Pour faire suite aux recommandations de la HAS, le premier programme pilote de dépistage des cancers du poumon à l’échelle nationale débute en France. C’est l’étape préalable à la généralisation d’un programme de dépistage organisé de ces cancers. Objectifs, bénéfices espérés et modalités pratiques pour inclure vos patients.

Le cancer du poumon est la première cause de mortalité par cancer en France, avec plus de 30 000 décès annuels. Son taux d’incidence semble se stabiliser chez les hommes (- 0,3 % entre 2010 et 2023), mais augmente de façon préoccupante chez les femmes (+ 4,3 % sur la même période), une tendance qui s’explique en grande partie par l’augmentation de la prévalence du tabagisme féminin depuis les années 1970 – le tabac étant responsable de près de 80 % des cas de cancer du poumon.

De mauvais pronostic (taux de survie nette à 5 ans de 20 %), ce cancer est encore trop souvent diagnostiqué à un stade avancé (dans plus de 70 % des cas), ce qui réduit presque à néant les chances de guérison. Il est ainsi un bon candidat pour un programme de dépistage dans une population à risque de fumeurs et anciens fumeurs asymptomatiques, et répond aux conditions proposées par l’OMS pour la mise en place d’un tel dépistage – à savoir que la maladie est décelable pendant une phase de latence et que des moyens appropriés de diagnostic et un traitement efficace existent.

Plusieurs essais cliniques randomisés conduits aux États-Unis et en Europe confirment que le dépistage par scanner thoracique faiblement dosé chez les personnes fortement exposées au tabac diminue la mortalité spécifique d’au moins 20 % ; les publications récentes concluent à un rapport bénéfice/risque favorable de cette démarche (retrouvez l’analyse des données internationales dans notre article : « Dépistage organisé du cancer pulmonaire »). Des pays comme les États-Unis ou le Royaume-Uni ont déjà mis en place de tels programmes, avec des critères d’inclusion variables d’âge, de paquets-années et d’années écoulées depuis l’éventuel sevrage.

En France, un programme de dépistage organisé des cancers bronchopulmonaires est ainsi attendu depuis longtemps et inscrit dans la Stratégie décennale de lutte contre les cancers 2021 - 2030. En 2022 la HAS a révisé son avis défavorable datant de 2016 pour recommander la conduite d’expérimentations en vie réelle et la mise en place d’un programme pilote (v. ci-dessous). L’objectif est d’évaluer la sécurité, l’acceptabilité et les retentissements organisationnels et économiques, et notamment de documenter davantage certains risques (surdiagnostic, faux positifs, cancers radio-induits, taux d’explorations invasives et de complications) dans une étude française, avant de pouvoir envisager le déploiement d’un programme de dépistage organisé à large échelle.

Le premier programme pilote, lancé en 2025, inclura 20 000 personnes

Six expérimentations régionales sont en cours en France :

  • l’étude DP KP80 menée dans la Somme (n = 1 307) ;
  • l’étude CASCADE de l’AP-HP, ciblant 2 400 femmes fumeuses ;
  • l’étude ACAPULCO en Corse (n = 800) ;
  • l’étude DA CAPO promue par le CHU de Nice (n = 2 600) ;
  • le projet lyonnais ILYAD (n = 838), avec un camion de dépistage pouvant cibler les populations précaires ;
  • une étude dans le cadre du programme INTERCEPTION de l’institut Gustave-Roussy qui concerne plusieurs cancers dans des populations à risque.
 

En janvier 2025, le lancement du premier programme pilote de dépistage des cancers du poumon à plus grande échelle a été annoncé par l’Institut national du cancer (InCa). Ce programme, qui rassemble 29 structures partenaires et inclura 20 000 participants, est l’étape préalable à la généralisation espérée d’un programme de dépistage organisé.

Nommé IMPULSION, ce programme est coordonné conjointement par la Pr Marie-Pierre Revel (radiologue, hôpital Cochin, Paris) et le Pr Sébastien Couraud (pneumologue, Hospices Civils de Lyon). Il s’adresse aux personnes asymptomatiques :

  • âgées de 50 à 74 ans ;
  • fumant actuellement, ou ayant fumé et qui sont sevrées depuis moins de 15 ans ;
  • ayant une consommation tabagique cumulée d’au moins 20 paquets-années.
 

Les participants réaliseront deux scanners thoraciques à faible dose à un an d’intervalle puis tous les deux ans. Le programme sera couplé à une proposition de sevrage tabagique pour les personnes concernées.

En pratique 

Le programme sera progressivement déployé dans plusieurs régions, selon une organisation décidée par les agences régionales de santé (ARS), l’objectif étant d’évaluer les conditions optimales d’organisation du dépistage en les adaptant aux spécificités de chaque territoire.

Le repérage des personnes éligibles peut être fait par tout professionnel de santé. Si les modalités pratiques restent encore à définir, on sait déjà que plusieurs modalités d’inclusion seront proposées : par un médecin investigateur, dans certains centres d’examen de santé de l’Assurance Maladie (notamment pour les personnes les plus éloignées du système de santé), sur une plateforme digitale ou par téléphone.

Enfin, l’Assurance maladie soutiendra le projet en assurant la prise en charge à 100 % des scanners à faible dose. Seront remboursés : le rendez-vous d’inclusion, la consultation de sevrage tabagique et les soins liés au cancer détecté mais aussi aux autres pathologies identifiées avec le scanner, aux conditions habituelles de prise en charge.

Encadre

Que dire à vos patients ?

Le dépistage annuel par scanner thoracique faible dose est efficace pour dépister un cancer pulmonaire chez des fumeurs actifs ou anciens fumeurs sevrés depuis moins de 15 ans, asymptomatiques, entre 50 à 74 ans.

Pour être efficace, une fois débuté, le dépistage doit être continu, répété tous les ans ; puis, en l’absence d’anomalie sur deux scanners annuels successifs, il doit être effectué tous les deux ans.

La découverte d’un nodule pulmonaire dense (solide) ne débouche pas forcément sur un geste diagnostique (biopsie) ou thérapeutique invasif.

Cette stratégie de dépistage permet de diminuer le risque de décès par cancer pulmonaire de plus de 24 % chez l’homme et de 33 % chez la femme.

Le scanner permet aussi de détecter d’autres maladies liées au tabac, comme l’emphysème, la fibrose pulmonaire ou les calcifications coronariennes, qui peuvent bénéficier d’un traitement spécifique.

Enfin, le dépistage constitue l’opportunité idéale pour arrêter du fumer, démarche dans laquelle le patient est accompagné sur le long terme par son médecin traitant et des spécialistes du sevrage tabagique.

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