Une revue systématique de grande envergure avec méta-analyse, parue dans le Lancet, s’est attelée à quantifier l’effet antihypertenseur des principales monothérapies et bithérapies contre l’HTA. À partir de ces résultats, les auteurs ont créé un outil permettant d’estimer la baisse de PA attendue d’un traitement pour un patient donné.

Le paradigme actuel de la prise en charge de l’hypertension repose sur des mesures répétées de la PA avant et après le traitement afin d’évaluer l’efficacité de la baisse tensionnelle. Cependant, la PA présente une variabilité intra-individuelle importante, due à la fois à des variations biologiques et à des erreurs de mesure, d’où la difficulté de la mesurer de manière fiable. Selon des chercheurs australiens et anglais, plutôt que d’adapter le traitement aux mesures de la PA d’un individu, une approche alternative serait de simplement supposer l’effet moyen du traitement observé dans les essais cliniques randomisés contrôlés par placebo.

À cette fin, les chercheurs ont conduit une revue systématique avec méta-analyse sur des essais randomisés en double aveugle contre placebo, où des participants adultes avaient reçu à dose fixe, pendant au moins 4 semaines, un ou plusieurs médicaments des cinq grandes classes d’antihypertenseurs : inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC), antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II (ARA2 ou sartans), bêtabloquants, inhibiteurs des canaux calciques (ICC), diurétiques. Le traitement et son suivi devaient durer 4 à 26 semaines. La revue a inclus des références anglophones publiées jusqu’à février 2025.

Le critère de jugement principal était la réduction de la pression artérielle systolique (PAS) par rapport au placebo à l’issue du suivi. Le critère de jugement secondaire était la réduction de la pression artérielle diastolique (PAD). L’efficacité antihypertensive des différents traitements a été estimée par rapport à la PA moyenne à l’inclusion dans l’ensemble des essais analysés. Les traitements ont ensuite été classés en trois catégories, sur le modèle des statines : faible intensité (réduction de la PAS < 10 mmHg), intensité modérée (10 mmHg ≤ réduction PAS < 20 mmHg), et haute intensité (réduction PAS ≥ 20 mmHg).

484 études incluses

Les résultats ont été publiés dans le Lancet le 30 août 2025. En tout, 484 essais ont été inclus, comportant 104 176 participants (âge moyen (écart-type) = 54 (8) ans, 45 % de femmes, PAS/PAD à l’inclusion = 154 (12)/100 (9) mmHg). 67 % de ces essais dataient d’avant 2000, et 12 % d’après 2009. Un tiers étaient financés par l’industrie. 96 % avaient comparé une monothérapie au placebo, et 18 % une thérapie combinée (certains essais ayant fait les deux). Le suivi moyen était de 8,6 (5,2) semaines.

Parmi 57 monothérapies à dose standard, la réduction moyenne observée était de 8,7 mmHg (IC 95 % = [8,2 ; 9,2]) pour la PAS, avec une haute hétérogénéité (indice Ι2 d’hétérogénéité entre études = 67 %). Les résultats de la monothérapie sur la PAS variaient suivant la classe thérapeutique, mais avec une hétérogénéité là encore élevée, suggérant des différences entre médicaments au sein de chaque classe de traitements. Près de 80 % des monothérapies à dose standard étaient de basse intensité. Une PAS moins importante à l’inclusion était associée à une plus faible réduction de celle-ci lors du traitement. En monothérapie, chaque doublement de dose était associé en moyenne avec une réduction additionnelle de PAS de 1,5 mmHg (IC 95 % = [1,2 ; 1,7]), et de PAD de 1,0 mmHg (IC 95 % = [0,8 ; 1,2]). La relation dose-effet dépendait de la classe thérapeutique : faible pour les bêtabloquants, forte pour les ICC, intermédiaire pour les autres.

En moyenne, la bithérapie à dose standard était associée avec une réduction de la PAS de 14,9 mmHg (IC 95 % = [13,1 ; 16,8]) et de la PAD de 9,1 mmHg (IC 95 % = [8,1 ; 10,2]). Le doublement de la dose de chaque médicament était associé avec une réduction additionnelle de la PAS de 2,5 mmHg (IC 95 % = [1,4 ; 3,7]). Parmi 189 bithérapies analysées, 58 % étaient d’intensité modérée et 11 % de haute intensité. La réduction moyenne de PAS était de 11,2 mmHg (IC 95 % = [8,4 ; 14,1]) en cas de trithérapie, tandis qu’elle atteignait 22,5 mmHg (IC 95 % = [16,4 ; 28,6]) dans un essai avec une quadrithérapie.

Un calculateur accessible en ligne

Les réductions de PAS et PAD par dose et combinaisons de médicaments sont disponibles dans un simulateur en ligne créé lors de l’étude . Intitulé bpmodel.org, ce dernier renseigne sur la réduction attendue de PA selon le ou les médicaments prescrits et leur dose. Il permet de prendre en compte la PA initiale du patient et son risque cardiovasculaire.

Dans un commentaire publié dans le Lancet et évoquant ce modèle, des chercheurs extérieurs notent la simplicité d’usage et l’utilité de ce modèle pour la pratique clinique, qui pourrait changer le paradigme du dosage initial des antihypertenseurs et simplifier le suivi de ces patients, notamment en soins primaires.

Mais ils soulignent aussi ses limites et celles de l’étude dont il est issu. La méta-analyse concerne des essais menés à court terme, avec une adhésion plus élevée qu’en vie réelle et des patients relativement jeunes. La comparaison avec les classes d’intensité des statines pèche par une simplification excessive : l’étude et le calculateur s’intéressent uniquement aux différences de PA, sans prendre en compte les bénéfices des différents médicaments en termes de prévention cardiovasculaire, ni leurs contre-indications éventuelles ou leurs effets indésirables (risque d’hypotension, notamment chez les patients âgés et fragiles, sous traitement antihypertenseur de haute intensité). Les auteurs indiquent toutefois que leur calculateur sera enrichi ultérieurement d’autres antihypertenseurs, ainsi que de données de tolérance et de comparaisons actives entre traitements.

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