Les produits et pratiques cosmétiques destinés aux enfants ont le vent en poupe. Maquillage et « routines beauté » sont populaires sur les réseaux sociaux, notamment chez les préadolescentes. De plus en plus d’instituts proposant des soins (massages, application de vernis…) à de très jeunes enfants, dès 3 ans, existent en France. Cette tendance inquiète les experts de la Société française de dermatologie et son groupe thématique sur la dermatologie pédiatrique.
Quels risques ?
Les produits utilisés ne sont pas adaptés aux enfants. En Europe, les règles de formulation des cosmétiques sont définies par le règlement européen (CE) n 1223/2009 qui s’applique à tous les produits cosmétiques, qu’ils soient destinés aux adultes ou aux enfants. Il n’existe pas de règlement spécifique pour les enfants, hormis la une résolution de 2012 – non contraignante – concernant les produits pour les moins de 3 ans.
Ainsi, l’utilisation par des enfants et pré-adolescents de produits formulés pour les adultes – et qui n’ont donc pas été conçus pour correspondre aux peaux pédiatriques, plus fragiles – peut engendrer des risques vis-à-vis desquels il convient d’être particulièrement vigilant :
- sensibilisation allergique et photosensibilisation : même si les substances reconnues comme allergisantes ou photosensibilisantes sont interdites par la réglementation européenne, une sensibilisation à des substances autorisées est possible ;
- effets sur d’autres organes par absorption à travers la peau ou par ingestion : présence possible de substances identifiées comme potentiels perturbateurs endocriniens, dont les effets ne sont pas bien évalués ;
- la présence d’huiles essentielles est particulièrement délétère : elles sont déconseillées aux enfants en raison de leur potentielle toxicité cutanée, respiratoire et neurologique.
L’utilisation de « cosmétiques bio » n’est pas une garantie de meilleure sécurité sanitaire (contrairement aux aliments, cette certification n’est pas réglementée pour les cosmétiques, et est souvent issue de certifications privées ou associatives).
Par ailleurs, les actes esthétiques pratiqués dans les instituts comportent aussi de risques :
- les produits de lissage capillaire contenant de l’acide glyoxylique ont fait l’objet d’une alerte récente de l’Anses en raison de leur association à des cas d’insuffisance rénale aiguë ;
- la pose d’ongles artificiels est déconseillée avant l’âge de 16 anspar l’ANSM (maturité incomplète de l’ongle, risque de brûlures thermiques avec les colles pour faux ongles) ;
- la pose de vernis semi-permanent est associé à un risque cancérogène (utilisation des lampes à UV), comme l’a rappelé l’Académie de médecine, mais aussi à des risques allergiques (eczéma de contact dû essentiellement aux acrylates non polymérisés).
Enfin, selon la SFD, il pourrait y avoir de potentielles conséquences psychologiques de ces pratiques cosmétiques sur le développement de l’image de soi chez l’enfant.
La SFD recommande ainsi :
- d’éviter d’appliquer sur la peau des enfants des produits qui ne sont pas nécessaires : la peau pédiatrique ne nécessite qu’une toilette à l’eau avec un produit nettoyant doux, en rinçant et en séchant bien, afin de respecter la fonction barrière de la peau ;
- comme tout produit, les cosmétiques doivent être utilisés correctement et avec parcimonie, afin de limiter la survenue chez l’enfant d’effets indésirables, qu’il faut par ailleurs déclarer sur la plateforme de cosmétovigilance dédiée.