Le cancer du testicule concerne l’adulte jeune et guérit dans la grande majorité des cas, sans conséquences ni sur la fertilité ni sur la sexualité. Pourtant son diagnostic est encore trop tardif  : un sur deux est découvert alors qu’il existe déjà des métastases. Toute masse palpée au niveau des testicules doit donc amener à consulter rapidement.

Témoignage d’Olivier, 54 ans

En 2001, à 30 ans, j’ai eu un cancer du testicule. J’avais remarqué que l’un d’eux se rétractait, mais comme beaucoup d’hommes, j’ai fait l’autruche. C’est l’écoute d’une émission de radio qui m’a poussé à consulter. En moins de vingt-quatre heures, le diagnostic est tombé : cancer du testicule avec métastases pulmonaires. Un vrai coup de massue ! À cet âge, on pense à tout, sauf à ça. Et quand la maladie touche « en dessous de la ceinture », c’est encore plus dur à encaisser…

J’ai été pris en charge à l’institut Gustave-Roussy par le Pr Karim Fizazi. S’en sont suivis orchidectomie, prothèse testiculaire, six mois de chimiothérapie intensive. L’équipe médicale m’a parlé de virilité, de fertilité. Avec mon épouse, nous avons refusé la congélation de sperme. Nous avions déjà deux garçons et avons choisi de faire confiance à la vie. Quelques années plus tard, notre fille est née : un miracle.

Mais au-delà du traitement, il y a tout ce qu’on ne dit pas : la peur, l’atteinte à l’identité masculine, le silence. Je me croyais fort, mais ma femme me voyait effondré. Elle avait raison ; ce cancer m’a transformé. J’ai voulu tourner la page, mais en 2013 j’ai participé à une réunion sur les cancers masculins. J’ai compris qu’il fallait parler, témoigner, aider.

C’est ainsi qu’est née l’association CerHom, en 2014, pour briser les tabous, accompagner les hommes, les inciter à consulter, à s’écouter. Nous avons lancé des campagnes décalées. L’humour est devenu notre arme pour faire passer des messages sérieux.

Aujourd’hui, je suis président de CerHom. Mon combat continue : faire entendre la voix des hommes, leur offrir un espace d’écoute et, surtout, leur rappeler que leur santé intime mérite autant d’attention que celle des femmes. 

Commentaire du Dr Guilhem Roubaud, oncologue médical

Le cancer du testicule est souvent diagnostiqué à un âge jeune comme celui d’Olivier. S’il constitue une maladie assez rare (environ 1 % des cancers de l’adulte), il est le premier cancer de l’adulte jeune en bonne santé. La prise en charge est essentiellement partagée entre le chirurgien et l’oncologue médical. L’alerte ne peut être donnée que par le patient, qui doit oser initier les démarches lorsqu’il constate une anomalie de taille, une induration « pierreuse » ou plus rarement une douleur au niveau de l’un de ses testicules. Le médecin généraliste est le premier maillon et adresse le patient en urgence à l’urologue. Le bilan initial associe une stadification précise de la maladie par scanner et un dosage de trois marqueurs : LDH, HCG totale et AFP. L’ensemble de la prise en charge doit être réalisé dans des centres experts, qui ont l’habitude de traiter ces patients de manière optimale car si le traitement est bien conduit, la survie est excellente. Même un cancer métastatique – et Olivier en est un bon exemple – peut être guéri ! Bien sûr, des problématiques inhérentes à l’âge des patients sont à prendre en compte grâce notamment au groupe de professionnels impliqués pour les adolescents et jeunes adultes (AJA).

Ce cancer concerne la sphère intime de l’homme, peu enclin à parler de ses problèmes de santé et à se faire entièrement examiner. Et pourtant, il faut oser parler, accepter l’examen. Une maladie niée est la porte ouverte à un diagnostic tardif rendant parfois la maladie incurable. Olivier Jérôme a créé une association qui sort les hommes de leur isolement, et les amène à parler de leur santé. Grâce à CerHom, je réponds régulièrement – avec d’autres oncologues – aux appels de patients qui ont besoin d’être conseillés et rassurés sur leur prise en charge. Dans notre équipe, nous avons aussi la chance d’avoir un patient partenaire pleinement intégré qui constitue un pont entre le soin et les associations de patients. En tant que soignants, nous ne pouvons qu’admirer avec humilité ces prises d’initiatives précieuses pour la santé des hommes. 

