Temps fort du congrès de l’ESC 2024, les guidelines sur la fibrillation atriale viennent d’être actualisées, intégrant les nouvelles données et approches sur la prise en charge. Focus sur les principaux changements.

Diagnostic

Le diagnostic de FA « clinique » est posé devant un ECG ayant une activation anarchique atriale sans onde P. La FA est classée selon la durée des épisodes : premier épisode, paroxystique, persistante, permanente. Il n’y a plus de durée minimale de 30 secondes d’enregistrement pour poser le diagnostic. La photopléthysmographie n’a pas de place.

L’évaluation initiale doit aussi comporter :

  • un examen clinique et la recherche de symptomatologie ;
  • un bilan biologique : ionogramme, fonction rénale et hépatique, numération formule sanguine, dépistage du diabète (glycémie ou HbA1c) et bilan thyroïdien ;
  • une échocardiographie transthoracique (ETT), si son résultat peut influencer la prise en charge.

Les autres examens (NtproBNP, troponine, coroscanner, IRM cérébrale…) sont à réaliser au cas par cas.

Le dépistage par ECG est recommandé chez tous les patients de plus de 65 ans (de manière opportuniste lors d’un contact médical).

Prise en charge

Nouveauté principale dans la prise en charge : le classique « ABC » (Anticoagulation, Better control, Comorbidity) est remplacé par « CARE » dont les 4 piliers sont : Comorbidité, Anticoagulation, Réduction des symptômes, Évaluation/réévaluation.

L’objectif ? Mettre le patient au centre des soins : la prise en charge doit être globale, intégrant mode de vie, soutien psychosocial, gestion des comorbidités et traitements (pharmacologiques, interventionnels ou chirurgicaux). Expliquons les différents points.

Cormobidités

L’identification et la gestion des comorbidités et facteurs de risques deviennent cruciaux dans ces nouvelles recos. Leur prise en charge permet en effet de diminuer le risque de récidive mais aussi d’améliorer l’efficacité des traitements.

En premier lieu : contrôle tensionnel, adaptation des traitements de l’insuffisance cardiaque, mais aussi contrôle glycémique, sevrage alcoolique, mise en place d’un programme d’activité physique adapté, contrôle pondéral (avec l’objectif d’une perte d’au moins de 10 % du poids chez les patients avec une obésité). En revanche, la gestion de l’apnée du sommeil passe au second plan. Surtout, il ne faut pas traiter un syndrome d’apnée du sommeil s’il n’est pas prouvé (un dépistage par auto-questionnaire ne suffit pas).

Anticoagulation

Au revoir CHADSVASC ! Ce score est désormais remplacé par le CHADSVA (v. tableau). En pratique, les indications de l’anticoagulation ne changent pas (selon que le CHADSVA soit ≥ à 1 ou ≥ 2) mais le Sc (sexe) a été supprimé : il n’y a donc plus de différence selon le sexe pour l’anticoagulation. On garde simplement l’âge – et cela n’a pas changé : 2 points au-dessus de 75 ans et 1 point entre 65 et 74. Cependant, une anticoagulation est indiquée de façon systématique (indépendamment du score) si la FA est associée à une cardiomyopathie hypertrophique ou à une amylose cardiaque.

Nouveauté chez les patients avec FA infraclinique (dépistée par matériel endovasculaire ou portatif sans piste ECG) : une anticoagulation peut être débutée si le risque hémorragique est faible ; ceci en raison du risque élevé de développer une FA clinique (6 % à 9 % par an).

En ce qui concerne le choix de l’anticoagulation, les recos sont les mêmes que celles de 2020 : les AOD sont à préférer aux AVK (moins de morbimortalité, plus de maniabilité). Ces derniers gardent leur place dans des indications précises, notamment chez les patients porteurs de valve mécanique et sténose mitrale. L’aspirine n’est jamais une alternative aux anticoagulants oraux.

Réduire les symptômes

Le choix d’une stratégie de contrôle de la fréquence avec ou sans contrôle de rythme est à évaluer et mettre en place dans les 12 mois, en concertation avec le patient.

L’objectif fréquentiel initial est < 110 bpm. Le choix du bradycardisant est guidé par la FEVG : bétabloquant, digoxine et possibilité d’utiliser un inhibiteur calcique si FE > 40 %.

Pour la cardioversion, les guidelines recommandent de s’appuyer sur le principe de « safety first  ». En l’absence d’instabilité hémodynamique, tout patient ayant une FA non datée ou > 24 h (au lieu de 48 h) doit bénéficier d’un contrôle ETO ou de 3 semaines d’anticoagulation bien conduite avant cardioversion. Les modalités de cette dernière, qu’elles soient pharmacologiques ou électriques, restent inchangées ; la flécaïnide est préférée si cœur sain, l’amiodarone si cœur altéré.

L’ESC propose 2 algorithmes de contrôle du rythme selon le type d’épisode :

  • Si la FA est paroxystique, l’ablation peut désormais être recommandée en première ligne, en alternative à un traitement par antiarythmique, selon l’évaluation et les préférences du patient.
  • Si la FA est persistante, un traitement antiarythmique est préconisé en première intention (l’ablation étant réservée à certains patients sélectionnés). En cas de résistance ou intolérance aux antiarythmiques, l’ablation peut être proposée.

Évaluation

Les nouvelles recommandations pointent l’importance d’évaluer et réévaluer les patients ayant une FA tous les 6 mois à 1 an par une équipe pluridisciplinaire incluant médecin traitant, cardiologue, infirmier, pharmacien.

Cas spécifiques

Chez le patient coronarien, les AODs sont à préférer aux AVK. En cas d’antiaggrégation, celle-ci doit être de durée minimale nécessaire pour limiter le risque hémorragique.

Si FA secondaire (péricardite, infection, alcool…), une anticoagulation est conseillée si le CHADSVA ≥ 2.

En post-opératoire, l’anticoagulation est conseillée en cas de FA post-opératoire après chirurgie non cardiaque mais aussi cardiaque chez les patients à risque thromboembolique.

Dans les cardiopathies congénitales, une anticoagulation est proposée indépendamment du risque thromboembolique.

Qu’en retenir ?

La gestion des comorbidités est au premier plan chez les patients ayant une FA.

Le score de CHA2DS2VASc devient CHA2DS2VA (le sexe féminin n’est plus pris en compte)

La prise en charge « ABC » est remplacée par « CARE ».

L’ablation peut être proposée en première intention dans la FA paroxystique.

Dans cet article

Ce contenu est exclusivement réservé aux abonnés