Une étude publiée fin novembre a évalué, au sein d’une cohorte de patients ayant eu un premier infarctus du myocarde, la capacité des scores cardiovasculaires classiques à identifier les individus à risque avant l’événement. Les résultats sont sans appel : près de 50 % des patients seraient passés entre les mailles du filet !

Les maladies cardioneurovasculaires, parmi lesquelles l’infarctus du myocarde (IM), étaient la 2e cause de décès en France en 2022, selon Santé publique France, et restent la première cause de mortalité mondiale. Pour améliorer le repérage des patients à risque CV, il existe des scores basés sur des facteurs cliniques et démographiques (âge, sexe, tabagisme, cholestérol non-HDL, pression artérielle systolique, etc.), à l’image du SCORE2 européen (évaluant la probabilité d’événement CV à 10 ans) et des scores ASCVD et PREVENT américains (probabilité de maladie cardiovasculaire athéroscléreuse à 10 ans).

Toutefois, ces scores ne sont pas parfaits et de nombreux patients subissent un IM sans signes avant-coureurs ni facteurs de risque identifiés.

Afin de quantifier la proportion de ces patients « passés entre les mailles du filet » avant un premier IM, une équipe nord-américaine pluridisciplinaire de médecins a évalué rétrospectivement les scores de risque ASCVD et PREVENT parmi 465 patients ≤ 65 ans (81 % d’hommes) sans maladie coronaire connue. Ces derniers avaient été pris en charge dans deux centres hospitaliers américains entre 2020 et 2025 en raison d’un premier IM (de type 1). Les scores ont été calculés comme s’ils avaient été évalués 2 jours avant l’IM. Les résultats, publiés sous la forme d’un bref compte-rendu, sont parus le 21 novembre 2025 dans JACC : Advances.

La moitié des IM n’est pas associée à un risque intermédiaire ou élevé

Chez 45 % des patients, le score ASCVD était < 7,5 %, correspondant à un risque faible (< 5 % ; 33 % des patients) ou modéré (6 - 7,5 % ; 12 % des patients), sans indication d’imagerie ou de traitement par statine. Avec le score PREVENT, cette proportion grimpait à 61 % des patients, répartis entre 45 % à risque faible et 16 % à risque modéré.

À l’inverse, seulement 10 % avaient un haut risque (> 20 %) selon l’ASCVD, et 3 % selon le score PREVENT. Le risque intermédiaire (7,5 - 20 %) concernait respectivement 28 % des patients avec ASCVD et 23 % avec PREVENT. Enfin, pour 17 % et 13 % des patients respectivement, un traitement par statine était indiqué (en raison d’un diabète ou de LDL > 190 mg/dL).

Des symptômes souvent très tardifs

Parmi tous les patients, 60 % ont ressenti des symptômes de douleur thoracique ou de dyspnée pour la première fois dans les 48 h précédent leur IM, soulignant par ailleurs les limites des symptômes à repérer les IM imminents.

Ces résultats s’alignent sur ceux de récentes recherches. Ainsi, une vaste étude rétrospective américaine de cohorte parue en juillet 2025 a trouvé que parmi 4,6 millions de patients inclus victimes d’un premier IM, 50,5 %n’avaient pas de symptômes connus pré-IM. De même, 63,4 % ne prenaient pas de thérapie préventive de l’IM et 18 % n’avaient aucun facteur de risque modifiable standard (dyslipidémie, hypertension, tabagisme, antécédents familiaux d’IM, diabète, obésité, consommation excessive d’alcool).

Efficacité populationnelle vs inefficacité individuelle

Comment expliquer ce paradoxe apparent entre l’efficacité populationnelle prouvée des scores de risque et leur faible performance au niveau individuel ? Premièrement, compte tenu du nombre élevé de personnes classées à bas risque et asymptomatiques, un faible taux d’infarctus du myocarde dans cette population se traduit, en valeur absolue, par un grand nombre de cas.

De plus, il n’existe pas de relation linéaire solide entre les facteurs de risque traditionnels et l’athérosclérose au niveau individuel. Il en résulte que « pour réduire de manière significative le fardeau des maladies CV, les stratégies de prévention doivent dépasser le focus sur les personnes traditionnellement considérées à haut risque et inclure celles qui sont souvent classées comme ayant un risque plus faible », selon les auteurs.

L’imagerie pour améliorer le repérage

Dans cette perspective, de nouvelles données indiquent que la détection de l’athérosclérose par imagerie, en utilisant le score calcique ou la tomodensitométrie coronaire, est plus performante que les modèles traditionnels , en particulier pour identifier les personnes à risque qui seraient autrement considérées comme à faible risque, tout en permettant de prédire plus précisément la mortalité à long terme. « La détection précoce de l’athérosclérose elle-même, en utilisant l’imagerie, peut offrir une approche plus efficace et personnalisée du traitement que les modèles traditionnels basés sur les facteurs de risque classiques et les symptômes, permettant une intervention plus précoce pour stopper la progression de la plaque et réduire le risque d’événements futurs », concluent les chercheurs.

Référence
Mueller AS, Leipsic J, Tomey M, et al. Limitations of Risk- and Symptom-Based Screening in Predicting First Myocardial Infarction.  JACC Adv 2025;4(12 Pt 2):102361.
Pour en savoir plus :
Nobile C. Dépistage de l’athérosclérose : quel est le meilleur score ?  Rev Prat (en ligne) 9 juin 2023.
Besutti M, Schiele F. Utilisation du score calcique en pratique quotidienne. Rev Prat 2024;74(1):74-80.
Martin Agudelo L. Diabète et risque CV : les nouvelles recos de l’ESC.  Rev Prat (en ligne) 7 décembre 2023.
Martin Agudelo L. Un nouvel outil pour prédire le risque CV ?  Rev Prat (en ligne) 19 avril 2024.
Mallordy F. Dyslipidémies : l’ESC actualise ses recos.  Rev Prat (en ligne) 30 septembre 2025.

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