Depuis plusieurs années, nombre d’études observent des liens entre une alimentation biologique et des risques moindres de cancers, d’obésité, de surpoids, de diabète de type 2… Pour autant, les chercheurs restent sur leur faim puisque les données ne sont pas encore assez robustes pour établir un consensus solide. C’est pourquoi une revue systématique, parue dans l’European Journal of Clinical Nutrition, a analysé l’association entre l’alimentation biologique et certaines maladies chroniques.
Les auteurs ont identifié 21 publications (parues entre 2006 et 2022) écrites en anglais, réalisées sur des adultes consommant des aliments biologiques depuis plus de six mois et comparant l’influence sur la santé d’une alimentation biologique par rapport à une alimentation conventionnelle.
Trois volets se dégagent dans cette revue systématique : les apports nutritifs des aliments issus de l’agriculture biologique, les liens entre consommation d’aliments bio et risques de certaines maladies, ainsi que l’exposition aux pesticides.
Pas forcément plus de nutriments, mais moins de risques de maladies non transmissibles
Quelques travaux suggèrent que les aliments bio sont meilleurs d’un point de vue nutritionnel, mais les différences entre biologique et conventionnel sont plus ou moins marquées selon les critères analysés… et selon les études.
Une publication1 montre ainsi une concentration supérieure en alpha- et bêtacarotènes, en lutéine et en zéaxanthine dans le sang des consommateurs d’aliments bio par rapport à ceux ayant une alimentation conventionnelle, tandis qu’une autre2n’observe pas de différence significative dans la concentration plasmatique en caroténoïdes. Une troisième étude3 montre que la consommation de légumes bio permet d’atteindre largement les valeurs de référence alimentaires en bêtacarotène. Quant aux acides gras, les produits biologiques apporteraient plus d’oméga- 6. Aucune des études incluses ne souligne la plus grande concentration en polyphénols dans les produits végétaux biologiques, alors que d’autres revues systématiques le font.4 Pour les minéraux et les vitamines, encore une fois, il n’y a pas de différences significatives entre les deux types de nutrition.
En revanche, cette revue systématique suggère une diminution des risques de maladies non transmissibles avec l’alimentation biologique, notamment du diabète de type 2, des cancers, du surpoids et de l’obésité. Toutefois, les auteurs notent que, dans les différentes cohortes, les personnes consommant le plus de produits biologiquesont aussi des modes de vie plus sains : fument moins, ils font plus d’activité physique, mangent moins de viande, plus de fruits, de légumes et de céréales complètes. De plus, les adeptes du bio sont souvent végétariens, et ce régime peut avoir certains bénéfices pour la santé (si les repas sont équilibrés).5 Cet ensemble de comportements sains rend d’autant plus difficile la mise en évidence d’un rôle causal de la consommation d’aliments « bio » sur la santé.
Réduction de l’exposition aux pesticides et aux métaux lourds
Cependant, il n’y a aucun doute qu’avec une alimentation biologique, l’exposition aux pesticideset aux métaux lourds est fortement réduite, alors qu’un certain nombre de preuves émergent sur les dangers des pesticides.
