Adapter l’alimentation permet de prévenir l’apparition de l’HTA et peut suffire en traitement de première intention. La Société française d’HTA (SFHTA) a analysé les bénéfices tensionnels attendus des différentes interventions nutritionnelles et propose des recommandations actualisées et des outils pratiques pour les médecins.

Sodium et sel

L’étude Esteban, menée par Santé publique France en 2015, a estimé que la consommation moyenne de sel chez les adultes était de 9,2 g par jour chez les hommes et 7,1 g par jour chez les femmes, ce qui est très supérieur aux besoins physiologiques (1,25 g de sel) et plus du double des apports recommandés ; 32,1 % des hommes et 8,7 % des femmes consommaient plus de 10 g de sel par jour1. La consommation de sel peut être estimée par des questionnaires alimentaires et/ou par la natriurèse des 24 h.

Le lien entre excès de sodium dans l’alimentation et augmentation de la PA est bien établi. Une étude publiée dans le Lancetestime que, chaque année dans le monde, 3 millions de décès sont imputables à des apports élevés en sodium2.

La SFHTA recommande une réduction des apports de sel en dessous de 5 g par jour (soit 85 - 90 mmoles de sodium). Ce seuil recommandé de 5 g de sel par jour est plus strict que celui qui avait été retenu par la SFHTA et la HAS en 2016 (6 à 8 g de sel par jour3). En pratique, la réduction du sel en préparation ou en assaisonnement est en général insuffisante pour réduire les apports sodés, le « sel caché » représentant 80 % de notre apport ; ainsi il faut également limiter les principaux aliments en cause (pain, fromage, charcuterie, tableau 1) et éviter les préparations culinaires industrielles et ultratransformées (plats cuisinés surgelés ou en conserve, sauces, pizza…). L’utilisation d’épices, herbes aromatiques et huiles végétales est un bon moyen d’apporter des saveurs aux plats, tout en réduisant l’utilisation de la salière.

Potassium

Le rôle bénéfique du potassium sur le niveau de PA a été confirmé par de nombreuses études interventionnelles et des méta-analyses d’essais randomisés contrôlés, reposant aussi bien sur l’utilisation de comprimés de KCl que sur des régimes alimentaires riches en potassium, ou encore sur l’utilisation des sels de substitution.

La SFHTA recommande des apports en potassium d’au moins 3,5 g (90 mmoles) par jour, essentiellement à partir de l’alimentation (fruits, légumes, légumineuses, produits céréaliers semi-complets ou complets, fruits à coque, tableau 1) car les régimes riches en potassium ont des bénéfices cardiovasculaires globaux et il s’agit de l’intervention la moins à risque d’entrainer une hyperkaliémie. En particulier, elle recommande de consommer :

  • au moins 5 fruits frais et légumes/jour (de préférence 3 portions de légumes et 2 de fruits), ce qui correspond au total à environ 500 g de végétaux par jour ;
  • des légumes secs au moins 2 fois/semaine ;
  • des produits céréaliers complets au moins 1 fois/jour ;
  • des fruits à coque natures (1 petite poignée/jour).

Le tableau 2 rassemble les aliments riches en potassium et indique également leur contenu en sodium et en sel. Notons que les cuissons vapeur, en autocuiseur, au micro-ondes, à l’étouffée ou au four limitent la perte potassique dans l’eau de cuisson.

Ces recos sont bien entendu à adapter aux pathologies et aux résultats des analyses biologiques des patients (insuffisance rénale, hyperkaliémie, lithiases rénales…).

Quid des sels enrichis en potassium ? L’usage de substituts de sel enrichis en potassium – dans lesquels 25 à 30 % du NaCl est remplacé par du KCl – a l’avantage de diminuer modestement les apports sodés tout en augmentant les apports potassiques. Toutefois, leur utilisation doit rester prudente chez les patients insuffisants rénaux et les patients qui reçoivent des médicaments hyperkaliémiants car elle n’est pas dénuée de risques. Attention : il faut toujours évaluer la kaliémie et la fonction rénale du patient avant de discuter une éventuelle supplémentation potassique.

Fibres

Même s’il n’y a pas de lien établi entre la consommation de fibres et la PA, consommer davantage de fibres est depuis plusieurs années un objectif majeur du PNNS pour lutter contre le surpoids et l’obésité, et indirectement contre le développement de l’HTA (tableau 3).

