Parmi les pathologies neurologiques touchant la femme en âge de procréer, l’épilepsie et la sclérose en plaques méritent une attention particulière en consultation de gynécologie. La planification de la grossesse est souvent nécessaire, notamment du fait de l’utilisation de traitements tératogènes. Il peut exister des restrictions d’utilisation de certaines méthodes contraceptives, en raison de la pathologie neurologique sous-jacente ou de l’interaction éventuelle avec un traitement de fond. La prévalence du méningiome cérébral est beaucoup plus rare, mais celui-ci représente la première tumeur non gliale du système nerveux central. Cette pathologie à prédominance féminine est hormonodépendante.

La gestion de la contraception chez ces patientes est ainsi un enjeu important dans leur prise en charge globale. Dans ce contexte, la collaboration entre neurologues, généralistes et gynécologues est primordiale.

Contraception et épilepsie 

L’épilepsie est une maladie regroupant un large spectre clinique. Il s’agit d’une pathologie neurologique fréquente, avec près de 700 000 personnes traitées en France. La prévalence chez les femmes en âge de procréer est légèrement supérieure à celle des hommes du même âge, autour de 5 à 10/1 000 entre 20 et 44 ans.1Il faut encourager l’utilisation d’une contraception chez ces patientes car certains médicaments contre l’épilepsie sont incompatibles avec la grossesse du fait de leur tératogénicité. De plus, la maladie peut être modifiée par la grossesse, avec un risque d’augmentation des crises.2 La contraception hormonale peut également être utilisée pour diminuer les crises en cas d’épilepsie cataméniale, qui pourrait affecter 40  % des femmes épileptiques.3

Certains médicaments utilisés dans le traitement de l’épilepsie ont une activité d’induction enzymatique au niveau du cytochrome P450 3A4. Ils augmentent le métabolisme hépatique de la contraception hormonale. Il en résulte une baisse de sa concentration et donc une diminution de son efficacité (tableau 1).

Toutes les contraceptions œstroprogestatives, quelle que soit leur voie d’administration, et les microprogestatifs par voie orale ou sous-cutanée (implant) sont contre-indiqués en cas d’utilisation concomitante avec un médicament antiépileptique inducteur enzymatique.

Dans ce contexte, il faut privilégier les contra­ceptions non hormonales en première intention  : dispositif intra-utérin (DIU) au cuivre ou contraception définitive en cas de projet parental accompli. Cependant, il semble que le DIU au lévonorgestrel soit toujours efficace avec l’utilisation conjointe d’un inducteur enzymatique du fait de son action essentiellement locale. L’effet des progestatifs injectables semble être peu diminué, et ceux-ci peuvent également constituer une alternative efficace.4

En cas de nécessité d’utiliser une contraception d’urgence, il faut privilégier la pose d’un DIU au cuivre ou discuter de doubler la dose de lévonorgestrel.5

Concernant les patientes ayant un traitement de fond antiépileptique non inducteur, toutes les contraceptions sont possibles mais il semble plus ­adapté de proposer des contraceptions de longue durée d’action pour diminuer le taux de grossesses non planifiées dans cette population.

Enfin, certaines contraceptions hormonales peu­vent exercer une influence sur les médicaments anti­épileptiques. C’est le cas de la contraception œstroprogestative, qui diminue le métabolisme de la lamo­trigine et augmente sa clairance par induction de la glucuronidation pouvant diminuer jusqu’à 50  % la concentration initiale de lamotrigine. Cela peut entraîner une recrudescence des crises. Concernant les contraceptions progestatives et la lamotrigine, il n’existe pas de données. Par mesure de précaution, il est conseillé de proposer en première intention une contraception non hormonale. En cas de nécessité d’utiliser une contraception hormonale, il faut privilégier une contraception hormonale type dispositif intra-­utérin (DIU), ou prendre l’avis du neurologue.6

Contraception et sclérose en plaques

La sclérose en plaques (SEP) est une maladie inflammatoire démyélinisante du système nerveux central, dont la prévalence en France se situe autour de 150 pour 100 000 habitants. Elle touche principalement l’adulte jeune, et plus particulièrement les femmes, avec un sex-ratio de trois femmes pour un homme atteint. Le pronostic de la SEP est variable selon la forme de la maladie.7 La prévalence augmentée de la SEP chez les femmes par rapport aux hommes laisse supposer qu’il existe un facteur de prédisposition hormonale à son développement.

