L’espace d’entraide « Je ne fume plus ! » accueille chaque année 24 000 personnes en projet ou en cours de sevrage. La majorité est ou était très dépendante au tabac fumé, avec une trentaine d’années de tabagisme en moyenne. Des enquêtes les ont interrogées sur leur vécu par rapport à l’accompagnement médical dont elles ont pu bénéficier (enquête réalisée du 29 janvier au 16 février 2024 auprès de 1 217 [https ://jenefumeplus.org/jnfp/index.php/2024/03/17/enquete-annuelle-jnfp- 2023 - 2024 -lessentiel-en-infographies/] personnes et renouvelée en 2025, du 6 janvier au 5 février ; 1 188 personnes y ont répondu [https ://jenefumeplus.org/jnfp/index.php/2025/03/03/enquete-annuelle-jnfp- 2024 - 2025 -lessentiel-en-infographies/ ]).

L’importance d’en parler

Le Pr Molimard, l’un des fondateurs de la tabacologie avec le Pr Lagrue, a inventé le terme « défumeurs » : « L’arrêt du tabac est une “ stratégie ” active d’apprentissage, fondée sur l’effet de la répétition, un travail actif sur soi, je désigne volontiers cette action par le verbe “ défumer ”. » Dans ce parcours, la crainte d’être jugé par le professionnel de santé est rapportée par un gros tiers de ces « défumeurs ».Le tabagisme est encore vécu comme une mauvaise habitude ou un manque de volonté. D’ailleurs, en dehors de la période de sevrage, bon nombre de personnes témoignent mentir à leur médecin, en minimisant le nombre de cigarettes fumées.

Si la question n’est pas posée par le médecin, elle est évitée. Le repérage précoce et intervention brève (RPIB) prend ici tout son intérêt car il permet d’ouvrir un dialogue (« Il m’avait déjà posé la question, j’ai osé lui en reparler » ; « Il y a plus d’un an, ma généraliste m’avait parlé de l’arrêt possible du tabac, là, moi, j’étais prête »).

Premier rendez-vous dédié essentiellement à initier le sevrage

Si plus de 90 % des personnes ayant répondu à l’enquête ont connaissance d’une possible aide médicale, 60 % seulement ont consulté pour arrêter de fumer. Pour la très grande majorité, le médecin généraliste – de proximité et de confiance – a été l’interlocuteur pour ce premier rendez-vous.

De façon générale, les « défumeurs » se sentent bien accueillis dans leur projet de sevrage. Ils sont plus de 80 %, une fois prise la décision d’arrêter, à suivre les conseils et la prescription de leur médecin. Ils soulignent le vécu de ce premier rendez-vous, souvent fondamental pour la suite (« J’ai trouvé que les conseils étaient adaptés à mes besoins » ; « Je me suis senti écouté et soutenu dans ma décision »).

Deux axes d’amélioration

Pour autant, les personnes ayant répondu à l’enquête mettent en avant deux problématiques affectant leur vécu de l’arrêt du tabac : la formation insuffisante des médecins pour la prescription de traitement substitutif et le manque d’adaptation des posologies. Celles-ci ne tiennent pas compte de l’autotitrage, ni du temps de substitution nécessaire à bon nombre de fumeurs en cours d’arrêt : « Mon médecin a été un peu timoré, à un paquet et demi, le patch 21 mg ne suffit pas » ; « Mon médecin et mon pharmacien sont très peu informés sur la possibilité de cumuler plusieurs substituts ».

Si la majorité des défumeurs notent une réelle prise en compte de leur vécu personnel, social, émotionnel et un soutien dans leur démarche de sevrage, le bât blesse dans le suivi et l’accompagnement : « Après les conseils de mon médecin, je suis dans la nature pour gérer ma défume, je n’ose pas reprendre rendez-vous, on n’a rien prévu » ; « Je me sens très seule face à l’arrêt de tabac, j’ai une ordonnance à renouveler et je ne sais même pas quand et si je dois le revoir pour ça, ou pas ».

C’est un des aspects essentiels du retour de vécu des défumeurs : après la prescription, un temps d’accompagnement, même minimal, n’est souvent ni prévu ni anticipé. Ainsi, la personne retourne consulter pour renouveler la prescription, mais sans avoir un espace d’écoute toujours suffisant pour exprimer le vécu et les difficultés inhérentes à l’arrêt : « Je voudrais que le suivi soit plus régulier et qu’il dure plus longtemps après l’arrêt », « Là, ça fait trois mois, pour moi ce n’est pas gagné. Pour mon médecin, qui m’a félicitée, j’ai l’impression que c’est une affaire bouclée ».

Un grand chemin parcouru en peu de temps

Il y a seize ans, mon généraliste m’examinait, puis me proposait une cigarette. Nous fumions tous les deux dans son cabinet.

La substitution n’était pas prise en charge. Quand j’ai souhaité arrêter de fumer, il m’a fait une ordonnance pour du bupropion, à ma demande, sans suivi ni connaissance des bases du sevrage tabagique.

Le chemin parcouru est immense depuis ce temps pas si lointain, il faut le souligner. Mais il reste à œuvrer encore en faveur d’une plus grande qualité du suivi et de l’accompagnement de l’arrêt du tabac par ces acteurs essentiels que sont les médecins.

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