Face à l’incontinence urinaire à l’effort (IUE) de la femme, la première approche consiste en la rééducation périnéale manuelle, en adressant la patiente à un kiné spécialiste du périnée pour une dizaine de séances (1 à 2 séances/semaine, puis entretien par des exercices quotidiens 5 mins/jour). L’administration locale d’œstrogènes (voie vaginale) peut être associée si la femme est ménopausée. Des dispositifs intravaginaux intermittents de type pessaire peuvent également être proposés. Enfin, une réduction pondérale est recommandée en cas de surpoids. Toutefois, après l’échec de cette approche, il faut référer la patiente vers l’urologue pour prescrire des examens plus approfondis, afin de définir le type précis d’incontinence, et avois accès au traitement chirurgical.
TOT vs TVT
Parmi les options chirurgicales, les bandelettes sous-urétrales (BSU) sont un très bon traitement de l’IUE causée par une hypermobilité cervico-urétrale. Cependant, elles font l’objet d’une vigilance accrue en raison d’effets secondaires parfois graves, qui peuvent apparaître des années après l’opération et qui ont été découverts des années après commercialisation. Si plusieurs BSU continuent à être recommandées pour le traitement de l’IUE, elles doivent avoir reçu un avis favorable de la HAS. De plus, l’intervention est régulée depuis avril 2025 par un arrêté qui stipule que ce matériel doit être posé dans des centres experts et par des praticiens habilités ayant une certaine expérience, tandis que des recos de la HAS traitent spécifiquement de la conduite à tenir devant les complications chirurgicales d’une pose de prothèse dans l’IUE de la femme.
Dans le traitement chirurgical de l’IUE féminine, deux options chirurgicales existent : la pose de BSU par voie rétropubienne (TVT), première technique développée en 1990 et encore majoritaire dans de nombreux pays, et la pose de BSU par voie transobturatrice (TOT), apparue au début des années 2000 et aujourd’hui majoritaire en France. Il était toutefois difficile de les distinguer en termes d’effets indésirables, faute de données suffisantes de suivi à long terme. Les complications à long terme (5 ans ou plus après l’intervention) semblaient potentiellement toutefois plus fréquentes dans les TOV, à l’inverse des complications intraopératoires et à court terme (première année post-intervention).
Un essai randomisé « émulé »
Afin de comparer le profil de sécurité des deux interventions y compris à long terme, des chercheurs français ont utilisé les données du système national des données de santé (SNDS), qui leur ont permis de suivre l’ensemble des patientes opérées en France pour IUE par TOT ou par TVT entre 2011 et 2018. Afin d’exploiter ces informations, ils ont réalisé un essai randomisé « émulé », un type d’étude dans lequel on utilise des données observationnelles (ici, celles du SNDS) pour émuler un essai randomisé « cible », c’est-à-dire l’essai randomisé qu’il aurait été idéal de mener pour répondre à la question des chercheurs.
Ici, l’essai cible aurait concerné des femmes ≥ 18 ans, ayant subi une première implantation de BSU entre 2011 et 2018. La randomisation aurait permis de répartir les femmes suivant la technique dans deux bras, TOT ou TVT. Critère de jugement principal : incidence cumulée du retrait ou de section de la BSU. Critères secondaires : le retrait de BSU, la section de BSU, et les autres complications sévères (ayant mené à l’hospitalisation) liées directement à l’implantation de BSU (rétention urinaire, érosion et infection de BSU, incidence cumulée de plusieurs de ces complications).
Moins de section de BSU… mais davantage d’analgésiques ?
Les scientifiques ont pu inclure dans leur essai émulé toutes les 215 141 patientes ayant eu une première implantation documentée de TOT ou TVT en France entre 2011 et 2018. Les résultats sont parus le 15 septembre dans eClinicalMedicine . Environ 80 % des femmes incluses ont reçu une BSU par TOT, et le reste par TVT. L’âge médian (écart interquartile) était de 57 (47 - 68) ans dans le groupe TOT, et de 58 (48 - 69) ans dans le groupe TVT. Les facteurs de risque (maladie de Parkinson, diabète, histoire d’atteinte à la moelle épinière ou de chirurgie du plancher pelvien) étaient légèrement plus fréquents dans le groupe TVT.
À 5 ans post-opération, l’incidence cumulée de section ou de retrait de BSU était plus faible dans le groupe TOT (3,25 %, IC95 % = [3,16 % ; 3,34 %]) que dans le groupe TVT (4,13 %, IC95 % = [3,94 % ; 4,33 %]). La différence d’incidence de section ou retrait de la BSU variait dans le délai postopératoire, et était particulièrement marquée dans les 3 mois (hazard ratio (HR) = 1,65 ; IC95 % = [1,52 ; 1,78]), et au-delà de 5 ans post-implantation (HR = 1,44 ; IC95 % = [1,13 ; 1,85]). Enfin, le retrait de BSU, de même que la section de BSU, l’hospitalisation pour rétention urinaire, ainsi que l’érosion et l’infection de BSU étaient significativement plus fréquents après TVT qu’après TOT. Toutefois, une seconde implantation de BSU, ainsi que l’utilisation régulière d’analgésiques plus d’un an après l’opération, étaient significativement plus fréquentes après TOT.
Maintenir un suivi à long terme
Pour les auteurs, ces résultats montrent que des complications à la pose de BSU peuvent bien apparaître plus de 5 ans après l’implantation, soulignant le besoin d’un suivi à long terme de ces opérations. En effet le Pr Véronique Phé recommande : « Lorsqu’une patiente consulte pour des douleurs et qu’elle a un antécédent de pose de bandelettes, même ancienne, il ne faut pas hésiter à la référer à un centre expert ».
Enfin, les auteurs de l’étude remettent en question l’usage international actuel, suggérant de proposer en première approche chirurgicale la pose de BSU par TOT plutôt que par TVT.
HAS. Complications de la chirurgie avec prothèse de l’incontinence urinaire d’effort et du prolapsus génital de la femme. 17 avril 2023.
ANSM. Les indications médicales des bandelettes et implants de renfort. 3 août 2022.
Légifrance. Arrêté du 25 avril 2025 encadrant la pratique des actes d’implantation associés à la pose de bandelettes sous-urétrales destinés au traitement chirurgical de l’incontinence urinaire d'effort chez la femme en application des dispositions de l’article L. 1151-1 du Code de la santé publique. 30 avril 2025.
Pour aller plus loin :
Martin Agudelo L. Incontinence urinaire de la femme : la rééducation, ça marche ! Rev Prat (en ligne) 26 septembre 2022.
Martin Agudelo L. Incontinence urinaire : quel est le meilleur traitement après la rééducation ? Rev Prat (en ligne) 19 mai 2025.
Phé V. Incontinence urinaire de la femme : bien prescrire la rééducation. Rev Prat (en ligne) 25 mars 2025.
Cosson M, Deffieux X. Prolapsus et incontinence urinaire de la femme. Rev Prat Med Gen 2021;35(1060);409-12.