Classée par l’OMS dans les douleurs chroniques généralisées, la fibromyalgie est liée à des modifications des processus de détection et de modulation de la douleur au niveau du système nerveux central. Caractérisée par une hypersensibilité généralisée à la douleur, elle altère les capacités physiques, la réalisation des activités quotidiennes et la qualité de vie. La prévalence en population générale est d’environ 1,5 à 2 %, presque trois fois plus fréquente chez les femmes que chez les hommes. Pour améliorer le diagnostic et la prise en charge, la HAS a mis à disposition le 10 juillet 2025 des professionnels une recommandation de bonne pratique, des outils et des algorithmes.
Quand l’évoquer ?
Le diagnostic de fibromyalgie est clinique, en l’absence de biomarqueurs spécifiques. Il faut l’évoquer en cas de douleurs persistant au-delà de 3 mois, diffuses, souvent variables et fluctuantes dans le temps, en intensité et en localisation. D’autres symptômes non spécifiques peuvent être associés : fatigue, troubles du sommeil, du transit, cognitifs, anxiété, dépression. En soins primaires, on peut s’appuyer sur l’auto-questionnaire FIRST (Fibromyalgia Rapid Screening Tool).
Un bilan biologique minimal est recommandé, complété en fonction de l’examen et du jugement clinique, pour rechercher des maladies, notamment inflammatoires ou endocriniennes, dont les symptômes peuvent être proches : NFS, CRP, TSH, CPK, transaminases.
Attention : il est essentiel de répéter l’examen clinique avant d’attribuer tout nouveau symptôme à la fibromyalgie.
Annoncer le diagnostic
C’est une étape essentielle pour reconnaître la souffrance et légitimer les plaintes. Elle s’accompagne d’explications approfondies et personnalisées sur la maladie, ses mécanismes et les options de traitement (un document écrit est souhaitable). Le projet de soins doit être co-construit en tenant compte du vécu, des attentes, des préférences du patient, avec des objectifs réalistes et atteignables.
Un algorithme avec la démarche diagnostique en soins primaires est téléchargeable ici.
Stratégie thérapeutique : personnalisée, coordonnée et évolutive
Le traitement de la fibromyalgie est centré sur la remise en mouvement, la recherche d’une stratégie personnelle d’autogestion de la maladie, la poursuite des activités quotidiennes et du travail.
Le médecin généraliste coordonne le projet de soins, ainsi que les intervenants impliqués dans sa mise en œuvre, avec si nécessaire un infirmier en pratique avancée ou délégué à la santé publique formé à la douleur chronique. Le recours à d’autres spécialistes en ville ou en établissement de santé, voire à une structure spécialisée douleur chronique (SDC), peut être nécessaire pour avis, douleurs rebelles, difficultés de coordination… Il faut également orienter vers des associations de patients.
Un algorithme avec la stratégie thérapeutique est téléchargeable ici .
En première ligne
Activité physique et pratique en autonomie :
- encourager d’abord le maintien d’une activité physique (AP) au quotidien, la pratique d’une AP, une diminution des comportements sédentaires ;
- si l’AP est insuffisante ou en cas de difficulté pour la pratiquer en autonomie : proposer un programme d’activité physique adaptée (APA) incluant un apprentissage en autonomie, supervisé par un professionnel de l’APA ;
- en cas de difficultés persistantes : orienter vers un programme de réadaptation.
Développement de stratégies d’adaptation et d’autogestion de la maladie :
- améliorer le fonctionnement au quotidien et co-construire des pistes d’adaptation : simplifier les activités quotidiennes, les fractionner, alterner périodes d’activité et de repos ;
- prescrire de séances collectives d’éducation thérapeutique ;
- en cas de catastrophisme, propension obsessionnelle à travailler ou comportements d’évitement : agir sur les cognitions (pensées erronées, croyances), les émotions et les comportements avec des interventions psychologiques spécialisées.
Maintien dans l’emploi :
- rechercher l’appui du médecin du travail en cas de retentissement notable de la maladie sur le travail ;
- avant de prescrire un arrêt de travail : rechercher des aménagements. Si impossible : envisager des actions de formation et d’orientation professionnelle, une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH), voire une demande d’invalidité parfois transitoire.
Évaluation et traitement des problèmes de santé associés :
- prendre en charge surpoids ou obésité, troubles du sommeil, troubles psychiques (dépression…) ;
- une alimentation équilibrée et variée qui couvre les besoins réels. Les restrictions alimentaires (sans gluten, sans lactose, etc.) et la prise de compléments alimentaires (vitamines, minéraux, plantes, etc.) n’ont pas d’intérêt démontré dans la fibromyalgie en dehors de troubles gastro-intestinaux ou de carences avérés.
En deuxième ligne
En complément des interventions de première ligne, les traitements pharmacologiques ont montré un bénéfice modeste. Le recours aux opioïdes doit rester exceptionnel.
Peuvent être prescrits :
- pour les douleurs continues et en traitement de fond : certains antidépresseurs et antiépileptiques, à faible dose ;
- pour les douleurs incidentes, par exemple liées à l’effort : antalgiques usuels (paracétamol, voire AINS) de façon ponctuelle, jamais au long cours ;
- pour les douleurs aiguës incidentes : recours prudent et ponctuel au tramadol (opioïde), et exceptionnel au long cours après avis spécialisé dans une SDC.
Les médicaments doivent être débutés à faibles doses avec une augmentation progressive et prudente de la posologie.
Attention : lors de chaque prescription et renouvellement du traitement : évaluer la tolérance et l’efficacité, identifier un mésusage.
D’autres interventions sans effet indésirable ni risque pour la santé sont à discuter :
- soins thermaux : en cas de sévérité modérée de la maladie et dans une phase stable ;
- relaxation, hypnose, méditation.
En troisième ligne
Des techniques de neurostimulation peuvent être proposées :
- en cas d’exacerbation de douleurs localisées ou locorégionales après avis pluridisciplinaire : neurostimulation électrique transcutanée (TENS) de façon transitoire ;
- en cas de recherche d’un effet général sur les douleurs et sur la qualité de vie après avis d’une SDC : stimulation magnétique transcrânienne répétée (rTMS), stimulation transcrânienne à courant continu (tDCS).
Des outils pratiques
- Évaluation thérapeutique du patient : questionnaire auto-administré d’impact de la fibromyalgie (QIF)
- Fibromyalgie. Informations à échanger avec le patient
- Fibromyalgie. Habitudes de vie. Repères pour les améliorer
- Fibromyalgie. Prescription et mise en œuvre de l’activité physique adaptée
- Fibromyalgie. Éducation thérapeutique du patient
- Fibromyalgie. Perception des améliorations et de la réponse au traitement
HAS. Fibromyalgie de l’adulte : conduite diagnostique et stratégie thérapeutique. Recommandations de bonne pratique. 10 juillet 2025.
Laroche F. Fibromyalgie : une vraie maladie ! Rev Prat Med Gen 2025;39(1093);33-6.
Nobile C. Entretien avec le Dr Marie-Anne Pidolle. Fibormyalgie : rechercher toujours un stress post-traumatique ! Rev Prat (en ligne) 1er décembre 2020.