L’échographie est de plus en plus présente au cabinet de ville, son utilisation comme outil diagnostique et thérapeutique a connu un véritable essor ces dernières années. Plusieurs facteurs ont contribué au développement de l’utilisation de l’échographie en rhumatologie : introduction de l’échographie dans le cursus obligatoire des rhumatologues depuis la réforme du troisième cycle, avancées technologiques qui ont permis d’améliorer la qualité des images, de miniaturiser les appareils et de réduire leur coût. Ainsi, tous les rhumatologues et nombre de médecins généralistes ont maintenant accès à cette technique d’imagerie au quotidien. 

Cependant, certaines limites importantes existent, et l’intérêt de cet examen au quotidien doit être discuté en tenant compte du contexte clinique, des compétences requises pour l’interprétation des résultats et des implications en matière de coûts et de bénéfices pour le patient. Il est également nécessaire de définir clairement les situations dans lesquelles l’échographie est réellement utile afin d’éviter une utilisation excessive ou inappropriée.

Échoscopie ou échographie classique : quelles différences ?

L’échoscopie diffère de l’échographie classique à plusieurs égards (tableau).

L’échographie classique est généralement un examen complet réalisé en suivant un protocole standardisé qui permet une évaluation exhaustive des structures anatomiques d’une région donnée. Elle est souvent réalisée par un échographiste spécialisé et elle nécessite du temps ainsi qu’une interprétation rigoureuse des images obtenues.

L’échoscopie, également appelée « échographie clinique » (ou point of care ultrasound [PoCUS] dans la littérature anglo-saxonne),1 est intégrée directement à l’examen clinique, au moment même de l'évaluation du patient. Elle se concentre sur des questions spécifiques : son objectif est de fournir une réponse rapide à une question clinique précise, ce qui en fait un outil pratique pour une prise de décision immédiate. Cette technique consiste à utiliser un échographe – généralement portable – directement au chevet du patient, comme une extension de l’examen clinique. Elle est souvent limitée à quelques vues ciblées afin de répondre à une question clinique précise. Elle peut être réalisée à l’aide d’appareils parfois connectés à des smartphones ou tablettes, rendant cette technologie facilement accessible au quotidien. Elle permet de confirmer ou d’infirmer rapidement une hypothèse diagnostique, de rechercher un épanchement articulaire, de détecter une rupture tendineuse ou une luxation et même d’aider au guidage de gestes thérapeutiques tels que les infiltrations. L’échoscopie devient ainsi un outil complémentaire de l’examen physique, améliorant la prise de décision en temps réel, tout en limitant le recours à des examens plus complexes lorsque cela n’est pas nécessaire.

Ce type d’examen peut néanmoins avoir des limites, avec notamment le risque de réaliser un examen trop rapide ou de se laisser influencer par ses hypothèses diagnostiques dans l’interprétation des images par un biais de confirmation.

Indications de l’échographie en rhumatologie

Que ce soit en échoscopie ou par un examen systématique, l’échographie permet une évaluation en temps réel des structures molles (tendons, ligaments, muscles et bourses) ainsi que des articulations périphériques. Elle est donc utile dans de nombreuses pathologies en rhumatologie.

Tendinopathies et bursites

L’échographie permet d’identifier des signes de tendinopathie, des calcifications ou des ruptures partielles ou complètes des tendons, notamment au niveau de l’épaule (tendons de la coiffe des rotateurs) [fig. 1]. Elle permet également de détecter des bursites pouvant être la cible d’infiltrations sous échographie. 

Cependant, il est important de noter la mauvaise corrélation radioclinique de ces anomalies, avec une fréquence importante de lésions asymptomatiques sur les examens échographiques, notamment de l’épaule. Dans une série de 51 patients asymptomatiques, des anomalies ont ainsi été mises en évidence chez 96 % des sujets ;2 les plus fréquentes étaient un épaississement de la bourse sous-acromiale sous-deltoïdienne, l’arthrose de l’articulation acromio-claviculaire et la tendinopathie du supra-épineux.

Ceci montre bien que les résultats échographiques doivent être interprétés en lien étroit avec les constatations cliniques afin que leur valeur diagnostique soit pertinente.

