Le Pr Bernard Descottes, chirurgien limougeaud de renom, avait montré l’efficacité de l’application de miel sur les plaies postopératoires et les escarres. Le protocole de soin utilisant du miel de thym est à adapter en fonction de la plaie traitée, mais reste globalement le même (encadré 1) ; pour être efficace, il doit favoriser tous les stades de la cicatrisation (détersion, bourgeonnement et épithélialisation). Le fonctionnement et les limites de cette méthode sont listés dans les encadrés 2 et 3. Cinq situations cliniques sont ici présentées. 

Pied diabétique 

Un homme de 65 ans est suivi pour un diabète de type 2 insulinorequérant depuis dix ans. Il a été amputé de deux orteils à la suite d’une plaie de l’avant-pied. Il consulte pour un mal perforant plantaire du pied droit (fig. 1a), traité jusqu’à présent par décoction de plantes, sans amélioration clinique.

Un écho-Doppler des membres inférieurs est réalisé. Il révèle un lit artériel de type artéritique plus prépondérant à droite avec thromboses successives entre le tiers inférieur de l’artère fémorale ­superficielle droite et l’artère tibiale ­postérieure droite, ainsi que des signes d’une microangio­pathie distale droite. 

Il n’y a pas de signes d’ostéite à la radio standard.

Dès le début du protocole de cicatrisation par le miel, le patient avait un œdème, et le drainage inopérant de ce dernier a rendu la cicatrisation lente et difficile. L’interrogatoire a révélé que le patient était très actif et sortait quotidiennement. L’amélioration de la cicatrisation n’a pu être obtenue qu’une fois le temps de repos allongé respecté (fig. 1d) et la suppression de l’appui du talon réalisée (« Un pied sans décharge est un pied non pris en charge »).

Dans cette situation, le miel a prouvé son efficacité dans la phase de détersion et de bourgeonnement (fig. 1b  et fig. 1c) par un mode d’action encore mal connu – qui reposerait sur la promotion et le respect des mécanismes autolytiques. Les enzymes de lyse protéique (métalloprotéases et sérines protéases) semblent être activées par les petites quantités d’eau oxygénée produites par le miel. La forte osmolarité du miel génère une force osmotique qui, par une action de drainage lymphatique, évacue les œdèmes péri­lésionnels, avec diminution de la douleur et appel local de macrophages. Un flux de liquides nutritifs et d’oxygène est ainsi théoriquement généré.1 

Ce protocole dispense souvent d’utiliser le bistouri, qui abîme la néoangiogenèse, et l’utilisation d’enzymes protéolytiques ou caustiques, par ailleurs très coûteuses.

Une antibiothérapie préventive a été prescrite car la plaie était étendue.

Les pansements au miel ont été maintenus jusqu’à disparition totale de la fibrine. Le bourgeonnement s’est fait de façon concomitante à la phase de détersion.

Le miel a provoqué, dans certaines zones, un hyperbourgeonnement qui a nécessité l’arrêt de son utilisation et l’application de corticoïdes topiques. Une fois l’hyper­bourgeonnement amendé, un pansement alginate a été utilisé. La macération du pourtour des berges, ennemie de la cicatrisation, a nécessité l’application de crème réparatrice et protectrice à base de sulfate de zinc et de sulfate de cuivre.

L’épidermisation, troisième phase après la détersion et le bourgeonnement, se fait de façon concentrique à partir des berges de la plaie. Elle permet un rapprochement contractile des berges et une diminution de la taille de la plaie. Dans ce cas, le pansement alginate a été utilisé uniquement en phase de granulation. Dès la fin de la cicatrisation, la peau a été laissée à l’air libre en continuant l’application de crème réparatrice. À chaque changement de pansement, le reste du pied a été ­hydraté par de la vaseline.

Hypodermite subaiguë veineuse 

Une femme de 43 ans, en surcharge pondérale, consulte pour une grosse jambe rouge et douloureuse, d’apparition progressive (fig. 2a). Elle a été mise sous bi-­antibiothérapie : fluoroquinolone et pristinamycine. Le protocole de pansement au miel de thym a été mis en place avec une interface neutre après avoir réalisé un lavage de la jambe au sérum physiologique. 

Les croûtes, fortement adhérentes, ont nécessité l’application de pommade hydro­gel pour être ramollies (fig. 2b). L’évolution a été ensuite marquée par l’apparition d’un eczéma irritatif par intolérance au système de contention régressant sous corticoïdes topiques. Une nette amélioration a été ensuite constatée (fig. 2c).

L’application de mesures de contention adéquates reste indispensable, procurant souvent un soulagement rapide et réduisant le risque de récidive. La sur­élévation du membre au-dessus du niveau du cœur est un autre complément au traitement.