La SFHTA recommande des apports journaliers en fibres d’au moins 25 g/jour, voire supérieurs à 30 g/jour, via la consommation de légumineuses, fruits à coques, céréales complètes et fruits et légumes notamment.

Calcium, magnésium et vitamine D

Certaines études épidémiologiques montrent une prévalence d’HTA plus élevée chez les sujets à apport calcique bas. Néanmoins, la réduction tensionnelle liée à la supplémentation calcique, si elle existe, est minime, n’excédant pas 1 ou 2 mmHg4.

En fonction de l’âge, les besoins calciques varient entre 950 et 1 200 mg/j. Il est important de consommer quotidiennement davantage de fruits et légumes afin de couvrir ces besoins en calcium, d’autant plus que le PNNS recommande désormais deux (et non plus trois) produits laitiers par jour pour les adultes. Les graines oléagineuses et les légumes secs (ou légumineuses) sont d’excellentes sources calciques (tableau 4). Certaines eaux minérales (Hépar, Contrex, Courmayeur) peuvent également contribuer à couvrir les besoins calciques.

Chez les animaux, une carence en magnésium augmenterait la pression artérielle ; néanmoins, chez l’homme, il ne semble pas y avoir de relation significative entre l’hypomagnésémie et l’incidence de l’HTA5. Le magnésium se trouve principalement dans les oléagineux ou fruits à coque (noix du Brésil, noix de cajou et amandes), les céréales complètes, le café, le cacao et le chocolat noir, les crustacés et mollusques, etc. (tableau 5).

Certaines études observationnelles ont mis en évidence un lien entre des niveaux faibles de 25 -hydroxy-vitamine D et l’HTA6, mais il n’existe aucune donnée convaincante sur la prévention primaire, ou le traitement de l’HTA, via une augmentation des taux de vitamine D.

Toutefois, dans le cadre d’un régime équilibré, la SFHTA conseille d’optimiser les apports en calcium (de l’ordre de 900 mg à 1 200 mg selon l’âge), magnésium et vitamine D conformément aux recommandations en population générale7.

Alcool

La consommation d’alcool est un facteur de risque important et méconnu d’HTA, même en faible quantité8. Le « French paradox », qui suggérait un bénéfice associé à une prise de vin rouge en quantité modérée, est depuis 2023 battu en brèche dans les recommandations internationales qui préconisent l’abstinence. La SFHTA considère que, dans l’idéal, il ne faudrait pas consommer d’alcool du tout. En cas de consommation, celle-ci ne devrait pas dépasser 2 verres (soit 20 grammes d’alcool) par jour ou 1 verre pour les femmes et les hommes de faible corpulence (soit 10 g d’alcool), et pas tous les jours : elle doit rester inférieure à 10 verres par semaine, et le binge drinking doit être évité.

Réglisse

L’acide glycyrrhizique contenu dans la réglisse entraîne un tableau de pseudohyperaldostéronisme, donc une HTA hypokaliémique avec des valeurs de rénine et d’aldostérone basses ; l’effet pharmacologique persiste au moins deux semaines après l’ingestion. On estime qu’il faut ingérer une quantité supérieure à 100 mg d’acide glycyrrhizique par jour pour avoir un retentissement clinique, mais ce seuil est variable d’un individu à l’autre.

L’Anses recommande d’éviter de dépasser 10 mg par jour9. La réglisse est présente dans des confiseries à la réglisse, mais également dans certains pastis, des nombreuses tisanes, certaines bières artisanales... mais aussi snacks, chewing-gums, glaces. La SFHTA met en garde contre toute consommation d’aliment ou de boisson contenant de la réglisse, qui doit être prudente et limitée dans le temps. Il faut interroger systématiquement les patients sur la consommation de réglisse sous ses diverses formes.

Café, thé et boissons diverses et énergisantes 

Les études sur le lien entre consommation de café ou thé, pression artérielle et risque cardiovasculaire sont observationnelles et leurs conclusions ne sont pas concordantes. En aigu, la caféine est un stimulant et entraîne également une tachycardie et une augmentation transitoire de la PA. Les effets de la consommation chronique de café et de thé sont plus débattus, certaines études suggérant même un effet bénéfique d’une consommation modérée10,11. La SFHTA propose de ne pas limiter la consommation de café et thé, tant que celle-ci reste modérée, inférieure à 3 à 4 tasses par jour.

