L’allergie aux chats est aujourd’hui mieux connue grâce à l’identification de huit protéines allergéniques chez le chat domestique (Felis catus). L’allergène Fel d 1 reste le plus connu, puisque 95 % des personnes allergiques aux chats y réagissent. Sa fonction biologique n’est pas formellement établie, bien que plusieurs hypothèses aient été avancées. Au-delà des traitements médicaux et des mesures de prévention classique (détaillées dans cette fiche) se pose toujours la question de l’éviction de l’animal en cas d’allergie sévère. Plusieurs études montrent que seuls 5 à 15 % des propriétaires allergiques acceptent de se séparer définitivement de leur chat. Malgré ses limites, l’immunothérapie par voie sublinguale peut être proposée. La recherche s’oriente vers des solutions thérapeutiques complémentaires.
Agir sur la production de Fel d 1 via l’alimentation
Croquettes spéciales pour chat
Depuis 2020, une société spécialisée en nutrition animale propose des croquettes à base de poudre d’œuf contenant des anticorps IgY dirigés contre la protéine Fel d 1. Cette approche vise à neutraliser partiellement Fel d 1 dans la salive du chat, réduisant ainsi sa présence sur le pelage et dans l’environnement domestique.
Les anticorps IgY, extraits du jaune d’œuf, sont stables dans une large gamme de pH (4 à 11) et résistent à des températures inférieures à 65 °C. Chaque poule peut produire entre 100 et 150 mg d’IgY par œuf, soit environ 28 à 48 g par an, ce qui rend cette solution faisable à grande échelle.
Une étude menée sur 105 chats nourris pendant 12 semaines avec cette alimentation spécifique enrichie en IgY a montré une réduction significative de Fel d 1 sur le pelage dès la troisième semaine, atteignant 47 % à la dixième semaine. Une autre étude a confirmé une diminution de 29,6 % de Fel d 1 salivaire après six semaines de régime. Les résultats suggèrent également une amélioration des symptômes respiratoires, notamment l’obstruction nasale, chez les propriétaires allergiques.
Aucun effet indésirable sur la croissance ou la santé des chats n’a été observé à ce jour. Toutefois, des études complémentaires sont nécessaires pour évaluer l’efficacité de cette approche en dehors des conditions expérimentales, sur les différentes races notamment.
Un régime spécial
Les androgènes jouent un rôle dans la régulation de la production de sébum chez le chat, lequel constitue un vecteur important de la protéine allergène Fel d 1. Certains composants alimentaires, tels que les polyphénols, peuvent inhiber l’activité de l’enzyme 5 -alpha réductase, entraînant une réduction de la synthèse de la testostérone et de la dihydrotestostérone. Cette inhibition hormonale est associée à une diminution de la production de sébum et de Fel d 1 chez le chat.
Par ailleurs, la consommation d’oméga- 6 favoriserait la sécrétion sébacée, tandis que les oméga- 3 contribueraient à réduire la production allergénique. L’intégration ciblée de ces éléments nutritionnels dans l’alimentation féline pourrait donc participer à la réduction de la concentration de Fel d 1, tant au niveau cutané qu’environnemental. Des études complémentaires restent nécessaires pour confirmer ces effets et évaluer leur impact selon les races des chats.
Des immunothérapies de pointe
Chez le chat
Depuis quelques années, les recherches s’intensifient pour trouver des solutions innovantes face à l’allergie aux chats. En 2019, des scientifiques suisses ont développé un vaccin nommé Hypocat (Fel-CuMV), destiné à être administré au chat lui-même. Ce vaccin vise à stimuler la production d’anticorps dirigés contre Fel d 1. Des tests expérimentaux prometteurs ont montré une réduction de près de 50 % de la concentration de cette protéine dans les sécrétions lacrymales du chat. Ce vaccin n’est pas encore commercialisé : des questions éthiques freinent sa mise sur le marché, comme savoir s’il est justifié d’immuniser un animal contre une protéine qu’il produit naturellement et qui ne lui cause aucune maladie.
Chez l’humain
Les anticorps monoclonaux REGN1908/1909 ciblent spécifiquement Fel d 1 en empêchant son interaction avec les IgE. Une dose unique sous-cutanée de 600 mg (300 mg de chacun) a démontré une efficacité significative dans la rhinite allergique aux chats, avec une amélioration de 42 % du score total des symptômes nasaux (TNSS) dès le huitième jour après administration, comparée au placebo. Chez des patients asthmatiques modérés, cette même dose a permis de prévenir les réductions du volume expiratoire maximal par seconde induites par une exposition environnementale aux allergènes félins, avec un effet persistant jusqu’à 85 jours.