Certaines études se sont intéressées à l’influence d’un traitement hormonal sur l’évolution des symptômes de la SEP. Les résultats de ces études sont très discutés et remis en cause par leur manque de puissance. Une méta-­analyse iranienne publiée en 2022 ne retrouve pas d’effet significatif de la contraception œstroprogestative sur le développement de la SEP.8 Il est important de signaler que certains traitements de fond de la SEP sont déconseillés pendant la grossesse (tableau 2).9 En France, le site du Centre de référence des agents tératogènes (CRAT) est une source très précieuse de renseignements (www.lecrat.fr). L’utilisation d’une contra­ception doit ainsi être largement encouragée chez les patientes atteintes de SEP. Il n’existe pas de contre-­indication spécifique d’une méthode contraceptive par rapport à une autre liée à la SEP. Les contre-indications doivent prendre en compte celles applicables à la population générale. Il faut favoriser l’utilisation d’une contraception si possible de longue durée d’action (DIU, implant ou contraception définitive) pour diminuer le taux de grossesses non planifiées qui, dans la littérature, peut atteindre de 15 à 32  % de cette population.10,11 Une vigilance particulière est nécessaire chez les patientes immobilisées à cause d’un handicap. En effet, l’utilisation d’une contraception œstroprogestative, quelle que soit la voie d’administration, n’est pas recommandée chez ces dernières, du fait du risque thromboembolique augmenté.12

Contraception et méningiomes

Le méningiome est la tumeur non gliale du système nerveux central la plus fréquente. Il s’agit d’une tumeur bénigne dans 90  % des cas mais pouvant entraîner des symptômes sévères selon sa taille ou sa localisation. Neuf personnes sur 100 000 sont à risque de développer un méningiome chaque année, avec un pic d’incidence autour de l’âge de 50 à 60 ans. L’âge, l’exposition aux radiations ionisantes dans l’enfance, la neurofibromatose de type 2 (NF2) et le genre féminin sont des facteurs de risque de méningiome. En effet, il existe un sex-ratio entre 1 :3 et 1 :2, avec une prédominance féminine. L’hormonodépendance des méningiomes est expliquée par la présence de récepteurs hormonaux dans les cellules tumorales, le plus souvent des récepteurs de la proge­stérone, présents dans 80  % des cas. Le taux de récepteurs de la progestérone est inversement corrélé au grade histologique de la tumeur.13,14 

L’effet de l’utilisation d’un traitement progestatif à fortes doses sur le risque de méningiome a été évalué. Il a ainsi été montré, à partir des données de l’Assurance maladie française, que l’utilisation de macroprogestatifs à visée antigonadotrope (acétate de cyprotérone, acétate de chlormadinone, acétate de nomégestrol, médrogestone ou acétate de médroxyprogestérone)pouvait augmenter le risque de développer un méningiome. Ce risque dépend du type de progestatif utilisé, de l’âge de la patiente et de la durée d’exposition.15 Le risque est multiplié par 12 à partir de cinq ans d’utilisation d’acétate de nomégestrol et par 7 à partir de trois ans et demi ans d’utilisation d’acétate de chlormadinone, avec un risque trois fois plus élevé chez les patientes âgées de 35 à 44 ans par rapport à celles de 25 à 34 ans.15,16 L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a donc récemment émis des restrictions d’utilisation des macroprogestatifs. Les traitements au long cours doivent être limités au minimum. En cas d’échec ou de contre-indication aux alternatives thérapeutiques antigonadotropes, ils peuvent être prescrits après avoir fourni à la patiente un document d’information ainsi qu’une attestation annuelle cosignée par le médecin et la patiente. La réalisation d’une imagerie par résonance magnétique (IRM) cérébrale est indiquée à tout moment en cas de signes évoquant un méningiome et après un an de traitement, puis à cinq ans de la première IRM et ensuite tous les deux ans si le traitement est poursuivi. L’IRM cérébrale est nécessaire à l’initiation du traitement en cas de facteurs de risque de méningiome (antécédent de radiothérapie encéphalique dans l’enfance ou NF2). Le traitement par macroprogestatif doit être le plus court possible et le rapport bénéfice/risque réévalué annuellement, avec une utilisation à la dose minimale efficace.17 

L’acétate de cyprotérone reste indiqué chez les patientes ayant un hirsutisme sévère avec retentissement majeur sur la qualité de vie. Une IRM cérébrale doit être réalisée chez toutes les patientes avant la première prescription.18

L’utilisation d’un DIU au lévonorgestrel, et plus largement en dehors des traitements contraceptifs, de la progestérone micronisée ou dydrogestérone n’a pas montré à ce jour de sur-risque de méningiome. Pour les autres progestatifs (diénogest, drospirénone et désogestrel), le risque de méningiome reste inconnu.19 Actuellement, il n’y a pas de preuve d’un sur-risque de méningiome avec l’utilisation d’une contraception œstroprogestative.20

Chez une patiente avec un méningiome avéré, toutes les contraceptions hormonales sont contre-indiquées quelles que soient les voies d’administration. Il faut privilégier les contraceptions non hormonales (DIU au cuivre ou contraception définitive si le projet parental est accompli).

