Dermatites des baigneurs
Deux types de dermatite de baigneurs sont décrites.
En eau douce : la dermatite cercarienne, due à la pénétration transcutanée de formes larvaires de schistosomes d’oiseaux aquatiques (canards, cygnes, oies), Trichobilharzia ocellata, dont l’être humain est une impasse parasitaire. La contamination survient lors de baignades en eaux peu profondes, surtout dans les zones végétalisées. Les lésions apparaissent en quelques minutes à quelques heures après la baignade : éruption diffuse avec des maculopapules prurigineuses (fig. 1 et 2) qui évoluent en papules, vésicules, pustules ou bulles. Leur distribution est souvent symétrique et épargne les zones couvertes. Elles persistent de 7 à 15 jours et le prurit reste intense. Elle peut être prévenue par une douche prolongée et l’essuyage énergique dès la sortie de l’eau. La prise en charge est symptomatique : antihistaminiques et dermocorticoïdes ; un antiseptique local peut être utile pour éviter l’impétiginisation des lésions de grattage.
En mer, surtout tropicale : dermatite due à des « larves » de cnidaires (anémones, méduses, coraux…) invisibles et capables de passer à travers les tissus. Les toxines libérées par leurs nématocystes s’accumulent sous les zones couvertes du fait de la pression du maillot et induisent une réaction polymorphe mi-urticariforme mi-eczématiforme (fig. 3). En prévention : éviter la baignade dans des eaux tropicales troubles lors des périodes de « ponte » des cnidaires, porter un maillot deux-pièces, le rincer immédiatement après le bain. La résolution de la dermatite, spontanée en quelques semaines, peut être accélérée par l’application d’émollients, de dermocorticoïdes et la prise d’antihistaminiques.
Syndrome des pieds et mains brûlants
Ce syndrome est une infection cutanée due à Pseudomonas aeruginosa, bactérie à Gram négatif qui se développe dans les eaux chaudes, peu chlorées et à pH élevé ; elle est probablement facilitée par la nature abrasive des sols et des margelles de piscine. Cette bactérie peut être également responsable d’infections communautaires, le plus souvent bénignes : folliculites et surinfections de plaies, mais aussi otites externes, kératites (porteurs de lentilles de contact ++), etc.
Les enfants sont les plus touchés : dans cette population, la couche cornée de l’épiderme, plus fragile, est plus sensible à la pénétration de germes – et ce d’autant plus sur peaux lésées : dermatite sous-jacente, blessure, sudation, macération, occlusion.
Des lésions nodulaires multiples, douloureuses, plantaires le plus souvent, mais aussi palmaires (fig. 4), apparaissent 6 à 48 heures après l’exposition à des eaux contaminées. Les douleurs peuvent être trèsimportantes (sensation de brûlure intense), allant jusqu’à empêcher le port de chaussettes et de chaussures, voire le contact des draps de lit. Dans les cas les plus sévères, fébricule, nausées et malaise peuvent s’y associer.
Le diagnostic est clinique ; les examens complémentaires, inutiles. Parmi les diagnostics différentiels à écarter : hidradénite eccrine neutrophilique palmoplantaire, qui touche principalement les patients sous chimiothérapie ; panniculite suppurée à Pseudomonas aeruginosa (lésions nodulaires douloureuses aux membres inférieurs, mais épargnant les plantes) ; érythème noueux (épargnant les plantes aussi, prédominant sur la face antérieure des membres) ; urticaire aquagénique (mais les lésions ne sont pas limitées aux zones palmoplantaires, voir ci-après).
L’évolution est spontanément favorable, sans séquelle, en moins de 14 jours. L’antibiothérapie est donc inutile chez le sujet immunocompétent, mais elle peut se justifier en cas d’immunodépression. Pour soulager le patient : compresses froides, surélévation des jambes en cas de lésions plantaires, antalgiques de palier I.
