Baisse de l’usage des contraceptifs, couvertures vaccinales insuffisantes, augmentation des grossesses non désirées… Le dernier état des lieux de la sexualité des Français, récemment publié par l’Inserm, révèle une dégradation de la prévention ces dernières années. Qu’en retenir ?

L’Inserm a publié les premiers résultats de l’enquête « Contexte des sexualités en France » (CSF- 2023), qu’il a conduite avec l’ANRS Maladies infectieuses émergentes.

Conduite entre fin 2022 et fin 2023, cette étude est la quatrième enquête nationale sur le sujet (1970, 1992, 2006) et a été conçue pour fournir des indicateurs clés pour évaluer la stratégie nationale de santé sexuelle à l’horizon 2030.

Plus de 21 000 volontaires âgés de 15 à 89 ans résidant en France hexagonale, et plus de 10 000 dans les territoires ultramarins, ont participé au moyen d’un premier questionnaire téléphonique (volet 1). Pour le volet 2 (autoquestionnaire rempli en ligne par les répondants majeurs), respectivement 12 906 et 4 229 personnes ont participé. Enfin, un volet 3 (PrévIST, pour estimer la prévalence des IST) a consisté en un autoprélèvement biologique pour les adultes de moins de 60 ans ; il a concerné respectivement 4 872 et 863 participants. La pondération des données a permis d’obtenir des résultats représentatifs de la population générale âgée de 15 à 89 ans vivant en France. Cette première publication ne concerne que la France hexagonale.

Outre les données sur l’évolution des comportements sexuels – âge au premier rapport, nombre de partenaires, types de pratiques et satisfaction déclarée, orientations sexuelles, etc. –, cette enquête apporte des éclairages utiles sur la santé sexuelle. Qu’en retenir ?

Les attitudes de prévention n’ont plus la cote

Les données montrent une baisse de la prévention au début de la vie sexuelle (figure) :

  • en 2023, 75 % des femmes et 85 % des hommes utilisent un préservatif lors de leur premier rapport sexuel, un déclin par rapport au début des années 2000 où la proportion atteignait près de 90 % (l’usage du préservatif avait connu une augmentation exponentielle dans les années 1980 - 1990, en raison des campagnes de prévention contre le VIH) ; la baisse est particulièrement marquée chez les femmes ces dernières années ;
  • la même tendance est observée pour la contraception : après avoir atteint son maximum en 2004 - 2006 (98 % pour les femmes et 97 % pour les hommes), l’utilisation de contraceptifs lors du premier rapport sexuel a diminué pour atteindre 87 % (F) et 92 % (H) entre 2019 et 2023.

De même, l’enquête a mis en évidence une prévention limitée lors de l’initiation de nouvelles relations sexuelles : en 2023, tous âges confondus, seuls 49 % des femmes et 53 % des hommes rapportent avoir utilisé un préservatif lors de leur premier rapport avec un(e) nouveau ou nouvelle partenaire.

Cette baisse récente de la prévention au premier rapport contribue à expliquer l’augmentation de l’incidence des IST, observée depuis quelques années, et interroge sur l’efficacité des politiques de prévention actuelles.

IST et vaccins

Dans ce contexte d’augmentation générale des IST, cette enquête apporte quelques précisions. D’après le volet PrévIST :

  • la prévalence des infections à Chlamydia trachomatis en 2023 est faible chez les personnes de 18 à 25 ans qui sont concernées par le dépistage systématique (1,5 % pour les femmes et 1,6 % pour les hommes), tandis qu’elle est beaucoup plus élevée chez les 26 - 29 ans, qui échappent au dépistage (7,9 % pour les femmes et 4,4 % pour les hommes). Les personnes ayant plus d’un(e) partenaire dans les 12 derniers mois ont un risque plus élevé ;
  • la prévalence des infections à Mycoplasma genitalium est estimée à 3,1 % et 1,3 % respectivement chez les femmes et les hommes de 18 - 59 ans, comparable à celle d’autres pays européens.

Pour rappel, depuis le 1er septembre 2024 , les laboratoires de biologie médicale de ville ou hospitaliers peuvent effectuer le dépistage de cinq IST à la demande du patient, sans ordonnance.

Enfin, l’enquête révèle des couvertures vaccinales insuffisantes chez les 15 - 29 ans contre l’hépatite B et l’HPV en 2023 : respectivement 64 % (F) et 53 % (H), et 51 % (F) et 20 % (H).

Grossesses non désirées en augmentation

En 2023, 35 % des dernières grossesses survenues dans les 5 ans précédant l’enquête sont non souhaitées, contre 29 % en 2016. Cette proportion dépasse 50 % chez les plus jeunes (18 à 29 ans). Au total, en 2023, 13 % des femmes de 18 à 49 ans rapportent avoir eu une grossesse non souhaitée dans les 5 dernières années.

Cette augmentation peut être mise en relation avec une augmentation de la préférence pour des méthodes contraceptives barrière ou naturelles (y compris le préservatif), qui représentent 26 % des contraceptions utilisées par les femmes en 2023 contre 20 % en 2019 et 13 % en 2005. Excluant le préservatif, les autres méthodes barrière et naturelles (retrait, calcul des dates, Ogino, diaphragme) représentent 7,5 % des pratiques en 2023 ; leur utilisation a augmenté entre 2016 et 2023 aussi bien chez les 18 - 29 ans (passant de 3,1 % à 5,5 %) que chez les 30 - 49 ans (de 5,2 à 8,6 %).

L’enquête confirme par ailleurs les mutations du paysage contraceptif depuis le début des années 2000, qui a vu une désaffection pour les méthodes hormonales, notamment la pilule, au profit du dispositif intra-utérin (DIU). Le DIU est en 2023 la méthode la plus utilisée (27,7 %) suivi de la pilule (26,8 %) et du préservatif (18,6 %).

Globalement, la couverture contraceptive est stable depuis 2016 : en 2023, 91 % des femmes de 18 à 49 ans concernées (ayant eu des rapports hétérosexuels dans l’année, non enceintes, non stériles et qui ne souhaitent pas être enceintes) ont recours à un moyen de contraception.

Violences sexuelles : de plus en plus déclarées

Les déclarations de violences sexuelles ont augmenté depuis le début des années 2000 : en 2023, 30 % des femmes et 9 % des hommes de 18 - 69 ans déclarent avoir subi un rapport forcé ou une tentative de rapport forcé au cours de leur vie, contre respectivement 16 % des femmes et 5 % en 2006.

La hausse est plus marquée chez les jeunes de 18 - 29 ans, passant de 17 % à 37 % pour les femmes et de 5 % à 12 % pour les hommes sur cette même période. Un grand nombre de ces violences déclarées sont survenues lorsque le déclarant était encore mineur.

Enfin, les déclarations de violences sexuelles sont encore plus élevées parmi les personnes ayant des partenaires de même sexe (53 % des femmes et 30 % des hommes) et celles ayant pensé à changer de genre (43 %).

Les auteurs soulignent que ces évolutions peuvent traduire aussi bien une augmentation de la fréquence de ces événements qu’une augmentation de la capacité à qualifier les faits de violence et une plus grande facilité à les évoquer.

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