Environ 10 à 15 % des cancers du poumon surviennent chez des personnes n’ayant jamais fumé. Ces cancers ont des particularités par rapport à ceux liés au tabac, qu’il s’agisse du profil des patients, de l’histologie ou encore du pronostic. Faisons le point.

Troisième cancer le plus fréquent tous sexes confondus et première cause de décès par cancer chez l’homme en France selon l’Institut national du cancer, le cancer du poumon est attribuable avant tout au tabagisme actif passé ou présent, facteur de risque retrouvé dans 80 à 85 % des cas. Toutefois, 10 à 15 % des cancers du poumon concernent des non-fumeurs, c’est-à-dire des individus ayant fumé moins de 100 cigarettes dans leur vie. Une revue de la littérature publiée le 20 octobre 2025 dans le JAMA est revenue en détail sur ces cancers du poumon.

Tout d’abord, le tableau clinique ne diffère pas fondamentalement entre cancer du poumon chez le fumeur et chez le non-fumeur. Tout comme les personnes ayant des antécédents de tabagisme, les non-fumeurs atteints d’un cancer du poumon peuvent avoir des symptômes non spécifiques comme une respiration sifflante, des douleurs thoraciques, une dyspnée, une hémoptysie, ou des symptômes attribuables à une maladie métastatique (douleurs osseuses, céphalée). Ils sont parfois diagnostiqués de manière fortuite à l’imagerie.

Plutôt des femmes

Cependant, les profils de patients varient entre fumeurs et non-fumeurs. Si l’âge médian au diagnostic est proche (67 ans vs 70 ans chez le fumeur), la principale différence est la surreprésentation des femmes. En effet, alors que seuls 9 % des hommes atteints du cancer du poumon sont non-fumeurs, cette proportion grimpe à 19 % des femmes. Le taux d’incidence standardisé par l’âge du cancer du poumon est de 14,4 - 20,8/100 000 personnes-années chez les femmes, contre 4,8 - 12,7/100 000 personnes-années chez les hommes : c’est donc un cancer qui touche majoritairement des femmes (jusqu’à 83 % des cas non-fumeurs à Taïwan).

Il semblerait que l’origine ethnique joue aussi : une étude américaine trouve chez les femmes asiatiques un taux d’incidence standardisé de 17,5/100 000 individus (IC 95 % = [15,0 - 20,2]), soit davantage que chez les femmes à peau blanche non-hispaniques (10,1, [9,0 - 11,3]).

Radon, pollution atmosphérique et tabagisme passif

Il existe plusieurs facteurs de risque du cancer du poumon chez le non-fumeur : le radon, un gaz inodore radioactif qui causerait 3 000 décès par cancer du poumon par an en France (soit le deuxième facteur de risque de ce cancer derrière le tabac) ; la pollution atmosphérique aux particules fines ou PM2,5, pour particules au diamètre < 2,5 µm (1 500 nouveaux cancers du poumon/an en France, soit un peu moins de 3 % des cas) ; le tabagisme passif (qui tuerait en France 150 personnes par anvia un cancer du poumon) ; une exposition professionnelle (amiante, silice) ou domestique (chauffage ou cuisine mal ventilés) ; une radiothérapie ; un antécédent familial de cancer du poumon chez un apparenté du premier degré ; une origine asiatique ; certains variants génétiques.

Moins de mutations

D’un point de vue histologique, le cancer du poumon du non-fumeur diffère de celui du fumeur : il s’agit plus fréquemment d’un adénocarcinome (60 - 80 % des cas, contre près de 24 % chez le fumeur selon la même étude), puis d’un carcinome épidermoïde (17 % des cas, contre 24 % des cas chez le fumeur), et enfin d’un cancer bronchique à petites cellules (8 % des cas, contre 17 % des cas chez le fumeur).

Le cancer du non-fumeur est marqué par un moindre fardeau mutationnel (0 - 3 mutations / Megabase [Mb], contre 0 - 30 mutations/Mb chez le fumeur), mais aussi par une plus forte proportion de patients ayant des variants génétiques pour lesquels on dispose d’options thérapeutiques, notamment des mutations du gène EGFR ou des réarrangements du gène ALK, ciblés par des nouvelles thérapies. Par exemple, des mutations somatiques du gène EGFR concernent 40 - 60 % des patients non-fumeurs, contre 10 % des patients fumeurs. C’est pourquoi les auteurs préconisent de réaliser un séquençage haut débit de l’ADN dès le stade Ib et jusqu’au stade IIIa pour identifier des altérations génomiques compatibles avec de nouvelles thérapies spécifiques.

Un meilleur pronostic dans certains cas

Comme les cancers liés au tabac, la plupart des non-fumeurs atteints d’un cancer du poumon sont diagnostiqués à un stade avancé, généralement avec une maladie localement avancée non résécable (stade III) ou métastatique (stade IV). Une fois diagnostiqué, le traitement du cancer du poumon dépend du stade, de l’histologie et du statut moléculaire de la tumeur, de l’état général du patient, de ses comorbidités et de ses préférences, et ne varie pas en fonction du statut tabagique. Les options thérapeutiques comprennent principalement la chirurgie, la radiothérapie et la chimiothérapie, souvent associées en fonction du stade de la maladie.

Pour autant, la survie médiane chez les non-fumeurs atteints d’un cancer du poumon non à petites cellules avancé (stade IIIb ou supérieur) et présentant des altérations génomiques exploitables (EGFR par exemple) peut dépasser 3 à 5 ans, tandis que la survie sans ces altérations génomiques est similaire à celle observée chez les personnes ayant des antécédents de tabagisme (1 à 2 ans).

Intérêt du dépistage ?

Aujourd’hui, seul le programme de dépistage organisé de Taïwan est ouvert aux non-fumeurs (45 - 74 ans chez les femmes, 50 - 74 ans chez les hommes). Plus spécifiquement, depuis 2022, les non-fumeurs taïwanais peuvent bénéficier d’un scanner thoracique bisannuel s’ils ont des antécédents de cancer du poumon dans la famille au premier degré, souffrent de tuberculose pulmonaire ou de BPCO, de tabagisme passif, ou cuisinent sans ventilation. Dans une étude parue en 2024, 77,4 % des cancers diagnostiqués dans ce dispositif taïwanais étaient de stade I – sachant que le cancer du poumon de stade I, bien mieux traitable qu’aux stades III et IV, a un taux de survie à 5 ans de 65 %, rappellent les auteurs du JAMA. Toutefois, l’intérêt de ce dépistage des non-fumeurs fait débat. Sur la base des expériences taïwanaise et sud-coréenne, des spécialistes ont défendu en février dans le BMJ que le dépistage des non-fumeurs est source de surdiagnostic et de surtraitement, lui conférant une balance bénéfices/risques défavorable.

Référence
Murphy C, Pandya T, Swanton C, et al. Lung Cancer in Nonsmoking Individuals: A Review.  JAMA 20 octobre 2025.
Pour en savoir plus :
Brosseau S, Pluvy J, Soussi G, et al. Cancer du poumon du non-fumeur.  Rev Prat 2020;70(8):851.
Ruppert AM, Amrioui F, Fallet V. Facteurs de risque et prévention des cancers du poumon.  Rev Prat 2020;70(8):852-6.
Martin Agudelo L, Nobile C. Dépistage du cancer du poumon en France : c’est parti !  Rev Prat (en ligne) 7 février 2025.

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