Mycoses interdigitales
L’intertrigo inter-orteils – classique « pied d’athlète » – toucherait environ 3 % de la population générale, davantage les hommes que les femmes, avec un pic d’incidence entre 16 et 45 ans. Elle survient particulièrement chez les sportifs (d’où son appellation), mais aussi les personnes qui marchent pieds nus dans les lieux publicstels que piscines, campings, etc.
Cette mycose se caractérise par des lésions érythémateuses et prurigineuses dans les espaces interdigitaux (prédominant dans le 4e espace, fig. 5), entraînant desquamation et fissuration, avec tendance à la macération et extension aux autres espaces interdigitaux voire aux plantes des pieds et aux ongles.
En cause : des dermatophytes (par ordre de fréquence : Trichophyton rubrum et Trichophyton interdigitale, plus rarement Epidermophyton floccosum) ou levures (Candida albicans). Le diagnostic est confirmé par culture sur prélèvement interdigital.
Prise en charge : topique antifongique pendant 4 à 6 semaines. Si autres foyers : traiter de façon concomitante ; une atteinte plantaire peut nécessiter un traitement per os ; si onychomycose associée : vernis antifongique (voir l’interview-vidéo : « Onychomycoses : diagnostiquer et traiter efficacement »). Traiter aussi les chaussures avec une poudre antifongique 1 fois/mois, et les chaussettes en les lavant en machine à minimum 60 °C pendant 45 min.
Prévention : ne pas marcher pieds nus dans les centres sportifs, piscines, saunas, hammams, douches publiques, etc. ; bien se sécher les pieds ; préférer les chaussettes qui absorbent l’humidité (coton, laine, fibres de bambou…) ; changer de chaussures régulièrement pour éviter la macération.
Urticaire aquagénique
L’urticaire aquagénique est une forme très rare d’urticaire chronique de contact (< 1 % des cas), touchant le plus souvent les femmes. Cliniquement, elle se traduit par l’apparition de petites maculopapules érythémateuses, en général folliculaires, survenant dans les 5 à 20 minaprès le contact avec l’eau,quels que soient son degré de salinité et sa température.
Les lésions apparaissent le plus souvent sur le tronc et la partie supérieure des bras, épargnant généralement la paume des mains et la plante des pieds, et disparaissent généralement dans les 30 à 60 min suivant la fin du contact avec l’eau. D’autres symptômes peuvent être associés : prurit, sensation de brûlure ; les manifestations systémiques (dyspnée, bronchospasmes, céphalées) sont rares.
Sa physiopathologie n’est pas bien élucidée, mais elle se distingue de l’urticaire au froid ou au chaud, où le facteur en cause est la température et non pas l’eau. Attention : lors d’une baignade, l’urticaire au froid peut avoir des conséquences sévères, l’ensemble du tégument étant immergé dans de l’eau froide, ce qui peut entraîner angiœdèmes et anaphylaxie avec un risque de noyade.
Le traitement, difficile, repose principalement sur les antihistaminiques anticholinergiques (hydroxyzine, polaramine) mais surtout sur la prévention (limitation du contact avec l’eau).
Morand JJ. Dermatite du baigneur par contact avec des cnidaires. Rev Prat 1er mai 2024.
Delarue K. Mains en feu après water-polo ? Rev Prat (en ligne) 2 août 2022.
Leung AK, Barankin B, Lam J, et al. Tinea pedis: an updated review. Drugs Context 2023;12:2023-5-1.
Bertolotti A. Intertrigo des petits plis. Rev Prat 1er novembre 2024.
Schenckéry J, Martin Agudelo L, Nobile C. Onychomycoses : diagnostiquer et traiter efficacement. Rev Prat (en ligne) 9 janvier 2025.
Morand JJ. Dermatoses et envenimations marines. Rev Prat Med Gen 2018;32(1003);463-8.
Soria A. Urticaires aiguës et chroniques. Rev Prat Med Gen 2022;36(1070):379-86
Raison-Peyron N. Allergie à l’eau et au froid. Derm Prat 9 janvier 2017.