La prévention est un domaine de la santé publique souvent considéré comme austère. Les praticiens en savent quelque chose. Lorsqu’ils abordent avec leurs patients le dépistage du cancer du côlon, la consommation de cigarettes ou d’alcool, l’activité physique ou encore quand ils mesurent leur périmètre abdominal ou calculent l’indice de masse corporelle, ils font souvent face à de grandes réticences. Les visages se ferment.
Peut-on imaginer une prévention plus ludique, voire festive ? J’ai envie de croire que oui ! Je tente de prouver dans mon livre*, mi-roman mi-essai, que c’est possible. Mais avant de voir comment, tentons d’examiner en quoi la prévention est importante, d’abord pour la santé bien sûr, mais aussi pour l’économie et la société !
La prévention vise notamment à éviter les maladies et donc à prolonger l’espérance de vie en bonne santé de la population. En soi, n’est-ce pas là l’un des objectifs essentiels de nos existences, sinon le principal ? Si nous parvenons à éviter le plus longtemps possible d’avoir à subir des handicaps lourds, une perte d’autonomie, voire une institutionnalisation, alors nous détenons un sacré Graal. Et c’est bien cela l’objectif premier de la prévention. Mais ses retombées dépassent largement l’amélioration de notre état de santé. Car à vivre plus longtemps en bonne santé, nous pouvons parfois vouloir cumuler un emploi à notre retraite, nous engager dans des activités familiales, sociales, culturelles ou politiques, et ainsi contribuer à la meilleure cohésion de la société et à la richesse nationale. Plus longtemps nous réussirons à vivre sans maladies chroniques, moins souvent nous frapperons à la porte du médecin, de l’infirmier, du kinésithérapeute, du dentiste ou du pharmacien et moins souvent nous franchirons celle des hôpitaux et des plateaux techniques. Nous libèrerons un temps précieux aux professionnels de santé et nous coûterons moins cher à l’Assurance maladie. Plus nous serons autonomes et moins nous recourrons aux proches aidants, moins souvent aussi nous serons placés en Ehpad. Nous pourrons ainsi, par exemple, garder nos petits-enfants et participer, indirectement cette fois, à la richesse nationale, en libérant les parents pour qu’ils puissent travailler. De plus, bon nombre des mesures de prévention participent directement à la lutte contre le dérèglement climatique, lorsqu’elles nous poussent à marcher davantage, à utiliser le vélo ou les transports publics, à manger moins de viande, davantage de volaille, de fruits et de légumes, à moins fumer, à consommer moins de médicaments et de soins. La prévention contribue ainsi à réduire notre empreinte carbone et diminue la pollution atmosphérique, dans un cercle vertueux vis-à-vis des pathologies respiratoires, cardiovasculaires, neurodégénératives et des cancers.
Les avantages de la prévention sont donc innombrables. Cependant, elle nous rebute et nous la délaissons. Pourquoi ce paradoxe ? Ne sommes-nous pas collectivement un peu fautifs de la façon dont nous présentons les mesures de prévention ? « Faites pas ci, faites pas ça, arrêtez de fumer, ne buvez plus, courez davantage, maigrissez… » ! Abstinence et prohibition sont souvent considérées comme les deux mamelles de la santé publique. On se rappelle les mesures préventives contre le Covid au plus fort de la pandémie, qui nous contraignaient à montrer un laisser-passer pour aller boire un café sur la place du village quand ce n’était pour nous cloîtrer dans nos logements le reste du temps. La « préventive » ne serait-elle pas, finalement, une nouvelle forme de détention dans laquelle les médecins envisageraient de jeter leurs patients pour qu’ils y finissent leurs jours ?
Pourtant, il y a d’autres moyens de transmettre les messages de prévention ! Plus fun, plus sexy, avec de l’humour même, de la musique parfois, en recourant à l’art ou à la fiction pour mieux faire accepter les comportements que l’on sait favorables à la santé. On peut parvenir à les rendre parfois drôles, voire aimables, et surtout acceptables. Comme les Suédois lorsqu’ils transforment les marches d’escalier d’une station de métro en autant de touches de piano pour inviter les usagers à les préférer aux escalators sans leur asséner des messages culpabilisants ou moralisateurs. C’est aussi ce à quoi nous invitent les alcooliers (perçus comme le diable par les experts de santé publique) lorsqu’ils se reconvertissent dans la commercialisation de spiritueux sans alcool et sans sucres ajoutés ou encore les fabricants de tabac (oui… l’horrible Big Tobacco !) lorsqu’ils s’engagent à abandonner la vente de cigarettes traditionnelles pour produire des dispositifs sans combustion, vape ou tabac chauffé aux parfums variés. Car tout n’est-il pas bon à prendre, si l’on se désencombre de nos dogmatismes traditionnels et que l’on recherche la réduction des risques ?