En revanche, la consommation régulière de boissons énergisantes est à éviter ; quant aux jus de fruits riches en nitrates (jus de betterave ou de grenade), leur éventuel bénéfice est à nuancer en raison d’un contenu souvent élevé en sucres.

Régulation du poids

Le lien causal entre surpoids-obésité et HTA est parfaitement établi. Le risque d’HTA est multiplié par plus de 2 chez les femmes en cas d’obésité (IMC > 30 kg/m²), et augmente en cas de surcharge pondérale (IMC entre 25 et 30 kg/m²). Toutes les recommandations sur l’HTA préconisent la perte de poids chez les personnes en surpoids ou obèses. La baisse tensionnelle que l’on peut attendre d’une perte de poids est de l’ordre de 1 mmHg par kg.

La SFHTA précise qu’une perte de poids graduelle et modérée, avec le soutien de diététiciens, a le plus de chances d’être maintenue sur le long terme. L’association à une activité physique adaptée est indispensable. Une prise en charge pluridisciplinaire peut s’avérer nécessaire, d’autant plus que la situation est complexe (niveau d’obésité élevé et freins aux changements nombreux), conformément aux recommandations HAS 2024 (guide du parcours de soin du patient en situation d’obésité).

Messages à retenir

  • Limiter l’ajout de sel et éviter les produits riches en sel caché, pour tendre vers une consommation de 5 g/j de sel.
  • Augmenter les apports en potassium, calcium et magnésium, par la consommation quotidienne de fruits et légumes et la consommation régulière de graines oléagineuses et légumineuses.
  • Arrêter le tabac.
  • Limiter l’alcool à 2 verres par jour, pas tous les jours et 10 verres au maximum par semaine.
  • Avoir une activité physique quotidienne de trente minutes par jour au minimum et améliorer la gestion du stress.
  • Le logo Nutri-Score est un outil de santé publique qui peut être utile pour guider le consommateur.

D’après
Société française d’hypertension artérielle. Mise au point de la SFHTA nutrition et hypertension artérielle.  18 décembre 2024.
Références :
1. Santé Publique France. Étude de santé sur l’environnement, la biosurveillance, l’activité physique et la nutrition (Esteban), 2014-2016. Volet Nutrition. Chapitre consommations alimentaires.  6 septembre 2019.
2. GBD 2017 Diet Collaborators. Health effects of dietary risks in 195 countries, 1990-2017: a systematic analysis for the Global Burden of Disease Study 2017.  Lancet 2019;393(10184):1958-72.
3. Haute Autorité de Santé, Société Française d’Hypertension Artérielle. Fiche Mémo. Prise en charge de l’hypertension artérielle de l’adulte.  septembre 2016.
4. Allender PS, Cutler JA, Follmann D, et al. Dietary calcium and blood pressure: a meta- analysis of randomized clinical trials.  Ann Intern Med 1996;124(9):825-831.
5. Khan AM, Sullivan L, McCabe E, et al. Lack of association between serum magnesium and the risks of hypertension and cardiovascular disease.  Am Heart J 2010;160:715-20.
6. Forman JP, Giovannucci E, Holmes MD, et al. Plasma 25- hydroxyvitamin D levels and risk of incident hypertension.  Hypertension 2007;49(5):1063-9.
7. Anses. Les références nutritionnelles en vitamines et minéraux. Rapport d’expertise collective. mars 2021.
8. Naassila M, Bouajila N, Thomas D, et al. Consommation d’alcool et hypertension artérielle. Rev Prat 2023;73(6);661-8.
9. Anses. Effets indésirables induits par la réglisse consommée dans le cadre alimentaire. Étude des cas enregistrés par les centres antipoison de janvier 2012 à décembre 2021. Rapport d’étude de toxicovigilance.  octobre 2022.
10. Haghighatdoost F, Hajihashemi P, de Sousa Romeiro AM, et al. Coffee Consumption and Risk of Hypertension in Adults: Systematic Review and Meta-Analysis.  Nutrients 2023;15(13):3060.
11. Chieng D, Kistler PM. Coffee and tea on cardiovascular disease (CVD) prevention.  Trends Cardiovasc Med 2022;32(7):399-405.

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