Brûlure de l’avant-bras 

Une patiente âgée de 54 ans est suivie pour une épilepsie pharmacorésistante secondaire à une agénésie partielle du sinus transverse. Lors d’une crise ­épileptique généralisée, une bouilloire d’eau chaude a chuté sur ses avant-bras (fig. 3a), main et cuisse.

D’abord prise en charge à l’hôpital, la ­patiente n’a pu, faute de moyens, poursuivre la prise en charge. Elle s’est contentée de cataplasmes d’argile et de plantes vendues par un herboriste, entraînant une infection de la main. Un réel défaut de cicatrisation s’en est suivi, probablement dû à l’influence délétère de ces médications.

Le premier pansement a consisté en un nettoyage, une détersion puis un rinçage avec du sérum physio­logique. Une antibiothérapie orale a également été mise en place.

Le protocole de réalisation du pansement a consisté en une application du miel sur une interface. Au niveau de la main, ce pansement a été réalisé avec les doigts bien individualisés, commissures écartées plaçant la main en position intrinsèque positive. La main a été surélevée au-dessus du niveau du cœur pour limiter l’œdème. La patiente a ensuite bénéficié d’une cicatrisation dirigée (fig. 3b).

Une fois la phase de détersion achevée, et après apparition d’un tissu de granulation, les pansements au miel ont été abandonnés au profit de pansements alginates.

Après quelques mois, la patiente a développé une pustulose érosive au niveau de la cuisse. La répétition des pansements sur cette peau fragile a entraîné un mitage de l’épiderme et des érosions confluant en nappes.

L’application de topiques corticoïdes a permis une régression et une reprise de la cicatrisation (fig. 3c).

Anasarque due à une hypertension pulmonaire thromboembolique chronique 

Une patiente consulte dans un tableau d’anasarque secondaire à une hypertension pulmonaire thromboembolique chronique, le confinement dû à la pandémie de Covid- 19 ayant entraîné un retard diagnostique et de prise en charge. À l’admission, outre les signes d’insuffisance cardiaque droite, une dermo-­hypodermite sévère nécrosante des deux jambes sans fasciite a été mise en évidence (fig. 4a). La dermohypodermite a compliqué les œdèmes des membres inférieurs. Après un nettoyage abondant de la plaie au sérum physiologique, une couche épaisse de miel a été appliquée puis la plaie a été recouverte par une interface. Dans les anfractuosités, l’alginate a été préféré. Un pansement occlusif ­secondaire a été nécessaire pour éviter un suintement du miel hors de la plaie. Des bandes de contention ont été ajoutées sur le pansement pour réduire les œdèmes. Une bi-antibiothérapie probabiliste a été mise en place. Le traitement diurétique – en association avec le régime désodé – a permis de réduire les signes de surcharge droite et d’améliorer les symptômes. Le miel a permis de débrider la nécrose et de stériliser la plaie sans avoir recours à la chirurgie (fig. 4b et c). Les pansements ont été refaits quotidiennement, puis un jour sur deux. Dès l’obtention d’un tissu de granulation, les pansements au miel ont été remplacés par ceux à l’alginate.

Les qualités hygroscopiques et osmotiques du miel lui confèrent des propriétés adaptées aux soins de plaies. Le miel peut couvrir uniformément le fond d’une plaie et absorber les exsudats qui en sortent. En raison de la présence de peroxyde d’hydrogène (H2O2) et d’enzymes ayant la capacité de dégrader le matériel nécrotique, le miel favorise le débridement endogène. Le peroxyde d’hydrogène est une molécule aux multiples propriétés : il exerce une activité chimio-attractante sur les cellules inflammatoires ; de plus, il pourrait intervenir en tant que facteur stimulant de la cicatrisation.2 

Brûlure domestique chez un jeune enfant 

Un enfant de 18 mois est vu pour brûlure au deuxième degré superficiel de la jambe et du pied (fig. 5a) : il a tiré une nappe sur laquelle se trouvait une théière d’eau bouillante. La particularité de ce cas clinique tient à la présence de phlyctènes. La conduite à tenir face aux phlyctènes dépend du contenu de celles-ci :

  • en cas de sérosités claires, une vidange stérile de l’ampoule est conseillée en maintenant le toit de la phlyctène ;
  • si le contenu est purulent, la phlyctène est excisée dans son entièreté aux ciseaux stériles afin d’y faire pénétrer le miel.

La procédure a consisté à nettoyer les plaies puis à les couvrir de miel, d’une interface, de compresses stériles puis de bandes.

Le pansement a été refait tous les jours jusqu’au début de l’épithélialisation, puis un jour sur deux. Une fois la plaie cicatrisée (fig. 5b), il a été conseillé aux parents de la protéger par une crème solaire à indice maximal.

L’excellente vascularisation cutanée, les capacités de régénération et l’absence de facteurs délétères à la cicatrisation (tabagisme actif, surpoids, athérome, traitements...) procurent aux enfants une capacité de cicatrisation plus importante que celle des adultes.

