Très fréquente, la mauvaise haleine peut avoir un retentissement psychologique important. Bien que primaire dans la plupart des cas, elle peut aussi être le signe d’une pathologie extrabuccale (digestive, ORL, voire métabolique). Que rechercher à l’interrogatoire ? Quand adresser ? Quels traitements proposer en l’absence de cause ?

Des causes buccales, mais pas seulement…

L’halitose – du latin halitus (souffle) et du grec osis (processus pathologique) – est la mauvaise odeur émanant de la bouche, due majoritairement à des composés soufrés volatils (sulfure d’hydrogène, méthylmercaptan, diméthylsulfure), à des diamines (putrescine, cadavérine) ou des composés aromatiques comme l’indole et le scatole. Ils sont produits par la dégradation microbienne de substrats organiques, en particulier par des bactéries anaérobies à Gram négatif proliférant dans la cavité buccale, bien que d’autres mécanismes physiopathologiques soient possibles dans les halitoses extrabuccales (v. ci-après).

L’halitose dite « vraie » est à distinguer de la pseudohalitose (perçue seulement par le patient) qui peut être liée à un trouble du goût ou de l’odorat. Si l’halitose vraie est physiologique dans les situations transitoires – au réveil, après jeûne prolongé ou consommation de certains aliments… – elle est pathologique lorsqu’elle est permanente ; on en distingue deux causes principales :

  • intrabuccales majoritairement : pathologies parodontales, lésions carieuses profondes, pulpe nécrosée, candidose, cancers oraux, mais aussi dents mal alignées, prothèses mal ajustées ou appareils orthodontiques favorisant la rétention de débris alimentaires, présence de biofilm lingual…
  • extrabuccales :
    • gastro-intestinales, le plus souvent : lésions buccales indirectement causées par des maladies digestives (RGO, MICI, ulcères gastriques et peptiques…) ou gaz émis directement par la sphère digestive en cas de stase alimentaire (diverticule de Zenker, sténoses œsophagiennes, obstructions duodénales, achalasie…) ; infection par Helicobacter pylori (controversé) ; l’élimination alvéolaire de gaz digestifs transportés par le sang après absorption intestinale est aussi possible ;
    • respiratoires, ORL : pharyngites aiguës, sinusites, rhinite atrophique, abcès du nasopharynx, amygdalites aiguës ou chroniques, carcinomes du larynx ; pneumonie, bronchite chronique, abcès pulmonaires, mucoviscidose, bronchectasie… ;
    • systémiques  : diabète, syndrome de Gougerot-Sjögren, autres causes de xérostomie… ;
    • médicamenteuses : anticholinergiques, certains antidépresseurs, antifongiques et antihistaminiques, bisphosphonates, traitements des cancers…

Que rechercher à l’examen clinique ?

Le diagnostic d’halitose est subjectif : test organoleptique où le clinicien évalue lui-même le degré – de 0 à 5 – de l’odeur buccale du patient sur l’échelle de Rosenberg. Durant les 4 heures précédant le test, le patient doit éviter de manger, de boire de l’alcool ou fumer, d’effectuer des soins d’hygiène buccodentaire, de se parfumer. Des analyses objectives sont aussi possibles, en milieu spécialisé (chromatographie en phase gazeuse, halimètre, test BANA…).

La recherche étiologique s’intéresse à :

  • l’ancienneté, la fréquence et l’horaire de survenue de l’halitose ;
  • la perception de l’entourage (pseudohalitose ?) ;
  • les habitudes hygiénodiététiques : régularité des soins buccodentaires, type de régime alimentaire (produits laitiers, ail, oignon, alcool, café, tabagisme) ;
  • des facteurs possibles de xérostomie ;
  • les traitements médicamenteux ;
  • à l’examen clinique : signes en faveur d’une pathologie ORL ou digestive (v. ci-dessus) ; présence de lésions buccodentaires, dépôt lingual.

En cas d’halitose isolée, sans signes digestifs, il n’y a pas d’indication à prescrire des examens complémentaires (test respiratoire à la recherche d’H. pylori, endoscopie œsogastroduodénale…).

Quels traitements disponibles aujourd’hui ?

Les conseils hygiénodiététiques sont au premier plan : hygiène buccodentaire stricte (fil dentaire, grattoir lingual, bains de bouche, en évitant les solutions antiseptiques qui créent une dysbiose), éviction de tabac, alcool, limitation d’aliments favorisants (ail, oignon...), traitement d’une éventuelle xérostomie. Le traitement des causes extrabuccales relève des spécialistes concernés.

S’il n’existe pas de traitement médicamenteux de l’halitose, l’efficacité de certains probiotiques fait l’objet d’études randomisées depuis quelques années. Les souches Streptococcus salivarius  K12 et Weissella cibaria sont les plus étudiées ; elles montrent un bénéfice dans certaines études, sur les tests organoleptiques, mais aussi sur des scores objectifs. Cependant, ces résultats sont limités au court terme (moins de 4 semaines) et encore incertains en raison de l’hétérogénéité des études, selon la plus récente méta-analyse sur le sujet. D’autres revues systématiques et méta-analyses concluent que, globalement, les résultats des essais disponibles ne sont pas significatifs. Davantage d’études cliniques avec des méthodes plus standardisées – posologies, protocoles de mesure – sont donc nécessaires pour améliorer la comparaison des résultats et avant de recommander les probiotiques en pratique clinique.

D’après
De Leusse A. Prise en charge de l’halitose : quelle place pour le gastro-entérologue ? FMC-HGE 24 février 2025.
Tungare S, Zafar N, Paranjpe AG. Halitosis.  StatPearls 14 août 2023.
Mortazavi H, Rahbani Nodar B, Shafiei S. Drug-related Halitosis: A Systematic Review.  Quint Publish Deutsch 4 juillet 2020.
Poniewierka E, Pleskacz M, Luc-Pleskacz N, et al. Halitosis as a symptom of gastroenterological diseases.  Gastroenterology Rev 2022;17(1);17-20.
Huang N, Li J, Qiao X, et al. Efficacy of probiotics in the management of halitosis: a systematic review and meta-analysis.  BMJ Open 2022;12(12);e060753.
Lopez-Valverde N, Lopez-Valverde A, Macedo de Sousa B, et al. Role of Probiotics in Halitosis of Oral Origin: A Systematic Review and Meta-Analysis of Randomized Clinical Studies.  Front Nutr 21 janvier 2022.
Rong Hao Tay J, Ng E, Wei Ming Lai C, et al. The efficacy of probiotics in the management of intra-oral halitosis: a systematic review.  Spring Nature 2022;26:4687-700.

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