Depuis l’arrêt des formulations insecticides, le traitement de la pédiculose repose principalement sur des dispositifs à action mécanique. Mais quelle est leur réelle efficacité ? Une équipe française a comparé 27 produits anti-poux commercialisés en France en 2024 : seuls 5 ont réussi à éliminer l’intégralité des poux et des lentes in vitro.

Touchant de préférence les enfants vivant en collectivité ou scolarisés, mais aussi les personnes précaires, la pédiculose du cuir chevelu désigne l’infestation par le pou de tête Pediculus humanuscapitis, insecte hématophage ectoparasite obligatoire de l’être humain. Chaque année, jusqu’à 20 % des enfants scolarisés sont infestés par ce parasite. Une fois le diagnostic posé vient la question du traitement à adopter. C’est là que ça se corse : il n’existe plus de traitements médicamenteux contre les poux, le malathion et les pyréthrines/pyréthrinoïdes (des insecticides) n’étant plus commercialisés en France depuis 2016 (pour la perméthrine) ou 2018 (pour le malathion), en raison de l’apparition de résistances limitant leur efficacité ainsi que de leurs effets secondaires.

Pour la lutte contre les poux, il faut donc se contenter de produits proposés en vente libre en pharmacie (voir les recos actuelles, en encadré), répondant à des exigences variables en termes de sécurité et d’efficacité selon leur nature. Les anti-poux à action mécanique (par exemple, suffocation des poux) sont ainsi des dispositifs médicaux de classe 1 (à niveau de risque faible) et nécessitent à ce titre le marquage CE européen, garant d’exigences essentielles de santé et de sécurité, mais auto-attribué par le fabricant, ainsi qu’une autorisation de mise sur le marché française bien moins contraignante que pour les médicaments. Enfin, d’autres produits comme des répulsifs ne tombent pas sous le coup de cette réglementation, avec à la clé encore moins de contrôle de leur sécurité et de leur efficacité avant commercialisation.

Afin d’y voir plus clair sur l’efficacité des différentes options sur le marché français, une équipe française de pharmaciens et de chercheurs a cherché à en tester un maximum in vitro. À l’issue de leurs recherches, ils ont identifié 27 produits anti-poux vendus en France, en pharmacie ou en ligne, entre avril 2023 et mars 2024. Ils les ont classifiés en quatre catégories selon leur composant principal : les huiles minérales, les huiles végétales, les silicones et les agents de cristallisation. Il s’agissait de lotions, de shampoings ou de lotions en spray.

Les chercheurs ont ensuite déterminé in vitro l’efficacité pédiculicide et lenticide de ces 27 produits sur des poux de corps de laboratoire (Pediculus humanus corporis) nourris au sang de lapin, et considérés comme un bon modèle de la réaction des poux de tête aux traitements. Chacun d’entre eux a été testé sur 55 poux aux différents stades de développement (mix de nymphes et d’adultes) ainsi que sur un nombre variable de lentes (51 à 145), placés sur un morceau de tissu la veille. Pour les tests, les lentes ou les poux employés ont été placés dans un couvercle de boîte de Petri, puis recouverts de produit pendant le temps d’action recommandé par le fabricant. Ensuite, le tissu a été lavé avec un shampoing doux pour enfant toléré par les lentes et les poux, puis rincé à l’eau distillée. Les poux et les lentes ont ensuite été mis à sécher sur un papier filtre, transférés dans une nouvelle boîte de Petri, et incubés pendant 24 heures (poux) ou 10 jours (lentes). Le contrôle consistait à suivre ces mêmes procédures en soumettant uniquement les insectes à de l’eau distillée. Le pourcentage de poux morts à 24 heures, et de lentes mortes à 10 jours, a permis aux auteurs de classer en 4 catégories d’efficacité les anti-poux revendiqués :

  • efficace contre poux et lentes (à 100 %) (groupe A) (seuil à 100 % justifié par les auteurs par le fait qu’il suffit d’un pou femelle ou de deux lentes pour maintenir l’infestation) ;
  • efficace contre les poux, mais à efficacité limité (< 100 %) contre les lentes (groupe B) ;
  • efficace contre les lentes, mais à efficacité limité contre les poux (groupe C) ;
  • efficacité limitée contre les poux et les lentes (groupe D).
 