Ces phénomènes expliquent l’évolution extrêmement favorable des plaies en cicatrisation dirigée. Entre l’âge de 2 ans et la puberté, la cicatrisation est souvent très rapide mais avec une phase de remodelage pouvant être « explosive ». Les cicatrices hypertrophiques sont alors plus fréquentes. Par ailleurs, l’enfant grandit plus rapidement que sa cicatrice, qui est un tissu fibreux moins extensible. Ce décalage peut être responsable de l’apparition de brides rétractiles.

Les essais cliniques3 montrent que le miel permet une prévention des cicatrisations hypertrophiques avec une faible incidence de cicatrices chéloïdes et fibreuses. 

Encadre

1. Protocole de pansement au miel

1. Lavage de la plaie au sérum physiologique

La solution de sérum salé est l’agent de choix pour le nettoyage des plaies. 

En effet, la majorité des antiseptiques contenant des cations ou des anions peuvent entraver la guérison des lésions en détruisant les membranes cellulaires de la peau.

2. Application du miel

  • Le miel est ensuite appliqué sur la plaie en couches de 4 mm d’épaisseur, recouvert d’une interface ou de tulle gras puis de compresses stériles et de bandages.
  • Les pansements au miel permettent de créer un microclimat humide favorisant la cicatrisation. Le miel induit une attraction du liquide lymphatique du tissu sous-cutané vers la surface. Cet exsudat contient un grand nombre d’éléments nécessaires à la cicatrisation des plaies tels que des protéines, des électrolytes, des plaquettes, des macrophages et des leucocytes. Il est aussi riche en facteurs de croissance essentiels à la stimulation de la formation du tissu de granulation, de la réépithélialisation et de l’angiogenèse.

3. Évaluer régulièrement

Une évaluation médicale régulière est nécessaire, ni trop fréquente pour permettre à l’évolution de se dessiner, ni trop espacée pour régler les problèmes de cicatrisation. Les réfections de pansements sont indolores et la plaie ne dégage aucune odeur désagréable. À chaque visite, une progression doit être observée ; si ce n’est pas le cas, un interrogatoire minutieux du patient doit être entrepris avant de renouveler le pansement.

Encadre

2. Comment le miel agit-il ?

  • L’efficacité du miel est liée d’abord à ses propriétés physicochimiques,4 qui constituent un environnement défavorable aux bactéries : sa viscosité crée un effet barrière sur la plaie ; sa richesse en sucres lui confère une grande capacité d’absorption de l’eau, aboutissant à la déshydratation des agents pathogènes à son contact ; son pH acide (compris entre 3,2 et 4,5) limite également leur développement.
  • En outre, le miel contient des antiseptiques naturels :5 la défensine- 1 (protéine sécrétée par la jeune abeille ouvrière), les inhibines (enzymes provenant des sécrétions glandulaires) et le méthylglyoxal.
  • Enfin, le miel est un immunomodulateur :6 il induit la production de cytokines pro-inflammatoires et de métallopeptidase matricielle- 9 par les kératinocytes lorsque les médiateurs de l’inflammation sont insuffisants ; il les inhibe lorsque l’inflammation est trop importante.
Encadre

3. Limites de l’utilisation du miel pour les pansements 

Les pansements au miel ne sont pas efficaces dans toutes les situations et ont certaines limites.

Il existe ainsi des contre-indications à leur utilisation :

  • plaies artéritiques avec indice de pression systolique inférieur à 0,5 ;
  • plaies hémorragiques ;
  • brûlures au troisième degré ;
  • sensibilité au venin d’abeille, aux abeilles ou au miel ;
  • plaie de grande dimension chez un patient diabétique (risque de déséquilibre de la glycémie).
Références 
1. Bogdanov S. Honey Composition. Bee Product Science. 1er janvier 2016.
2. Vlcekova P, Krutakova B, Takac P, Kozanek M, Salus J, Majtan J; Alternative treatment of gluteofemoral fistulas using honey: a case report. Int Wound J 2012;9(1):100-3.
3. Goharshenasan P, Amini S, Atria A, et al. (). Topical Application of Honey on Surgical Wounds: A Randomized Clinical Trial. Forschende Komplementärmedizin / Research in Complementary Medicine 2016;23(1):12-5. 
4. Machado De-Melo AA, Almeida-Muradian LBD, Sancho MT, et al. Composition and properties of Apis mellifera honey: A review. J Apic Res 2018;57(1):5‐37.
5. Pieper B. Honey-based dressings and wound care: an option for care in the United States. J Wound Ostomy Continence Nurs 2009;36(1):60–6.
6. Tonks A. Honey stimulates inflammatory cytokine production from monocytes. Cytokine 2003;21(5):242-7.

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