En cas d’indication d’une contraception hormonale sans alternative possible chez une patiente avec antécédent de méningiome, son utilisation doit se discuter lors d’une réunion de concertation pluridisciplinaire dédiée. Elle pourrait être envisagée après avis multidisciplinaire, notamment en cas de méningiome opéré avec exérèse complète, sans récepteurs hormonaux sur la pièce tumorale.14

Conclusion  : prendre en compte la pathologie neurologique et ses traitements

Il est fréquent de recevoir en consultation de gynécologie des patientes atteintes de maladies neurologiques telles que l’épilepsie ou la sclérose en plaques. Il s’agit de pathologies chroniques pour lesquelles l’utilisation d’une contraception efficace est primordiale, afin de diminuer le taux de grossesses non planifiées chez des patientes avec des traitements de fond parfois tératogènes. Certains traitements de fond peuvent aussi inter­agir avec la contraception hormonale, rendant le choix contraceptif plus complexe.

Le méningiome est une pathologie beaucoup plus rare mais avec une prédominance féminine  ; son hormonodépendance est expliquée par l’expression très fréquente de récepteurs hormonaux sur les cellules tumorales. Ainsi, la présence d’un méningiome cérébral contre-indique l’utilisation de toute contraception hormonale et il faut alors privilégier l’utilisation d’un DIU au cuivre ou envisager une contraception définitive si le projet parental est accompli. En cas de nécessité de contraception hormonale, son utilisation doit être discutée en réunion de concertation pluridisciplinaire, en évaluant la balance bénéfice/risque pour chaque patiente. La collaboration entre le neurologue, le médecin traitant et le gynécologue est indispensable pour la prise en charge personnalisée de ces patientes.

Références
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3.  Maguire MJ, Nevitt SJ. Treatments for seizures in catamenial (menstrual-related) epilepsy. Cochrane Database Syst Rev 2021;9(9):CD013225.
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8.  Ghajarzadeh M, Mohammadi A, Shahraki Z, et al. Pregnancy history, oral contraceptive pills consumption (OCPs), and risk of multiple sclerosis: A systematic review and meta-analysis. Int J Prev Med 2022;13:89.
9.  Vukusic S, Carra-Dalliere C, Ciron J, et al. Pregnancy and multiple sclerosis: 2022 recommendations from the French multiple sclerosis society. Mult Scler J 2022;13524585221129472.
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11.  Smith AL, Cohen JA, Ontaneda D, et al. Pregnancy and multiple sclerosis: Risk of unplanned pregnancy and drug exposure in utero. Mult Scler J - Exp Transl Clin 2019;5(4):2055217319891744.
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13.  Wiemels J, Wrensch M, Claus EB. Epidemiology and etiology of meningioma. J Neurooncol 2010;99(3):307‑14.
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15.  Hoisnard L, Laanani M, Passeri T, et al. Risk of intracranial meningioma with three potent progestogens: A population‐based case–control study. Eur J Neurol 2022;29(9):2801‑9.
16.  Weill A, Nguyen P, Labidi M, et al. Use of high dose cyproterone acetate and risk of intracranial meningioma in women: Cohort study. BMJ 2021;372:n37.
17.  Dossier thématique. Situations pour lesquelles l’utilisation de Lutényl/Lutéran peut être envisagée ou non au regard du rapport bénéfice-risque, et conduite à tenir. Recommandations d’utilisation et de suivi. ANSM. Décembre 2021. https://urls.fr/Z-9NEA
18.  Androcur (acétate de cyprotérone) : les mesures prises depuis 2018 ont permis une nette réduction du risque de méningiome. ANSM. Décembre 2022. https://urls.fr/WCnRdc 
19.  Roland N, Neumann A, Hoisnard L, et al. Utilisation de progestatifs et risque de méningiome intracrânien : une étude cas-témoins à partir des données du Système national des données de santé (SNDS). J Epidemiol Popul Health 2024;72:202290.
20.  Yang X, Liu F, Zheng J, et al. Relationship between oral contraceptives and the risk of gliomas and meningiomas: A dose-response meta-analysis and systematic review. World Neurosurg 2021;147:e148‑62.

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Résumé

Parmi les pathologies neurologiques touchant la femme en âge de procréer, la présence d’une épilepsie, d’une sclérose en plaques ou d’un méningiome cérébral nécessite une attention particulière en consultation de gynécologie. L’initiation ou la poursuite d’une contraception chez les patientes atteintes d’une épilepsie doit tenir compte des interactions potentielles avec certains médicaments inducteurs enzymatiques pouvant être utilisés comme traitements de fond. Il n’existe pas de contre-indication spécifique d’une méthode contraceptive par rapport à une autre chez les femmes atteintes de sclérose en plaques  ; il s’agit néanmoins d’inciter à l’utilisation d’une méthode réversible de longue durée d’action pour diminuer le taux de grossesses non planifiées chez ces femmes. Enfin, l’existence d’un méningiome contre-indique formellement l’utilisation ou la poursuite d’une contraception hormonale.