La Société francophone du diabète (SFD) vient d’actualiser sa prise de position sur les stratégies d’utilisation des traitements de l’hyperglycémie dans le diabète de type 2. Elle contient plusieurs nouveautés : évaluation du risque cardiovasculaire, stratégie médicamenteuse, déprescription, mesure du glucose en continu…

Signe des changements rapides et majeurs qui secouent la diabétologie, la Société francophone du diabète (SFD) a publié ce 13 novembre 2025 une nouvelle prise de position détaillée concernant les traitements du diabète de type 2 (DT2), moins de 2 ans après la sortie de sa précédente version. Tour d’horizon des nouveautés utiles aux MG.

Évaluation du risque CV : indispensable !

Alors que le précédent texte décrivait le risque cardiovasculaire (CV) élevé ou très élevé comme une « association de plusieurs facteurs de risque traditionnels » sans les définir, une partie des recos est pour la première fois dédiée à l’évaluation claire du risque CV dans le DT2.

Si cette dernière est essentielle pour orienter la prescription, il n’y a pas de consensus sur le meilleur score de risque (hors comorbidités indiquant d’emblée un risque CV très élevé).

En se fondant sur diverses recos de sociétés savantes françaises et internationales, les experts proposent de :

  • considérer à risque très élevé les patients avec : maladie athéromateuse avérée, insuffisance cardiaque ou atteinte sévère des organes cibles (DFG < 45 mL/min/1,73 m² ; RAC > 300 mg/g ; DFG entre 45 - 59 mL/min/1,73 m² et RAC = 30 - 300 mg/g ; rétinopathie ou neuropathie et RAC = 30 - 300 mg/g) ;
  • considérer à risque CV élevé les ≥ 55 ans avec au moins deux facteurs de risque parmi HTA, dyslipidémie, tabac, obésité et albuminurie ;
  • dans les autres cas parmi les 40 - 69 ans, estimer le risque CV à 10 ans avec SCORE2 -Diabetes (disponible sur l’app suivante), une déclinaison de l’échelle SCORE2 de l’ESC. Selon le résultat, le risque est considéré comme faible (< 5 %), modéré (5 - 9,9 %), élevé (10 - 19,9 %) ou très élevé (≥ 20 %) ;
  • dans les autres cas ≥ 70 ans, l’échelle SCORE2 -OP permet d’évaluer le risque CV, mais elle n’est pas validée spécifiquement dans le DT2.
 

En cas de risque CV élevé, Les auteurs recommandent de réaliser un score calcique afin de reclassifier le risque selon le résultat.

Une stratégie thérapeutique revisitée

Pour choisir le bon traitement au bon moment, un tableau récapitule les risques, les EI et l’efficacité (sur l’HbA1c) des différentes classes de molécules. Par rapport à sa version de 2023, il contient notamment de nouvelles données de sécurité et de bénéfices sur les aGLP- 1.

Si les recos restent globalement similaires à celles de la HAS (2024) et du précédent document de la SFD (2023), plusieurs différences apparaissent selon les cas de figure : âge du patient, comorbidités, échec avec la metformine (MET) seule ou en bi/trithérapie, etc.

Au moment du diagnostic (< 75 ans)

Comme la HAS, la SFD recommande en 1re intention des modifications du mode de vie (changement des habitudes alimentaires, lutte contre la sédentarité, activité physique adaptée, maintien d’une bonne qualité de sommeil, etc.).

L’effet de ces mesures doit être évalué au bout de 3 - 6 mois. Si l’HbA1c reste > à l’objectif fixé (précisé suivant les caractéristiques du patient dans le tableau 1), il faut envisager, en l’absence de comorbidités, un traitement par MET à doses progressives jusqu’à la dose maximale tolérée*, fractionnée en 2 ou 3 prises au cours ou à la fin du repas – sauf CI ou intolérance digestive avérée. Dans ce dernier cas, on peut prescrire en 1re intention un inhibiteur de la DPP4 (iDPP4) ou un inhibiteur de SGLT2 (iSGLT2) ou un analogue du GLP- 1 (aGLP- 1).