Épanchements articulaires et rhumatismes inflammatoires

L’échographie permet de détecter des épanchements articulaires parfois difficiles à mettre en évidence cliniquement. Elle est particulièrement utile pour évaluer des articulations profondes, comme la hanche ou l’épaule, pour lesquelles la palpation est limitée (fig. 2). Elle peut aussi guider la ponction. En évaluant la synoviale, la vascularisation synoviale et la présence d’épanchement intra-articulaire, l’échographie est aussi un outil de choix pour le diagnostic précoce des arthrites inflammatoires, en particulier la polyarthrite rhumatoïde. Elle permet de visualiser l’inflammation synoviale et d’identifier des signes d’activité inflammatoire, tels que l’hypervascularisation, qui sont des indicateurs importants pour évaluer l’évolution de la maladie et l’efficacité des traitements. L’échographie constitue ainsi une aide précieuse pour le diagnostic et pour l’évaluation des rhumatismes inflammatoires.3 

Syndrome du canal carpien

Une autre application de l’échographie en rhumatologie concerne le diagnostic du syndrome du canal carpien. Elle permet de visualiser directement l’épaississement du nerf médian via l’augmentation de sa surface (fig. 3). La surface transversale du nerf médian doit être mesurée au site de son plus grand élargissement, et l’évaluation doit être faite du milieu de l’avant-bras jusqu’à la paume. La présence d’éventuelles anomalies anatomiques causales, comme des kystes ou des hypertrophies des tendons fléchisseurs, peut être recherchée mais est rarement observée.

L’échographie ne remplace pas l’électromyogramme (EMG) et apporte plutôt des renseignements complémentaires. Un consensus d’experts a récemment recommandé d’associer l’échographie à l’EMG car la combinaison de ces deux examens est plus informative que leur utilisation isolée. L’échographie est particulièrement utile dans les cas où les résultats de l’EMG sont atypiques, normaux, ou en cas de récidive après chirurgie.4 

Infiltrations

La dernière application de l’échographie en cabinet de ville concerne les gestes « infiltratifs ». Auparavant, la plupart des injections intra- ou péri-articulaires étaient réalisées en repérage anatomique, fondées sur des repères palpables et l’expérience du praticien. Depuis l’avènement de l’échographie, elles sont maintenant majoritairement faites sous contrôle échographique, permettant une visualisation en temps réel de l’aiguille et des structures environnantes. Le guidage augmente la précision des gestes et améliore leur tolérance.5 Cependant, les preuves concernant l’amélioration de leur efficacité restent controversées, avec des études contradictoires et des résultats dépendant de la localisation de l’infiltration et des pathologies sous-jacentes.6 Il est clairement établi que le guidage est indispensable pour les articulations profondes telles que la hanche, ou lorsque des produits doivent être précisément localisés en intra-articulaire, tels que l’hexacétonide de triamcinolone. De plus, l’échographie permet de vérifier a posteriori la bonne localisation du produit injecté.

Limites de l’échographie en rhumatologie

Malgré ses nombreux avantages, l’échographie a certaines limites. Elle est opérateur-dépendante, la qualité de l’examen dépendant de l’expérience et de la qualité de formation de l’échographiste.

Des limites d’abord diagnostiques

L’échographie n’est pas toujours adaptée pour évaluer des structures profondes ou certaines articulations, comme la hanche, pour laquelle l’IRM reste l’examen de référence. Par ailleurs, l’échographie n’est pas adaptée à l’évaluation des structures osseuses car elle ne permet pas une visualisation directe de l’os. La radiographie standard reste ainsi nécessaire dans le bilan morphologique de première intention devant toute douleur articulaire. 

Ces limites sont partagées par l’échographie diagnostique complète et l’échoscopie.

Quid de la formation de l’opérateur ?

D’autres limites concernent plus spécifiquement l’échoscopie ou échographie clinique. Avec l’expansion de cette pratique à toutes les spécialités – dont la médecine générale –, de nombreuses questions se posent concernant la formation, l’évaluation et la reconnaissance de ce type d’examen. L’échographie reste un examen complexe nécessitant non seulement des compétences pour obtenir les images mais également des connaissances pour les interpréter et les intégrer dans le contexte clinique.7 

Plusieurs programmes de formation sont disponibles dont certains exclusivement en ligne ; certaines universités ont développé des programmes spécifiques avec une grande variabilité de contenu. Le risque, si la formation est inadéquate, est que des cliniciens sans expertise suffisante en échographie commettent des erreurs diagnostiques, ce qui pourrait augmenter le recours à d’autres examens d’imagerie.

