drépanocytaires majeurs)

• Atteints de déficits immunitaires héréditaires

• Infectés par le VIH

• Ayant une tumeur solide ou une hémopathie maligne

• Transplantés ou en attente de transplantation d’organe solide

• Greffés de cellules souches hématopoïétiques

• Traités par immunosuppresseur, biothérapie et/ou corticothérapie pour une maladie auto-immune ou inflammatoire chronique

2. Patients non immunodéprimés porteurs d’une maladie sous-jacente prédisposant à la survenue d’infection invasive à pneumocoque (IIP) :

• Cardiopathie congénitale cyanogène, insuffisance cardiaque

• Insuffisance respiratoire chronique, bronchopneumopathie obstructive, emphysème

• Asthme sévère sous traitement continu

• Insuffisance rénale

• Hépatopathie chronique d’origine alcoolique ou non

• Diabète non équilibré par le simple régime

• Patients ayant une brèche ostéo-méningée, un implant cochléaire ou candidats à une implantation cochléaire.

D’après
CMG. Contribution du Collège de la Médecine Générale concernant la stratégie de vaccination contre les infections à pneumocoque. 14 novembre 2024.
Pour en savoir plus :
Centre national de référence pneumocoque. Rapport annuel d’activité 2024, exercice 2023. 5 juillet 2024.

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