L’engouement croissant des parents français pour l’ostéopathie des nouveau-nés et nourrissons inquiète les pédiatres. En effet, ces manipulations, réalisées par des professionnels non médicaux, ne sont pas étayées par des études et s’appuient sur des notions fausses (sutures déformables, os crâniens qui bougent, mouvements respiratoires « primaires », « remise dans l’axe » ou « restauration de la symétrie », etc.).
Elles sont souvent proposées pour des signes fonctionnels bénins et fréquents (difficultés d’allaitement ou du sommeil, constipation, pleurs, « coliques », etc.), exploitant l’inquiétude et l’anxiété des parents dans cette période de vulnérabilité particulière – une démarche commerciale que dénoncent aussi bien la Société française de pédiatrie que le Syndicat des ostéopathes lui-même. Pire : la présence de publicités pour l’ostéopathie des nourrissons dans les maternités et chez de nombreux professionnels de santé, ainsi que le remboursement par certaines mutuelles (alors que c’est une pratique non médicale, non prise en charge par l’Assurance maladie), contribuent à lui donner une certaine légitimité, alors que, comme l’avertissent les pédiatres et l’Académie de médecine, ces gestes sont inutiles dans le meilleur de cas, et potentiellement dangereux.
C’est pourquoi, allant même plus loin que l’Académie, les pédiatres et les ostéopathes ont appelé à contre-indiquer cette pratique chez les nouveau-nés et nourrissons en l’absence de preuves d’efficacité.
Une évaluation rigoureuse est nécessaire
« Il est incompréhensible que l’application de telles manipulations ou techniques sur de très jeunes enfants devienne presque pratique courante sans la moindre donnée issue d’une recherche clinique rigoureuse », lit-on dans leur communiqué.
Seules deux études contrôlées randomisées sont disponibles aujourd’hui, avertissent ces experts, avec des résultats qui ne sont pas favorables à la pratique de l’ostéopathie :
- l’essai NEOSTEO mené au CHU de Nantes sur 128 nouveau-nés à terme ayant des difficultés d’allaitement ; le taux d’allaitement exclusif à 1 mois était de 53 % dans le groupe avec ostéopathie et de 66 % dans le groupe témoin (p = 0,12) ;
- une étude menée au CHU de Montpellier sur 101 nouveau-nés âgés de 3 à 10 jours, portant sur les manipulations précoces d’ostéopathie et la prévention des déformations crâniennes avec des séances de 20 à 40 min jusqu’au 4e mois de vie ; à la fin de cette période, le risque relatif de brachycéphalie dans le groupe témoin comparé au groupe ostéopathie était de 1,55 avec un intervalle de confiance très large (IC 95 % : 0,38 - 6,39, p = 0,54) ; il en allait de même pour le risque relatif de plagiocéphalie (RR = 1,64 ; IC 95 % : 0,34 - 8 ; p = 0,54) ; les auteurs ont donc conclu à l’absence d’influence de l’ostéopathie crânienne sur les déformations du crâne du nourrisson.
Si ces études n’ont pas rapporté d’effets secondaires, les faibles effectifs étaient insuffisants pour détecter des événements rares.
À la lumière de ces résultats – et de l’absence d’autres données –, la Société française de pédiatrie juge que la balance bénéfice/risque n’est pas favorable pour cette pratique qu’elle qualifie de « soin de confort ».
Pédiatres et ostéopathes se joignent donc aussi à l’appel de l’Académie de médecine pour recommander que l’ostéopathie dans cette population soit évaluée de façon objective par des spécialistes médicaux et chirurgicaux de la périnatalité avec une surveillance des effets indésirables.
Martin Agudelo L. Ostéopathie chez les bébés : une pratique dangereuse ? Rev Prat (en ligne) 3 décembre 2024.