En 2022, une étude de chercheurs de Harvard a même suggéré que les résidus des intrants chimiques de synthèse pourraient annuler les bénéfices des fruits et des légumes sur la mortalité !6
Les tests urinaires montrent un écart très net entre alimentation biologique et conventionnelle. Dans l’Union européenne, 80 % des produits certifiés biologiques n’ont pas de trace de pesticides quantifiable et, quand il y en a, ces dernières restent en-dessous des limites maximales de résidus. Il s’agit principalement de traces de cuivre,7 fongicide autorisé dans les cultures bio.8 Comme l’a souligné l’étude ESTEBAN menée par l’Inserm sur la période 2014 - 2016, la consommation de légumes issus de l’agriculture biologique chez les enfants augmente les niveaux d’imprégnation par le cuivre. Mais cet oligoélément ne s’accumule pas dans l’organisme (hors anomalies génétiques ou exposition chronique à des doses très élevées), contrairement à d’autres métaux.9 Cependant, d’après l’Anses (rapport de juin 2025), son accumulation dans les sols pourrait avoir des effets potentiellement toxiques pour l’environnement.10
Concernant les métaux lourds, les pratiques agricoles biologiques permettent, par exemple, de limiter les teneurs en cadmium , un métal reconnu cancérogène, mutagène et reprotoxique. En France, ce métal contamine l’alimentation en partie par sa présence dans les engrais phosphatés minéraux importés (les deux principales sources d’exposition étant la consommation de coquillages et crustacés et surtout le tabagisme).11
Ce cahier des charges exigeant n’est pas que dans les champs ; les transformateurs de produits certifiés biologiques n’ont pas le droit d’utiliser des colorants ou des arômes chimiques de synthèse, des exhausteurs de goût… et pour les additifs, seuls 56 sont autorisés (contre plus de 320 pour les aliments conventionnels).12
Alors, alimentation bio ou alimentation conventionnelle ?
Certes, cette revue systématique suggère que le premier choix l’emporte pour diminuer les risques de maladies non transmissibles. Mais les facteurs confondants ne permettent pas de conclure avec certitude, et le nombre d’études à disposition reste trop faible pour l’affirmer de façon globale et consensuelle. Toutefois, dans un principe de précaution et compte tenu des éléments liés à la protection de l’environnement, il semble prudent de privilégier, si possible, les produits végétaux issus de pratiques agricoles limitant les intrants synthétiques (engrais et pesticides), en particulier chez les femmes enceintes et les enfants en bas âge.
Références :
1. Baudry J, Ducros V, Druesne-Pecollo N, et al. Some differences in nutritional biomarkers are detected between consumers and nonconsumers of organic foods: ndings from the BioNutriNet Project. Curr Dev Nutr 2018;3(3):nzy090.
2. Søltoft M, Bysted A, Madsen KH, et al. Effects of organic and conventional growth systems on the content of carotenoids in carrot roots, and on intake and plasma status of carotenoids in humans. J Sci Food Agric 2011;91(4):767-75.
3. Hoefkens C, Sioen I, Baert K, et al. Consuming organic versus conventional vegetables: the effect on nutrient and contaminant intakes. Food Chem Toxicol 2010;48(11):3058-66.
4. Barański M, Srednicka-Tober D, Volakakis N, et al. Higher antioxidant and lower cadmium concentrations and lower incidence of pesticide residues in organically grown crops: a systematic literature review and meta-analyses. Br J Nutr 2014;112(5):794-811.
5. Martin Agudelo L. Régime végétarien : quels sont les bénéfices et risques prouvés ? Rev Prat (en ligne) 3 avril 2025.
6. Sandoval-Insausti H, Chiu Y-H, Wang Y-X, et al. Intake of fruits and vegetables according to pesticide residue status in relation to all-cause and disease-specific mortality: Results from three prospective cohort studies. Environ Int 2022;159:107024.
7. Carrasco Cabrera L, Di Piazza G, Dujardin B, et al. The 2023 European Union report on pesticide residues in food. EFSA J 14 mai 2025.
8. Agence bio. « Les traitements naturels utilisés en agriculture biologique sont-ils toxiques ? »
9. Fillol C, Oleko A, Gane J, et al. Imprégnation de la population française par le cuivre, programme national de biosurveillance Esteban 2014-2016. Santé publique France 30 août 2021.
10. Anses. Impacts socio-économiques de la limitation ou du retrait des produits phytosanitaires à base de cuivre en agriculture Avis de l’Anses – Rapport d’expertise collective. Juin 2025.
11. Santé publique France. Imprégnation de la population française par le cadmium. Programme national de biosurveillance, Esteban 2014-2016. 6 septembre 2021.
12. L’agence bio. Le bio en quelques mots...
Pour en savoir plus :
Kesse-Guyot E. Les aliments « bio » sont-ils meilleurs pour la santé ? Rev Prat 2018;68(2);134-6.