Ainsi la prévention serait davantage une stratégie de réduction des risques et cesserait de n’être qu’abstinence et recherche utopique du risque zéro. Elle inviterait désormais la population à se livrer à dix à vingt minutes de marche quotidienne sans chercher obstinément à la contraindre à d’interminables entraînements exigés seulement pour le marathon de New York.
Des sociologues affirment que les telenovelas ont contribué à la diminution de la fertilité des femmes au Brésil, notamment dans les milieux populaires. Les téléspectatrices s’identifiaient en effet aux actrices dans leur rôle de femmes émancipées qui avaient réussi leur vie affective, professionnelle et familiale, sans la ribambelle d’enfants encore traditionnelle là-bas. La fiction suggérait des modèles à travers ces mises en scène. Il ne faut pas négliger leur influence. La promotion de la prévention pourrait passer par des récits s’immisçant dans les conversations de personnages fictifs, leurs comportements étant décryptés à la lumière des données scientifiques actuelles – c’est-à-dire les niveaux de preuve existants. Car si nous pouvons nous identifier, selon notre âge et nos expériences propres, à Léa, Paul, Maria, Ahmed, Jelena (personnages de l’ouvrage Prévenez-moi !) ou à d’autres, alors peut-être les messages pourraient-ils mieux passer. Si les informations distillées pouvaient aider à ouvrir les débats et si les comportements pouvaient être amenés à se modifier, alors j’aurais gagné mon pari.
L’hypothèse faite ici est qu’en cherchant à réduire les risques auxquels nous sommes exposés, même modestement, même imparfaitement, mais sans culpabilisation et sans suggérer qu’il faut souffrir pour atteindre ses objectifs, alors nous en tirerons des bénéfices innombrables dépassant largement notre seul bilan métabolique. Nous augmenterons sans douleur la probabilité de vivre mieux, plus longtemps et en bonne santé, tout en respectant la planète et les comptes sociaux de la nation. Le pari vaut le coup d’être tenté, non ?
Peut-on imaginer une prévention plus ludique, voire festive ? J’ai envie de croire que oui ! Je tente de prouver dans mon livre*, mi-roman mi-essai, que c’est possible. Mais avant de voir comment, tentons d’examiner en quoi la prévention est importante, d’abord pour la santé bien sûr, mais aussi pour l’économie et la société !
La prévention vise notamment à éviter les maladies et donc à prolonger l’espérance de vie en bonne santé de la population. En soi, n’est-ce pas là l’un des objectifs essentiels de nos existences, sinon le principal ? Si nous parvenons à éviter le plus longtemps possible d’avoir à subir des handicaps lourds, une perte d’autonomie, voire une institutionnalisation, alors nous détenons un sacré Graal. Et c’est bien cela l’objectif premier de la prévention. Mais ses retombées dépassent largement l’amélioration de notre état de santé. Car à vivre plus longtemps en bonne santé, nous pouvons parfois vouloir cumuler un emploi à notre retraite, nous engager dans des activités familiales, sociales, culturelles ou politiques, et ainsi contribuer à la meilleure cohésion de la société et à la richesse nationale. Plus longtemps nous réussirons à vivre sans maladies chroniques, moins souvent nous frapperons à la porte du médecin, de l’infirmier, du kinésithérapeute, du dentiste ou du pharmacien et moins souvent nous franchirons celle des hôpitaux et des plateaux techniques. Nous libèrerons un temps précieux aux professionnels de santé et nous coûterons moins cher à l’Assurance maladie. Plus nous serons autonomes et moins nous recourrons aux proches aidants, moins souvent aussi nous serons placés en Ehpad. Nous pourrons ainsi, par exemple, garder nos petits-enfants et participer, indirectement cette fois, à la richesse nationale, en libérant les parents pour qu’ils puissent travailler. De plus, bon nombre des mesures de prévention participent directement à la lutte contre le dérèglement climatique, lorsqu’elles nous poussent à marcher davantage, à utiliser le vélo ou les transports publics, à manger moins de viande, davantage de volaille, de fruits et de légumes, à moins fumer, à consommer moins de médicaments et de soins. La prévention contribue ainsi à réduire notre empreinte carbone et diminue la pollution atmosphérique, dans un cercle vertueux vis-à-vis des pathologies respiratoires, cardiovasculaires, neurodégénératives et des cancers.
