« Docteur, j’ai une allergie au soleil... » Derrière cette plainte fréquente se cache une multitude de dermatoses aux mécanismes et manifestations variés. Lucite, urticaire solaire, phototoxicité médicamenteuse, photoallergie, lupus… Comment les distinguer ? Quelle prise en charge ? On fait le point dans cette fiche pratique richement illustrée.

« Allergie au soleil » : lucite ou urticaire ?

Les lucites estivales bénignes et lucites polymorphes – connues par les patients comme les « allergies solaires » – sont des réactions de photosensibilité de mécanisme probablement immunologique. Regroupées sous le nom unique de « polymorphic light eruption » (PLE) dans la littérature anglophone, ces deux entités sont distinctes dans la nomenclature française (la seconde étant considérée une forme grave de la première). La PLE toucherait 10 % de la population générale, mais la prévalence est très variable selon les régions, augmentant à mesure que l’on s’éloigne de la ligne équatoriale. Elle affecte notamment les jeunes femmes (entre 20 et 40 ans) et les phototypes clairs.

La physiopathologie est mal connue, mais elle impliquerait une réaction d’hypersensibilité retardée, médiée par les lymphocytes T, à un antigène endogène exprimé après une exposition aux rayonnements ultraviolets et déclenchant une réaction inflammatoire. Les UVA seraient majoritairement responsables. 

Le tableau clinique est variable, mais le plus souvent caractérisé par un érythème papuloprurigineux apparaissant généralement quelques heures, voire quelques jours, après une première exposition au soleil, au printemps ou au début de l’été (fig. 1 à 3). L’éruption persiste pendant plusieurs jours à semaines. Si elle disparaît sans séquelles en l’absence de nouvelle exposition aux UV, elle cède aussi habituellement face à une exposition progressive – en effet, cette dernière diminue la sensibilité aux UV (un processus appelé « durcissement »).

L’éviction au maximum de l’exposition au soleil et une photoprotection stricte (vêtements couvrants, chapeau, écrans solaires à large spectre – protégeant aussi contre les UVA – sur les zones découvertes, réappliqués toutes les 2 h) sont de mise. Ces mesures permettent aussi de diminuer la durée des traitements (dermocorticoïdes et antihistaminiques). En prophylaxie, la puvathérapie peut réduire la sensibilité aux UV et ainsi diminuer les lésions cutanées, à raison d’une douzaine de séances dans les semaines précédant l’exposition solaire. La chloroquine ou l’hydroxychloroquine sont aussi utilisées en prophylaxie, mais leur efficacité est modeste et elles ne dispensent pas de la protection solaire. Des antioxydants comme les caroténoïdes et le nicotinamide ont été évalués dans quelques études, mais les données sont insuffisantes pour conclure.

Il ne faut pas la confondre la lucite estivale avec l’urticaire solaire , plus rare (réaction d’hypersensibilité immédiate, probablement IgE-médiée), dont les lésions apparaissent quelques minutes après l’exposition et disparaissent rapidement après son arrêt, en général dans la journée. Le traitement repose sur des antihistaminiques. C’est une affection chronique, mais la résolution spontanée est possible (environ 15 % des cas).

Phototoxicité médicamenteuse

Par ses propriétés photochimiques, un médicament peut déclencher, sous l’effet des rayons UV, voire de la lumière visible, un érythème douloureux (coup de soleil, bulles) [fig. 4 et 5). Celui-ci survient en quelques minutes ou heures après l’exposition, exclusivement sur les zones photoexposées.

Cette réaction peut survenir chez tout sujet exposé à un médicament phototoxique et au soleil, puisqu’il s’agit d’une réaction photochimique et non allergique. Sont incriminés le plus souvent : AINS, griséofulvine, chloroquine, sulfamides, tétracyclines, voriconazole, amiodarone, furosémide, diurétiques thiazidiques, psoralènes. Parmi les traitements locaux : 5 -fluoro-uracile, rétinoïdes (voir la liste des médicaments sur le site de l’ANSM).

L’intensité de l’exposition solaire, la dose du médicament administrée et le phototype du patient déterminent son ampleur (les phototypes clairs sont plus à risque).

L’éruption disparaît progressivement à l’arrêt du médicament et/ou de l’exposition solaire. Une hyperpigmentation peut néanmoins persister plusieurs mois.

La prise en charge repose sur l’arrêt du médicament en cause. Si cela est impossible, une éviction solaire ou des mesures de photoprotection sont indispensables. Les lésions peuvent être traitées par l’application d’un émollient et d’une corticothérapie locale.

Photoallergie « de contact »

Beaucoup plus rare que la phototoxicité, la photoallergie est une hypersensibilité de type IV (retardée), dont la physiopathologie ressemble à celle des allergies de contact. Elle est le plus souvent liée à desmédicaments topiques (AINS tels que diclofénac ou kétoprofène), mais aussi d’autres substances : parfums, désinfectants cutanés, huiles essentielles, certains filtres UV des produits de protection solaire. L’absorption des rayons UV entraîne une liaison covalente de la substance en cause avec une protéine porteuse endogène, formant ainsi un « photoantigène ».

L’apparition des lésions cutanées nécessite une période de sensibilisation allant de 5 à 21 jours. Ensuite, toute réexposition solaire et à la substance, même avec des doses minimes d’UV, provoque un nouvel épisode de réaction photoallergique 24 à 48 heures après la réexposition.

Un patient sensibilisé à un allergène topique peut aussi avoir par la suite une réaction photoallergique en cas de prise systémique de cet allergène. Des photoallergies croisées sont aussi documentées, par exemple entre le kétoprofène topique et des substances chimiquement proches (fénofibrate, acide tiaprofénique…).

