Le poliovirus n’est qu’un des entérovirus responsables de myélites aiguës flasques. Depuis le début des années 2010, le nombre de cas de myélites aiguës flasques non poliomyélitiques augmente régulièrement, par vagues épidémiques de dizaines de cas, ce qui justifie à la fois une étroite surveillance et la recherche de vaccins.Les myélites aiguës flasques sont un sous-groupe de l’ensemble composé par les paralysies aiguës flasques, qui désignent toutes les formes de déficiences paralytiques aiguës quelle qu’en soit la cause. Elles désignent, parmi celles-ci, les paralysies dues à une atteinte de la corne antérieure de la moelle épinière. Deux critères diagnostiques sont nécessaires : l’atteinte paralytique de type périphérique, de survenue aiguë dans un contexte fébrile, sans trouble sensitif ni autre manifestation neurologique, et l’atteinte de la corne antérieure de la moelle épinière, objectivée en imagerie par résonance magnétique (IRM).L’atteinte peut porter sur les motoneurones de l’ensemble de la moelle épinière et/ou du tronc cérébral, avec troubles respiratoires et de déglutition sévères. L’IRM révèle le plus souvent un hypersignal en T2 de l’ensemble du cordon médullaire, même en l’absence de signe clinique.Les enfants sont les principales victimes, avec un âge médian allant de 2 à 7 ans selon les séries. Les adultes touchés sont souvent immunodéprimés. Les paralysies flasques surviennent entre deux et sept jours après un épisode fébrile initial, souvent accompagné de manifestations respiratoires parfois sévères et/ou digestives. Ce délai est un peu plus court que celui observé dans les syndromes de Guillain-Barré (en moyenne de trois contre huit jours) et un peu plus long que celui observé avec la poliomyélite, où les paralysies surviennent dès les quarante-huit premières heures. Comme dans la polio myélite, l’installation des paralysies, de caractère asymétrique, est en règle accompagnée de douleurs dans les membres concernés. L’atteinte des nerfs crâniens est fréquente, parfois isolée, avec une forme bulbaire comme celle connue avec le poliovirus. La seule manifestation neurologique initiale différente de la polio myélite est la relative fréquence de signes précoces d’ataxie cérébelleuse, toujours régressifs en quelques jours. La sévérité des paralysies est très variable, allant d’une monoparésie, fréquente, à une tétraparésie dans 20 % des cas. Un à deux tiers des enfants hospitalisés nécessitent une ventilation assistée. Une dysfonction urinaire, voire fécale, peut survenir. Aucune étude des séquelles sur le long terme n’est actuellement disponible, mais il est logique de considérer les conséquences des paralysies, notamment sur le rachis et la croissance.Parmi les entérovirus « non polio » responsables de troubles neurologiques sévères, l’EV-A71, connu pour être l’un des agents du syndrome pieds-mains-bouche, est la cause d’atteintes respiratoires sévères et parfois myocardiques, d’atteintes neurologiques sévères, touchant surtout l’enfant. Il s’agit le plus souvent d’encéphalites, en particulier de rhombencéphalites et de méningites. L’entérovirus D68 est devenu le principal responsable de myélite aiguë flasque.Le risque d’émergence de nouvelles épidémies doit en faire accroître la surveillance. En France, la surveillance des entérovirus est essentiellement assurée par le Réseau national de surveillance des entérovirus (RSE), constitué de plus de 30 laboratoires de virologie et coordonnée par le Centre national de référence des entérovirus (CNR EV) et Santé publique France. Il est nécessaire de rechercher un entérovirus devant tout tableau fébrile avec manifestations neurologiques, d’autant qu’il a été précédé de prodromes respiratoires ou digestifs, en faisant appel aux laboratoires de référence.

Alain Yelnik, médecine physique et réadaptation, Paris ; Daniel Lévy-Bruhl, épidémiologiste, Paris

15 octobre 2024