Le traitement par MET peut être proposé d’emblée si le médecin estime avec le patient que les modifications thérapeutiques du mode de vie ne suffiront pas pour atteindre l’objectif d’HbA1c.

En cas de comorbidités au diagnostic

La stratégie d’emblée varie en présence de certaines comorbidités, comme précisé dans le tableau 2.

En particulier, chez les patients à risque CV élevé ou très élevé, une bithérapie associant MET et un iSGLT2 ou un aGLP- 1 est proposée d’emblée, en plus des modifications thérapeutiques du mode de vie.

Dans la MRC (DFG estimé < 60 mL/min/1,73 m² pendant plus de 3 mois et/ou présence d’un rapport albuminurie/créatininurie ≥ 30 mg/g ou 3 mg/mmol), on peut prescrire d’emblée une bithérapie associant MET et iSGLT2, et en cas de CI aux iSGLT2 une bithérapie MET + sémaglutide. Un tableau des recommandations détaille les médicaments permis selon le niveau d’insuffisance rénale chronique (IRC) des patients et s’il faut ou non réduire leur posologie.

En cas d’insuffisance cardiaque : bithérapie MET/iSGLT2, et en cas de CI ou mauvaise tolérance des iSGLT2, MET/aGLP- 1 (toutefois, la MET doit être évitée en cas d’insuffisance cardiaque instable et/ou nécessitant une hospitalisation).

Chez les patients en obésité (IMC ≥ 30) et/ou ayant une stéatose hépatique métabolique : bithérapie MET/aGLP- 1 (ou MET/iSGLT2 si CI aux aGLP- 1), toujours en association aux modifications thérapeutiques du mode de vie.

De plus, en cas de déséquilibre glycémique important au diagnostic (HbA1c ≥ 8,5 %, ou 69 mmol/mol), on pourra proposer d’emblée une bithérapie incluant la MET (sauf si CI) et prescrire une autosurveillance glycémique (ASG) à visée d’éducation thérapeutique (mesure capillaire ou par capteur en continu). Si le déséquilibre glycémique est majeur (HbA1c ≥ 10 %, ou 86 mmol/mol), l’avis d’un endocrinologue-diabétologue est souhaitable.

Populations particulières

Pour les femmes enceintes, en cas de grossesse non programmée, il faut maintenir la MET uniquement, puis placer la patiente sous insuline le plus vite possible. En cas de grossesse programmée, il faut interrompre dès la période pré-conceptionnelle les éventuels traitements anti-hyperglycémiants en route et susceptibles d’exercer une toxicité fœtale (SU, glinides, iDPP4, iSGLT2, aGLP- 1), avant de mettre la patiente sous insuline.

Chez les personnes âgées, la stratégie dépend du niveau d’autonomie et de l’état général (cf. tableau 2).

Réévaluation du traitement

L’efficacité et la tolérance de tout médicament de l’hyperglycémie devront être réévaluées, via un dosage de l’HbA1c, 3 - 6 mois après introduction – voire avant en cas de signes cliniques liés à l’hyperglycémie, d’épisodes d’hypoglycémie, de survenue d’une complication ou d’une intolérance au traitement.

Les experts insistent sur le fait de porter une attention particulière à l’adhésion du patient et de lutter contre toute inertie médicale.

Pour tous les patients, les sulfamides hypoglycémiants et les glinides seront arrêtés si la baisse d’HbA1c est < à 0,5 % et que l’HbA1c reste > à l’objectif 3 - 6 mois après initiation.

Chez les personnes indemnes de maladie athéromateuse avérée, d’insuffisance cardiaque ou de MRC comme chez ceux ayant un risque CV modéré, les iDPP4, iSGLT2 et aGLP- 1 doivent être arrêtés si la baisse d’HbA1c est < à 0,5 % et que l’HbA1c reste > à l’objectif 3 - 6 mois après initiation.