Les résultats sont parus fin juin 2025 dans Cureus. Les auteurs ont déclaré n’avoir aucun conflit d’intérêt. Les résultats comparant les 27 produits sont résumés dans le tableau en accès libre ici : https ://www.cureus.com/articles/369803 -in-vitro-evaluation-of-the-efficacy-of- 27 -french-over-the-counter-anti-lice-treatments ?# !/ Au final, seuls 5 produits se sont avérés à 100 % efficaces contre poux et lentes (voir tableau ci-contre) – tous des lotions à action mécanique, qui constituaient seulement 28 % des ventes d’anti-poux en France. Autre surprise de l’étude, 54 % des ventes concernait les 14 produits inefficaces (groupe D). Les 4 produits du groupe B (tous à base de silicone) et les 4 produits du groupe C (des huiles minérales ou végétales) représentaient respectivement 14 % et 4 % des ventes. Le groupe D contenait 10 des 15 huiles végétales testées, 3 des 4 huiles minérales, et 1 des 7 silicones.

À noter toutefois que chaque test a été réalisé une seule fois, ce qui peut limiter la portée de l’affirmation d’efficacité à 100 %.

Pour les scientifiques, leurs résultats sont préoccupants, car ils indiquent que 72 % des anti-poux vendus sont inefficaces ou partiellement efficaces in vitro –sans parler de l’efficacité en vie réelle, plus faible pour diverses raisons : mauvaise utilisation, acquisition possible de résistance des poux, réinfestation… De plus, certains produits contiennent des substances suspectées d’avoir un effet néfaste sur la santé (par exemple, la fraction intermédiaire hydrotraitée du distillat de pétrole est cancérogène). Les auteurs suggèrent donc aux pharmaciens de recommander des produits à l’efficacité prouvée, faciles d’emploi, sans ingrédients à risque. Même si ces résultats sont à prendre avec précaution (la revue Cureus est critiquée par certains scientifiques pour sa procédure de relecture par les pairs), ils plaident pour que les autorités sanitaires exigent des évaluations approfondies de l’efficacité des produits vendus comme anti-poux, par ailleurs non remboursés et souvent chers.

Encadre

Les recos du collège des enseignants en dermatologie de France

En termes de traitement, le CEDEF souligne en 2023 dans un item que les shampoings et les poudres sont beaucoup moins efficaces que les solutions, lotions ou crèmes et ne devraient plus être utilisés. Les seuls traitements évoqués sont les spécialités à base de diméticone ou d’oxyphthirine, avec un second traitement prescrit 7 à 10 jours après le premier en raison du mauvais effet lenticide des produits. Après utilisation du produit choisi suivant les indications du fabricant, retirer et nettoyer au shampoing doux, puis rincer et passer au peigne fin ou anti-poux pour bien éliminer les lentes. De son côté la SPILF ne recommande que le traitement par lotion de diméticone. La décontamination des vêtements et de la literie passe par un lavage à 60 °C. En cas d’échec d’un traitement local bien conduit, un dermatologue peut prescrire de l’ivermectine 400 µg/kg en prise unique (sujets de plus de 2 ans et de plus de 15 kg) répétée à 7 jours (mais hors AMM).

Références
Toubate B, Louchez A, Debierre F, et al. In Vitro Evaluation of the Efficacy of 27 French Over-the-Counter Anti-lice Treatments.  Cureus 2023;17(6):e86584.
Pour en savoir plus :
Fiani C, Bernigaud C, Chosidow O. Poux : toujours pas de consensus.  Rev Prat Med Gen 2020;34(1045);560-1.
Item 171 – Ectoparasitoses cutanées : gale et pédiculoseAnn Dermatol Venereol 2023;3(7):461-2.
Infectiologie.com. Item 171 – Gale et pédiculose.
Vidal. Pédiculoses. 12 mai 2020.
RecoMédicales. Pédiculoses (poux). 6 décembre 2024.
Vidal. Les traitements contre les poux. 29 septembre 2022.

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