Au cours des vingt dernières années, l’utilisation du baclofène dans l’indication du trouble de l’usage de l’alcool a fait l’objet de travaux scientifiques internationaux mais aussi de polémiques médicales et réglementaires en France. Moins de 20 % des patients souffrant d’un trouble de l’usage de l’alcool sont traités. Sur le plan individuel, les stratégies thérapeutiques optimales associent traitement médicamenteux et psychothérapies, mais l’approche pharmacologique reste limitée. Actuellement, la France est le seul pays où le baclofène est autorisé dans le trouble de l’usage de l’alcool.Le baclofène, utilisé habituellement pour le traitement de contractures spastiques, est un agoniste spécifique du récepteur GABA-B. Dans l’espèce humaine, sa demi-vie est de trois à quatre heures, obligeant à des prises quotidiennes répétées. Son élimination est rénale, ce qui a un intérêt chez les patients ayant une altération des fonctions hépatiques.Dès les années 1970, l’équipe de Carlsson, Prix Nobel de physiologie et de médecine en 2000 pour ses travaux sur la dopamine, a montré que les voies gabaergiques pouvaient moduler les voies dopaminergiques et que les substances gabaergiques comme le baclofène pouvaient avoir un intérêt dans l’alcoolisme. En 2008, Olivier Ameisen a publié le récit de son addiction et de son auto-expérimentation dans Le Dernier Verre, ce qui a favorisé l’utilisation large du baclofène. Une vigoureuse polémique médicale s’en est suivie, avec des « pour » et des « contre » le baclofène à fortes doses, au motif de l’absence d’études cliniques à niveau de preuve élevé et de l’absence de données de sécurité.Les études observationnelles indiquent une efficacité assez élevée du baclofène à hautes doses dans le maintien de l’abstinence ou d’une consommation modérée, y compris à partir de données obtenues après deux ou trois ans de suivi, ou chez des patients atteints de cirrhose. Des effets indésirables ont été notés, parmi lesquels une asthénie, des troubles du sommeil, des symptômes musculaires et un syndrome de sevrage en cas d’arrêt brutal.Les études en double aveugle sur le baclofène contre placebo dans le trouble de l’usage de l’alcool sont assez nombreuses, mais aucune ne respecte le même protocole et celles qui ont recours à de fortes doses ne sont qu’au nombre de quatre.Les nombreuses méta-analyses sont de qualité variable, donnent des résultats contradictoires et paraissent être le reflet des difficultés à étudier l’efficacité d’une molécule dans un tel contexte.Après plusieurs rebondissements dans le processus réglementaire, la France est actuellement le seul pays où le baclofène est indiqué officiellement « chez les patients adultes ayant une dépendance à l’alcool et une consommation d’alcool à risque élevé (supérieure à 60 g/j pour les hommes ou 40 g/j pour les femmes) ». Les conditions de l’utilisation du baclofène sont bien définies, notamment l’adaptation individuelle de la posologie à doses progressives.
Bernard Granger, psychiatre, Paris, France
21 janvier 2025