Les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin ont des impacts sur le quotidien des patients, en particulier sur leur vie sociale, familiale et professionnelle. Les symptômes digestifs et extradigestifs, les douleurs, l’anxiété, voire l’autoconfinement lié aux urgences d’accès aux toilettes, les isolent. La prise en charge va au-delà des traitements médicamenteux et cible l’alimentation, la fatigue, l’activité...

Témoignage de François, 50 ans

Je viens de fêter mes 30 ans de vie commune avec la maladie de Crohn… « Vie commune », tant je la considère comme une compagne de route depuis que je l’ai rencontrée à l’âge de 20 ans. Douleurs abdominales, envies pressantes, fatigue sont les symptômes quotidiens même quand je considère que tout va bien et que la maladie est en sommeil.
Elle est arrivée brutalement dans ma vie, provoquant un état général très dégradé et des douleurs intenses qui m’ont mis K. O. avant de commencer le combat que je mène tous les jours désormais.
Je n’ai pas très bien compris pourquoi à 20 ans j’étais obligé de rester chez moi, et de ne plus pouvoir envisager l’avenir sereinement, c’est-à-dire arrêter mes études.
Après de nombreux séjours à l’hôpital qui s’espacent maintenant grâce aux traitements qui stabilisent mieux les poussées, ma qualité de vie reste tout de même altérée.
J’ai la chance d’avoir une vie professionnelle, amicale et familiale bien remplie, mais cela n’a pas toujours été le cas, car la maladie isole. On a peur d’en parler : c’est une maladie difficile à expliquer qui touche l’intime. Il est difficile de s’échapper de chez soi, c’est-à-dire de la proximité des toilettes.
C’est important de combattre cette maladie, qui fait partie intégrante de moi et de lui lancer des défis. Manger ce que je veux même si cela entraîne parfois des catastrophes (diarrhées urgentes et maux de ventre), faire du sport pour éviter la fatigue et se sentir bien, sortir et voir du monde, avoir une carrière choisie sont chaque fois des victoires importantes.
Dès le début de ma vie avec la maladie de Crohn, j’ai eu envie d’avoir un engagement militant pour faire connaître auprès du grand public ce que vivent les malades chroniques et notamment les patients atteints de maladie inflammatoire chronique de l’intestin (MICI). J’ai souhaité également être informé, rencontrer des personnes atteintes par les mêmes maux et aider ceux qui en ont besoin. L’Association François-Aupetit (afa) Crohn RCH France m’a à la fois accompagné en tant que malade et m’a donné le pouvoir d’agir en tant que militant en m’investissant aux côtés des membres de l’association. Mon engagement m’a aidé à m’affirmer et m’a permis de rencontrer d’autres patients qui vivent les mêmes difficultés dans leur quotidien. Cet engagement reste très important pour mon équilibre de malade chronique.

Commentaire du Pr Stéphane Nahon, gastroentérologue

En France, en 2015, on comptait 212 700 patients pris en charge pour une MICI (60 % de maladie de Crohn [MC] et 40 % de rectocolite hémorragique [RCH]), dont 55 % étaient des femmes. D’après le registre ­Epimad, qui suit l’incidence de ces maladies dans plusieurs départements du nord de la France, l’incidence de la MC a augmenté de 5,3 à 7,6 cas pour 100 000 habitants entre 1988 et 2014, alors que celle de la RCH est restée stable, à 4,4 cas pour 100 000 habitants. Sur cette même période, la maladie a touché des sujets de plus en plus jeunes, avec une augmentation importante de l’incidence chez les adolescents. L’incidence de la MC et de la RCH augmente dans le monde entier, notamment en rapport avec le changement des habitudes alimentaires qui impacte directement le microbiote intestinal, entraînant une dérégulation du système immunitaire intestinal.
La maladie de Crohn et la rectocolite hémorragique sont des MICI qui évoluent par poussées entrecoupées de périodes de rémission. L’évolution, en l’absence de prise en charge adaptée, se fait vers une destruction intestinale, qui se traduit par des sténoses de l’intestin grêle ou du côlon, des fistules et des abcès intestinaux pour la MC et une incontinence anale secondaire à l’apparition d’une microrectie ou d’une microcolie pour la RCH. Environ la moitié des patients sont opérés après dix ans d’évolution d’une maladie de Crohn. Ces deux maladies favorisent également l’apparition de cancers intestinaux.
En dehors des symptômes digestifs, ces deux maladies sont associées à un handicap fonctionnel important qui altère la qualité de vie, y compris en dehors d’une poussée : près d’un patient sur deux se dit fatigué, 49 % ont des symptômes de dépression et 30 % des symptômes d’anxiété.
Il n’existe pas de traitement curatif des MICI ; le traitement des poussées fait encore souvent appel aux corticoïdes, dont la prescription doit être d’une durée la plus courte possible. Le traitement d’entretien comprend les thiopurines dont la place diminue au fil des ans au profit des biothérapies. Celles-ci ciblent des cytokines pro-inflammatoires telles que le tumor necrosis factor (TNF), les interleukines 12 et 23, ou bloquent le recrutement des lymphocytes T impliqués dans la réponse inflammatoire. Plus récemment, des petites molécules (inhibiteurs de JAK) qui inhibent la synthèse de cytokines pro-inflammatoires directement dans le noyau cellulaire ont montré leur efficacité dans la RCH et la MC.
Les traitements médicamenteux doivent être associés à une prise en charge holistique ciblant l’alimentation, la fatigue, le stress, l’activité et bien d’autres domaines, tout cela orchestré autour de l’éducation thérapeutique individuelle ou en équipe.

Commentaire de Chantal Dufresne, présidente de l’afa Crohn RCH France

Le témoignage de François est très révélateur des impacts souvent invisibles qu’ont les MICI sur le quotidien des malades, en particulier sur leur vie sociale, familiale et professionnelle. Les symptômes digestifs et extradigestifs, la fatigue, les douleurs, l’anxiété, voire l’autoconfinement lié aux urgences d’accès aux toilettes, l’isolement d’une maladie taboue, les questions liées à l’alimentation… peuvent peser sur l’estime de soi, notamment chez les jeunes adultes en construction !
Il est essentiel que les personnes malades et leurs proches sachent qu’ils peuvent compter sur le soutien de leurs pairs au sein d’associations. L’afa Crohn RCH France fournit également une carte « urgence toilettes » qui facilite l’accès aux sanitaires lors des déplacements.
La force de l’association, c’est aussi la proximité, grâce à un réseau de bénévoles formés et présents partout en France, dont fait partie François. Son efficacité est aussi le résultat d’un travail main dans la main avec les chercheurs et les professionnels de santé. 
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Journée mondiale des MICI, le 19 mai

Partout dans le monde, la communauté MICI se mobilise le 19 mai pour rendre visibles ces maladies et sensibiliser le grand public.

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L’afa Crohn RCH France

www.afa.asso.fr Mail : info-accueil@afa.asso.fr Tél. : 01 42 00 00 40.
Pour en savoir plus
www.afa.asso.fr. Site de l’association de patients afa Crohn RCH France.
www.miciconnect.com. Plateforme proposant des modules thématiques ciblés mais aussi un carnet de suivi de la maladie, utile aussi bien pour les malades que pour les soignants.
www.observatoire-crohn-rch.fr. Données chiffrées sur les MICI, leurs facteurs de risque...