Le tableau clinique est une éruption cutanée à type d’eczéma ou d’urticaire, qui touche les zones photoexposées mais peut aussi atteindre les zones couvertes. Elle se caractérise par un schéma « crescendo » typique des hypersensibilités de type IV : son ampleur augmente pour atteindre un pic environ 48 à 72 heures après l’apparition des symptômes, contrairement aux réactions phototoxiques, plus immédiates et suivies d’un « decrescendo ».

La réaction disparaît lentement (en plusieurs semaines) à l’arrêt du médicament, mais peut parfois persister. La complication la plus fréquente est l’impétigo (fig. 6) ; une surinfection par le virus de l’herpès (syndrome de Kaposi-Juliusberg) est également possible.

Outre la photoprotection et l’éviction (si possible) du médicament, les réactions photoallergiques peuvent être traitées comme les dermatites de contact allergiques (dermocorticoïdes et émollients). Si surinfection : antibiotique topique (mupirocine) ou per os (forme grave ou étendue).

Photophytodermatoses

Il s’agit de réactions phototoxiques – et non allergiques  provoquées par la réunion de trois facteurs :

  • un contact avec des plantes qui synthétisent des substances photoréactives appelées furanocoumarines ; les plus souvent incriminées appartiennent aux familles des Apiacées, Rutacées et Moracées (berce commune, panais, figuier, persil, céleri, agrumes…) ;
  • une exposition solaire concomitante ;
  • l’humidité, qu’elle soit corporelle (transpiration) ou externe (pluie, rosée, baignade), facilite leur survenue en favorisant la pénétration cutanée des furanocoumarines.

Tableau clinique : lésions érythémateuses et/ou vésiculobulleuses avec sensation de brûlure, sur les zones photoexposées, survenant brutalement moins de 24 h après le contact avec la plante (fig. 7, 8, 9 et 10). Leur évolution est pigmentogène, pouvant persister plusieurs mois.

Il n’y a pas de traitement pour réduire les lésions ou accélérer leur résolution, mais l’antisepsie des lésions bulleuses ouvertes est recommandée ; un antalgique peut être prescrit si besoin. Identifier la plante coupable permet d’éviter la récidive (v. le site botaderma.com).

En prévention : reporter certaines activités à la fin de journée (débroussaillage, désherbage, collecte des plantes à risque…) ; éviter de préparer au soleil des plats ou boissons contenant des agrumes – une pratique qui peut engendrer les classiques « lime dermatitis » , aussi appelées « margarita dermatitis ».

Dermatoses avec photosensibilité ou aggravées par le soleil

Ces réactions de photosensibilité – idiopathiques ou induites par des agents externes – ne sont pas les seules causes de symptômes cutanés liés au soleil. En effet, la présence de ces derniers doit aussi faire évoquer les diagnostics différentiels que sont les dermatoses photoexacerbées, notamment :

  • lupus cutané  : dans cette dermatose auto-immune photosensible, l’atteinte des zones photoexposées autres que le visage (tronc, bras, mains) est courante, notamment dans les formes aiguës et subaiguës ;
  • dermatomyosite  : pathologie auto-immune rare et hétérogène, caractérisée par une atteinte inflammatoire cutanée et musculaires associée à une vasculopathie ; l’atteinte cutanée sur les zones photoexposées est généralement inaugurale : rash héliotrope périorbitaire et des papules de Gottron, un érythème violacé des zones photosensibles, poïkilodermie ;
  • porphyrie cutanée tardive  : des lésions bulleuses cutanées sur les zones photoexposées sont parmi les principaux symptômes de cette maladie hépatique rare à expression cutanée. La présence de lésions cutanées d’âge variable est très caractéristique ;
  • d’autres dermatoses, comme la rosacée et le mélasma, peuvent être déclenchées ou aggravées par l’exposition solaire.

Pour en savoir plus
Oaley AM, Ramsey ML. Polymorphic Light Eruption.  StatPearls 8 août 2023.
Burfield L, Rutter KJ, Thompson B, et al. Systematic review of the prevalence and incidence of the photodermatoses with meta-analysis of the prevalence of polymorphic light eruption. J Eur Acad Dermatol Venereol 2023;37(3):511-20.
Lucite estivale forme papuleuse.  Rev Prat 2024;38(1085);153
Jacquemet M, Lourde C. Lucite polymorphe.  Rev Prat Med Gen 2024;38(1085);153.
Frances P, Quiterio de Carvalho C, Lopez C, et al. Lucite estivale bénigne.  Rev Prat Med Gen 2019;33(1022);424.
CBIP. Hydroxychloroquine pour le traitement préventif des lucites.  Décembre 1999.
Harris BW, Crane JS, Schlessnger J. Solar urticaria.  StatPearls 28 juin 2023.
Orphanet. Solar urticaria.  Février 2020.
Martin Agudelo L. Médicaments et soleil : phototoxicité ou photoallergie ?  Rev Prat (en ligne) 27 juillet 2023.
ANSM. Principales familles de médicaments qui sensibilisent la peau au soleil.
Martin Agudelo L. Plantes : gare à la toxicité digestive, mais aussi cutanée.  Rev Prat (en ligne) 17 août 2023.
Quéquet C. Réactions aux agrumes : allergie ou phytophotodermatose ?  Rev Prat (en ligne) 29 avril 2025.
Mahévas T, Chasset F. Lupus cutané.  Rev Prat Med Gen 2022;36(1066);183-8.
Orphanet. Dermatomyosite.  Février 2021.
Orphanet. Porphyrie cutanée tardive.  Mars 2024.
Catano J, Jamart C, Gatfossé M, et al. Dermatomyosite à anticorps anti-MDA5.  Rev Prat 2019;69(5);525.
Frances P. Porphyrie cutanée tardive.  Rev Prat Med Gen 2020;34(1049);748.

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