Une étude détonante est parue dans le NEJM : pour la première fois, un bébé de 7 mois atteint d’une maladie génétique rare a reçu avec succès une thérapie portant sur la correction du génome (genome editing), conçue ad hoc en quelques mois après sa naissance.

Appelée k-abe, cette thérapie génique, qui fonctionne sur le principe de l’édition de base (ou base editing, soit le remplacement d’une base nucléotidique par une autre grâce au « ciseau moléculaire » CRISPR-Cas9), a été confectionnée en à peine 6 mois à partir du diagnostic de l’enfant, posé à sa naissance. Le principe de cette technique – dont les conceptrices ont reçu le prix Nobel de chimie en 2020 – est décrit ici : CRISPR/Cas9 : une rustine sur la double hélice ?

L’enfant en question était atteint de déficit en carbamoyl-phosphate synthétase 1 (CPS1D), une maladie génétique rare (1/1 300 000 naissances vivantes) causant une hyperammoniémie. Le nourrisson souffrait d’une forme sévère de l’affection, à début néonatal, associée à une mortalité de 50 % dans la petite enfance – sans compter le besoin d’une transplantation hépatique, d’un régime alimentaire et de traitements médicamenteux lourds, ainsi que les risques de dommages neurologiques permanents suite aux crises d’hyperammoniémie. Rapidement, les chercheurs ont identifié deux variants tronqués du gène CPS1 chez l’enfant, causés par deux mutations codant pour des codons stop. Ces mutations étaient différentes entre l’allèle paternel et l’allèle maternel. Les chercheurs ont développé une thérapie génique ciblant l’allèle paternel, qui était le plus tronqué des deux.

Malgré l’urgence à intervenir, les chercheurs ont réussi à respecter en 6 mois les étapes nécessaires à l’élaboration d’une thérapie génique ciblant cette mutation ponctuelle. Après avoir isolé une lignée cellulaire de l’enfant, ils ont généré un modèle de souris spécifique de la mutation paternelle, puis ils ont confectionné leur thérapie génique. Ils ont ensuite réalisé des tests toxicologiques sur la souris, puis sur des primates, avant de tester l’efficacité clinique de k-abe sur des cellules in vitro. Enfin, ils ont obtenu l’autorisation de la FDA américaine pour mener à bien une première injection de k-abe chez le patient âgé de 7 mois, suivie quelques semaines après d’une deuxième injection.

Adressée par des nanoparticules lipidiquesaux cellules du foie, la thérapie semble fonctionner : à l’issue d’un suivi de 7 semaines, certes court pour évaluer la sécurité et l’efficacité du traitement, les auteurs rapportent que le patient a pu recevoir un apport augmenté de protéines (sachant que les patients souffrant de cette maladie sont soumis à une diète stricte pauvre en protéines), et a pu recevoir une dose moitié moindre de médicaments diminuant la charge azotée, le tout sans effets indésirables « Des thérapies similaires à k-abe pourraient être développées pour des centaines de maladies innées du métabolisme hépatique », s’enthousiasment les auteurs.

Dans un éditorial associé à la publication, Peter Marks, oncologue et ancien directeur du Centre d’évaluation et de recherche sur les produits biologiques de la FDA, voit dans la méthode de ce travail l’ébauche d’une plateforme dédiée à développer rapidement des thérapies géniques individualisées. Malgré des résultats très préliminaires, le médecin américain souligne qu’une telle plateforme « simplifierait grandement le processus et le coût du développement de ces thérapies » – de quoi envisager la cure de maladies génétiques extrêmement rares, voire uniques.

Pour en savoir plus
Musunuru K, Grandinette SA, Wang X, et al. Patient-specific in vivo gene editing to treat a rare genetic disease.  N Engl J Med 15 mai 2025.
Marks P. Progress in the Development of N-of-1 Therapy.  N Engl J Med 15 mai 2025.
Miccio A, Munnich A. CRISPR/Cas9 : une rustine sur la double hélice ? Rev Prat 2020;70(10):1051-2.

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