En revanche, chez les patients ayant un risque CV élevé/très élevé et/ou une maladie athéromateuse avérée, une insuffisance cardiaque ou une MRC, les iSGLT2 et aGLP- 1 ayant un bénéfice démontré CV/rénal doivent être poursuivis quelle que soit l’HbA1c. De même, chez les patients en obésité ou ayant une MASLD/MASH, il est conseillé de poursuivre les aGLP- 1 quelle que soit l’HbA1c s’il y a une perte de poids satisfaisante (> 5 %).

En cas d’échec à atteindre la cible, les stratégies de 2e et 3e intentions sont listées dans le tableau 2, tandis que le tableau 3 synthétise la démarche à suivre lorsque l’échec persiste en biothérapie, voire en trithérapie orale.

Déprescription

Autre nouveauté importante, l’apparition d’une section consacrée à la déprescription. L’objectif ? Limiter la polymédication, qui concerne plus de la moitié des 65 ans et plus en France, exposant à des risques importants : défaut d’observance, de sécurité des prises, interactions médicamenteuses…

Chez les plus de 65 ans avec au moins 5 principes actifsprescrits pour 6 mois ou plus, le pharmacien pourra proposer une analyse du rapport bénéfices/risques dans le cadre d’un bilan partagé de médication se déroulant sous forme d’entretiens, à l’officine, dans un espace de confidentialité.

La déprescription doit systématiquement être proposée devant la survenue d’EI invalidants : hypoglycémies avec les SU, les glinides ou l’insuline ; infections génitales récidivantes ou malaises hypovolémiques avec les iSGLT2 ; troubles digestifs sévères avec la metformine ou les aGLP- 1. Elle peut aussi être envisagée lorsque la cible d’HbA1c (cf. tableau 1) mérite d’être relevée au regard de l’évolution de la situation clinique (passage d’un état fragile à dépendant par exemple).

La déprescription doit être conduite en coordination avec l’ensemble des professionnels de santé autour du patient et en respectant les souhaits de ce dernier comme de ses proches.

Autosurveillance et mesure continue du glucose

Enfin, les experts français renforcent la place de l’autosurveillance glycémique (ASG), qu’ils considèrent « très souhaitable » en cas de traitement par sulfamides hypoglycémiants ou glinides, et comme indispensable en cas de traitement par insuline, chez les femmes enceintes ou envisageant de l’être, et lorsque les valeurs de HbA1c sont difficilement interprétables (anémie, hémoglobinopathies, hémolyse chronique, IRC sévère ou terminale, cirrhose, etc.). L’ASG est réalisée par mesure capillaire ponctuelle, ou par la mesure en continu du glucose interstitiel grâce à un capteur sous-cutané associé à un lecteur dédié ou un smartphone.

Chez un patient non traité par insuline, la pose temporaire d’un dispositif de mesure en continu du glucose – 10 ou 15 jours – peut être utile dans une démarche d’éducation pour évaluer l’effet des modifications du mode de vie, ajuster les anti-hyperglycémiants et/ou dépister d’éventuelles hypoglycémies (non remboursée en octobre 2025 en France). La mesure continue peut aussi être utile à des personnes âgées en Ehpad pour repérer d’éventuelles hypoglycémies nocturnes.

Chez les patients traités par insuline, le recours à la mesure continue est plébiscité ; les données de ces dispositifs fournissent des index qui viennent compléter l’HbA1c comme marqueurs du contrôle glycémique, tels que le temps passé dans la cible 0,70 - 1,80 g/L (Time in Range, TIR), le temps passé en hypoglycémie (Time Below Range [TBR]) ou en hyperglycémie (Time Above Range [TAR]). Un référentiel paru en avril 2025 dans la revue de la SFD détaille le bon usage et la population concernée par la mesure en continu du glucose.

* Idéalement 2 à 3 g par jour, en sachant que la dose de 3 g par jour n’apporte que peu de bénéfice supplémentaire par rapport à celle de 2 g/j pour un plus haut risque d’effets indésirables digestifs.

Dans cet article

Ce contenu est exclusivement réservé aux abonnés

Une question, un commentaire ?