Cotation de l’acte 

Le dernier point concerne l’aspect financier. Actuellement, il n’existe pas de cotation spécifique ni de remboursement prévu pour ce type d’échographie au chevet du patient. La plupart du temps, aucun rapport détaillé n’est réalisé, et si l’on considère l’échoscopie comme une partie de l’examen clinique, le stockage des images n’est pas nécessaire, tout comme il n’est pas nécessaire de conserver des photographies d’un gonflement articulaire. Aucune valorisation financière spécifique de cette pratique ne pouvant être envisagée à ce jour, il pourrait être nécessaire de démontrer que l’échographie clinique améliore la prise en charge des patients pour justifier un futur remboursement. 

Encadre

Que dire à vos patients ? 

L’échographie est un examen simple, rapide et non invasif qui permet d’évaluer de nombreuses structures articulaires et tendineuses. Elle permet d’aider au diagnostic des tendinites, épanchements articulaires ou syndrome du canal carpien.

Elle est réalisée directement au cabinet, souvent au moment même de la consultation, et aide à poser un diagnostic plus précis.

Elle permet également de guider certains gestes, comme les infiltrations, en assurant une meilleure précision.

Il est important de savoir que, comme pour d’autres examens médicaux, les résultats de l’échographie doivent être interprétés dans le contexte de vos symptômes. Certaines anomalies peuvent être détectées sans être nécessairement responsables de vos douleurs.

L’objectif est d’utiliser l’échographie pour comprendre au mieux votre situation et ajuster le traitement en conséquence.

Références 
1. Patel MD, Horrow MM, Kamaya A, et al. Mapping the Ultrasound Landscape to Define Point-of-Care Ultrasound and Diagnostic Ultrasound: A Proposal From the Society of Radiologists in Ultrasound and ACR Commission on Ultrasound. J Am Coll Radiol 2021;18(1 Pt A):42‑52. 
2. Girish G, Lobo LG, Jacobson JA, et al. Ultrasound of the shoulder: Asymptomatic findings in men. AJR Am J Roentgenol 2011;197(4):W713-719. 
3. Mouterde G, Gandjbakhch F, Le Goff B, et al. Recommendations for the pragmatic use of ultrasound in rheumatoid arthritis by the GEISPER French group. Joint Bone Spine 2021;88(4):105187. 
4. Pelosi L, Arányi Z, Beekman R, et al. Expert consensus on the combined investigation of carpal tunnel syndrome with electrodiagnostic tests and neuromuscular ultrasound. Clin Neurophysiol 2022;135:107‑16. 
5. Hoeber S, Aly AR, Ashworth N, et al. Ultrasound-guided hip joint injections are more accurate than landmark-guided injections: A systematic review and meta-analysis. Br J Sports Med 2016;50(7):392‑6. 
6. Daniels EW, Cole D, Jacobs B, et al. Existing Evidence on Ultrasound-Guided Injections in Sports Medicine. Orthop J Sports Med 2018;6(2):2325967118756576.
7. Haskins SC, Bronshteyn Y, Perlas A, et al. American Society of Regional Anesthesia and Pain Medicine expert panel recommendations on point-of-care ultrasound education and training for regional anesthesiologists and pain physicians—part I: Clinical indications. Reg Anesth Pain Med 2021;46(12):1048-60.

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essentiel

L’échographie clinique, ou échoscopie, est devenue une extension de l’examen clinique. Utilisée au chevet du patient, elle permet de confirmer ou d’infirmer rapidement une hypothèse diagnostique, évitant ainsi le recours systématique à des examens plus complexes.

Elle est surtout utile pour évaluer les tendons, détecter des épanchements articulaires, diagnostiquer le syndrome du canal carpien et guider des gestes infiltratifs.

C’est une technique opérateur-dépendante. Une formation adaptée est nécessaire pour en garantir la qualité et éviter les erreurs diagnostiques.

Actuellement, aucune codification ni remboursement n’existe pour l’échoscopie en pratique clinique.

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