Commentaire du Pr Karim Fizazi, oncologue médical

Le témoignage d’Olivier Jérôme est bien plus qu’un récit de guérison : c’est une leçon de vie qui éclaire les enjeux humains et médicaux du cancer du testicule. Son histoire commence par un signe trop souvent ignoré – la rétraction du testicule qu’il a d’abord minimisée, comme le font encore trop d’hommes par peur, par méconnaissance ou par une forme de déni. Or toute masse suspecte au niveau du testicule doit amener à consulter.

Le moyen le plus simple de la détecter ? L’autopalpation, tout simplement au cours de la douche !

En outre, ce qui frappe dans son parcours, c’est le retentissement psychologique profond d’une maladie qui touche des hommes jeunes, en pleine construction de leur identité, de leur vie professionnelle et familiale. La peur de l’atteinte à la virilité, la honte, le silence… Olivier a vécu ces émotions, et c’est précisément pour les briser qu’il a fondé CerHom. Son association incarne une vérité essentielle : parler, partager et désacraliser la maladie sont des actes tout autant thérapeutiques que les traitements eux-mêmes. Et je mesure combien l’écoute et l’empathie sont indissociables de la prise en charge technique qui repose sur une orchidectomie avec éventuelle pose de prothèse, parfois suivie d’une chimiothérapie selon le type de cancer confirmé par l’anatomopathologie.

Une autre source d’angoisse mérite d’être levée : le cancer du testicule n’affecte ni la sexualité ni la fertilité, dans l’immense majorité des cas. Ainsi, dès l’annonce du diag­nostic, je prends soin de rassurer : un seul testicule suffit à assurer une fonction normale, et la cryoconservation du sperme n’est proposée que par précaution. Ce cancer ne doit pas empêcher les patients de réaliser leurs projets de vie.

En parallèle du combat contre la maladie de ces hommes dont l’âge moyen au diagnostic est de 30 ans, s’ajoute une plainte fréquente : la difficulté d’accès à l’emprunt bancaire. Malgré des taux de guérison dépassant 98 % pour les stades localisés (la moitié des cas) et 80 % pour les formes métastatiques, beaucoup se heurtent à des refus ou à des majorations d’assurance. Heureusement, La Ligue contre le cancer a obtenu une avancée majeure : « le droit à l’oubli » à cinq ans pour tout cancer (sans rechute), dont la loi a été promulgué en 2016 dans le cadre de la convention AERAS (S’Assurer et Emprunter avec un Risque Aggravé de Santé). Une victoire, mais encore faut-il la faire connaître et l’appliquer, pour que ces hommes puissent (re)construire leur vie sans entraves.

Il est important de noter que comme pour d’autres organes, il n’y a pas un cancer du testicule mais des cancers du testicule, avec des sous-types complexes, parfois méconnus des médecins généralistes, voire des oncologues médicaux. Chaque cas exige donc une prise en charge spécialisée et personnalisée, car une erreur de traitement – même minime – peut compromettre les chances de guérison, pourtant excellentes.

L’orientation systématique de ces patients vers des centres de référence est donc cruciale. 

L’histoire d’Olivier est un appel à tous  : consultez, parlez, agissez. Le cancer du testicule, quand il est pris à temps, est curable.

Encadre

Briser le tabou des cancers des organes génitaux masculins

Créée en 2014, CerHom (fin du canCER et début de l’HOMme) est la première association française dédiée aux cancers masculins. Elle agit pour briser les tabous autour de ces pathologies souvent méconnues, comme les cancers du testicule, de la prostate et du pénis.

CerHom accompagne les hommes touchés par la maladie, informe le grand public et interpelle les professionnels de santé sur les enjeux spécifiques liés à la santé masculine.

L’association propose des groupes de parole, des ressources pédagogiques et des campagnes de sensibilisation innovantes, diffusées sur les réseaux sociaux et dans les médias, comme «  Un vrai film de boules  » ou «  À deux doigts du bonheur  », usant d’humour pour faire de la prévention et alerter. Elle milite également pour une meilleure prise en compte des cancers masculins dans les politiques de santé publique, notamment à travers des actions parlementaires et des partenariats avec des sociétés savantes.

CerHom est une voix pour les hommes, un espace d’écoute et un moteur d’engagement pour que plus aucun patient ne traverse la maladie seul et dans le silence. 

https ://cerhom.fr/

Encadre

Pour en savoir plus

1. Groupe d’étude des tumeurs urogénitales. https ://bit.ly/49KkjMk

2. Ligue contre le cancer. Droit  à l’oubli. https ://bit.ly/47DG9zX

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