Les thérapeutiques peptidiques PRESCAT1 reposent sur des peptides dérivés d’allergènes recombinants (Fel d 1, Fel d 4, Fel d 7), associés à un vecteur viral dérivé du virus de l’hépatite B. Cette approche vise à induire une réponse IgG protectrice et une tolérance immunologique dépendante de l’interleukine 10. Elle couvre un spectre plus large de sensibilisation que les traitements ciblant uniquement Fel d 1.
Une autre voie d’étude consiste à associer Fel d 1 à l’adjuvant CpG 1018 (cytosine-phosphate-guanine), un oligonucléotide synthétique mimant l’ADN bactérien et viral, connu pour son utilisation dans le vaccin Heplisav-B contre l’hépatite B. CpG 1018 agit via les récepteurs TLR9 et pourrait renforcer la réponse immunitaire dans le cadre de l’allergie au chat. Cette stratégie, bien qu’expérimentale, se distingue des formulations PRESCAT par son mécanisme adjuvant.
Enfin, ANG- 101, développé par la société franco-canadienne Angany, ne doit pas être considéré comme un vaccin au sens préventif classique. Il s’agit d’une thérapeutique immunomodulatrice destinée à traiter les patients déjà sensibilisés à Fel d 1. Le produit repose sur une bioparticule recouverte de multiples copies de Fel d 1, conçue pour induire une réponse IgG protectrice et moduler la réponse IgE pathologique. Les premières données sont favorables, permettant la poursuite du développement clinique.
Contrôle environnemental : nouvelles pistes
Le contrôle de l’environnement repose sur des mesures classiques (fiche à télécharger ici), telles que l’utilisation de filtres HEPA, qui permettent de capturer efficacement les allergènes en suspension dans l’air. Une étude a démontré que la concentration de Fel d 1 peut ainsi passer de 36,3 ng/m³ à seulement 4,7 ng/m³ grâce à ces dispositifs.
L’utilisation de protéases comme la papaïne et la subtilisine, qui entraînent une dégradation rapide et significative du Fel d 1, est en cours. Ces enzymes peuvent réduire jusqu’à 80 % de cet allergène en quelques minutes. Cette propriété ouvre la voie à des applications innovantes, telles que l’intégration de ces enzymes dans des shampooings ou des sprays pour chats, afin de limiter la dispersion de l’allergène à la source. Pour l’instant, ce type de produit n’est pas disponible en France mais il faut être vigilant quant aux achats via le net avec des marques étrangères !
Modifications génétiques
L’allergène majeur Fel d 1 est une protéine tétramérique composée de deux hétérodimères, chacun constitué de deux chaînes codées par des gènes distincts (CH1 et CH2).
En février 2024, des chercheurs de l’Université nationale de Gyeongsang, en Corée du Sud, ont publié les résultats d’une expérience visant à créer un chat génétiquement modifié produisant un taux extrêmement faible de Fel d 1. Grâce à la technologie d’édition génomique CRISPR-Cas9, les scientifiques ont conçu un ARN guide ciblant le gène CH2 du Fel d 1, qu’ils ont injecté, couplé à la protéine Cas9, dans des embryons de chat. Cette intervention visait à désactiver la portion d’ADN responsable de la production de l’allergène. Vingt embryons ont été implantés dans des chattes receveuses, et une seule gestation a abouti à la naissance de deux chatons : un mâle nommé Heavy et une femelle appelée Haemi. Une fois adultes, ces deux chats ont été accouplés. Six chatons sont nés, dont un seul mâle homozygote, porteur de la mutation sur les deux copies du gène. Ce dernier a ensuite été cloné, donnant naissance à un chaton dont le taux de Fel d 1 dans la salive et les poils était réduit de 98,6 % par rapport à un chat non modifié.
Bien que cette avancée soit étonnante sur le plan scientifique, elle soulève des questions éthiques et réglementaires, notamment en Europe.
Trifonova D, Curin M, Focke‐Tejkl M, et al. Recombinant Hypoallergenic CAT Allergy Vaccines. Allergy 2025;80(9):2622-35.
Leonard C, Montamat G, Davril C, et al. Comprehensive mapping of immune tolerance yields a regulatory TNF receptor 2 signature in a murine model of successful Fel d 1‐specific immunotherapy using high‐dose CpG adjuvant. Allergy 2020;76(7):2153-65.
De Blay FJ, Gherasim A, Domis N, et al. REGN1908/1909 prevented cat allergen–induced early asthmatic responses in an environmental exposure unit. J Allerg Clin Immunol 2022;150(6):1437-46.