Les avantages de la prévention sont donc innombrables. Cependant, elle nous rebute et nous la délaissons. Pourquoi ce paradoxe ? Ne sommes-nous pas collectivement un peu fautifs de la façon dont nous présentons les mesures de prévention ? « Faites pas ci, faites pas ça, arrêtez de fumer, ne buvez plus, courez davantage, maigrissez… » ! Abstinence et prohibition sont souvent considérées comme les deux mamelles de la santé publique. On se rappelle les mesures préventives contre le Covid au plus fort de la pandémie, qui nous contraignaient à montrer un laisser-passer pour aller boire un café sur la place du village quand ce n’était pour nous cloîtrer dans nos logements le reste du temps. La « préventive » ne serait-elle pas, finalement, une nouvelle forme de détention dans laquelle les médecins envisageraient de jeter leurs patients pour qu’ils y finissent leurs jours ?
Pourtant, il y a d’autres moyens de transmettre les messages de prévention ! Plus fun, plus sexy, avec de l’humour même, de la musique parfois, en recourant à l’art ou à la fiction pour mieux faire accepter les comportements que l’on sait favorables à la santé. On peut parvenir à les rendre parfois drôles, voire aimables, et surtout acceptables. Comme les Suédois lorsqu’ils transforment les marches d’escalier d’une station de métro en autant de touches de piano pour inviter les usagers à les préférer aux escalators sans leur asséner des messages culpabilisants ou moralisateurs. C’est aussi ce à quoi nous invitent les alcooliers (perçus comme le diable par les experts de santé publique) lorsqu’ils se reconvertissent dans la commercialisation de spiritueux sans alcool et sans sucres ajoutés ou encore les fabricants de tabac (oui… l’horrible Big Tobacco !) lorsqu’ils s’engagent à abandonner la vente de cigarettes traditionnelles pour produire des dispositifs sans combustion, vape ou tabac chauffé aux parfums variés. Car tout n’est-il pas bon à prendre, si l’on se désencombre de nos dogmatismes traditionnels et que l’on recherche la réduction des risques ?
Ainsi la prévention serait davantage une stratégie de réduction des risques et cesserait de n’être qu’abstinence et recherche utopique du risque zéro. Elle inviterait désormais la population à se livrer à dix à vingt minutes de marche quotidienne sans chercher obstinément à la contraindre à d’interminables entraînements exigés seulement pour le marathon de New York.
Des sociologues affirment que les telenovelas ont contribué à la diminution de la fertilité des femmes au Brésil, notamment dans les milieux populaires. Les téléspectatrices s’identifiaient en effet aux actrices dans leur rôle de femmes émancipées qui avaient réussi leur vie affective, professionnelle et familiale, sans la ribambelle d’enfants encore traditionnelle là-bas. La fiction suggérait des modèles à travers ces mises en scène. Il ne faut pas négliger leur influence. La promotion de la prévention pourrait passer par des récits s’immisçant dans les conversations de personnages fictifs, leurs comportements étant décryptés à la lumière des données scientifiques actuelles – c’est-à-dire les niveaux de preuve existants. Car si nous pouvons nous identifier, selon notre âge et nos expériences propres, à Léa, Paul, Maria, Ahmed, Jelena (personnages de l’ouvrage Prévenez-moi !) ou à d’autres, alors peut-être les messages pourraient-ils mieux passer. Si les informations distillées pouvaient aider à ouvrir les débats et si les comportements pouvaient être amenés à se modifier, alors j’aurais gagné mon pari.
L’hypothèse faite ici est qu’en cherchant à réduire les risques auxquels nous sommes exposés, même modestement, même imparfaitement, mais sans culpabilisation et sans suggérer qu’il faut souffrir pour atteindre ses objectifs, alors nous en tirerons des bénéfices innombrables dépassant largement notre seul bilan métabolique. Nous augmenterons sans douleur la probabilité de vivre mieux, plus longtemps et en bonne santé, tout en respectant la planète et les comptes sociaux de la nation. Le pari vaut le coup d’être tenté, non ?
* Antoine Flahault. Prévenez-moi ! Une meilleure santé à tout âge, Robert Laffont, 2024.