Gare aux résines époxy !

Les résines époxy appartiennent à un groupe chimique complexe connu depuis les années 1950. Ces résines sont le résultat de la polymérisation de l’éther diglycidique du bisphénol A (DGEBA) ou du bisphénol F (DGEBF) par un agent durcisseur à base de polyamide, d’anhydride acide ou de diluants réactifs. Initialement, le DGEBA est synthétisé à partir du bisphénol A – qui est un perturbateur endocrinien – et de l’épichlorohydrine (ECH).

Ces résines peuvent provoquer un eczéma de type IV par contact direct ou des réactions respiratoires lors de leur étape de préparation. En effet, lors du processus de catalyse, se libèrent des vapeurs toxiques provenant des agents durcisseurs, susceptibles d’engendrer à plus ou moins long terme une rhinite ou un asthme professionnel. Le produit fini et durci n’est pas allergisant.

Depuis de nombreuses années, les résines époxy sont responsables, dans certains cadres professionnels, d’eczéma de contact. Les mains, les avant-bras, les paupières ou tout le visage sont les zones les plus touchées, avec une notion de rythmicité liée à l’activité professionnelle (fabrication de planche de ski ou de surf, métiers de l’aéronautique, de l’automobile, du bâtiment…). Les mesures de prévention (port de gants adéquats) ne sont pas suffisamment respectées.

Le diagnostic repose sur l’interrogatoire, la chronologie des symptômes concordant avec la positivité de patch-tests spécifiques (mélange résine époxy à 1 % dans la vaseline) présents au sein de la batterie standard européenne. La batterie complémentaire de résines et colles s’avère également utile. Les tests sont réalisés à distance de l’épisode aigu avec une lecture 48 à 72 h plus tard.

Le 2,4,6 -Tris(Diméthylaminométhyl)Phénol – durcisseur/accélérateur de polymérisation à basse température – est classé en deuxième place des sensibilisations aux résines époxy (patch-tests Tris-DMP dilué à 0,5 %). Autres durcisseurs en cause : le 1,3 -benzènediméthanamine (1,3 -BMDA) et le polymère hydrogéné de formaldéhyde benzylamine (FBPA).

Les fiches techniques des produits manipulés sur le lieu de travail est une base supplémentaire pour rechercher la substance responsable.

La Société française de dermatologie a récemment lancé une alerte sur l’apparition croissante de ce type de lésions cutanées dans le grand public. Adultes et enfants sont concernés puisque les kits commerciaux proposés pour la fabrication de bijoux en résines époxy ou objets décoratifs ne précisent pas toujours les mesures de précaution et les risques inhérents à la préparation. Les cosplayers sont également une population à risque (fabrication d’objets avec des imprimantes 3D). De plus, la tendance au « do it yourself » augmente le risque de sensibilisation chez les enfants, ce qui peut leur fermer l’accès à l’âge adulte à certains métiers. Malheureusement, le grand public n’est pas souvent au fait des risques pour la santé !

Lors de l’étape de polymérisation, le bisphénol A est peu volatil, mais il n’en est pas de même pour les durcisseurs utilisés :

• les vapeurs toxiques libérées lors d’une exposition accidentelle à une forte concentration peuvent engendrer une détresse respiratoire aigüe ;
• une inhalation chronique favorise l’apparition d’un asthme professionnel avec les amines et anhydrides acides. Après dix ans d’expositions répétées sans protection adéquate, une rhinite professionnelle est observée dans 43 % des cas et une dermatite de contact dans 13 % des cas ;

Le bilan peut comporter des EFR, un test à la métacholine durant la période de travail et en dehors de l’activité, des mesures répétées du débit de pointe sur le lieu de travail.

• risque de pneumopathie d’hypersensibilité.

Dans un cadre professionnel, les gants étanches 4 H ou en plastique multicouches offrent une excellente protection. Cependant, ils ont des inconvénients : absence d’élasticité entraînant un manque de dextérité ; coût élevé. D’après une étude menée en 2015, mettre deux couches superposées des gants en nitrile, en PVC ou en caoutchouc en changeant le gant supérieur dans les 15 minutes après la contamination serait efficace contre la pénétration du produit.

Au domicile, protéger le plan de travail avec un tapis en silicone.

Que ce soit dans le cadre professionnel ou dans le domaine privé, un masque à cartouche et un espace suffisamment aéré sont de rigueur. Il faut également éviter de manipuler la préparation en cas de grossesse, en présence d’enfants ou d’animaux.