L’influence de la végétalisation des villes sur la santé des populations, tant physique que mentale, est positive. Reste à convaincre les politiques de la préserver et de la développer, dans un objectif de santé publique et de prévention individuelle.

Les humains vivent dans des environnements de plus en plus artificialisés et isolés du reste du vivant. Plus de 80  % de la population française réside dans des zones urbaines, dans lesquelles elle est exposée à de nombreux facteurs délétères pour la santé  : pollution, bruit des transports, lumières artificielles, îlots de chaleur urbains, sédentarité, isolement…

Alors que les liens entre nature en ville et santé ont longtemps été centrés sur les risques (vectoriels, allergènes), la recherche s’intéresse désormais aux bénéfices pour la santé de la nature en ville et à son potentiel pour contribuer à l’adaptation au changement climatique et protéger la biodiversité locale. Un nombre croissant de travaux scientifiques mettent en évidence une influence positive de la végétation et de la biodiversité dans les villes sur la santé physique et mentale des populations. Ainsi, passer au moins deux heures par semaine dans des environnements naturels serait associé à une augmentation significative de la santé et du bien-être.1

Quels sont les effets de la nature en ville sur la santé ?

Plusieurs mécanismes complémentaires sont proposés pour expliquer le rôle positif des espaces verts sur la santé.

Des arbres en bonne santé peuvent jouer un rôle important de protection vis-à-vis de la chaleur (ombre, évapotranspiration) et de la pollution de l’air (certaines espèces peuvent piéger des polluants particulaires et gazeux dans leur feuillage). L’ampleur des bénéfices dépend des espèces, de la topographie et des conditions atmosphériques, mais une végétation mixte (arbres et arbustes) peut réduire la température jusqu’à 2 °C en période de forte chaleur.

Les parcs jouent aussi un rôle de promotion de comportements favorables à la santé (comme la pratique d’une activité physique) ou de socialisation. Sur le plan psychologique, des paysages naturels intégrant de l’eau, de la végétation, des chants d’oiseaux seraient perçus comme plus cohérents, porteurs d’émotions positives et rassurants que les espaces artificialisés.2

Enfin, l’exposition à des éléments physiques, chimiques et biologiques émis naturellement par les espaces naturels serait positive pour la santé (vitamine D, microbiome). Par exemple, les arbres émettent des terpènes, qui auraient des effets bénéfiques sur le stress, sur le fonctionnement du système cardiovasculaire ainsi que sur la stimulation du système immunitaire.

Des études individuelles expérimentales mettent en évidence des diminutions du rythme cardiaque, de la pression artérielle et une amélioration du fonctionnement des lymphocytes associées à la teneur sanguine en terpènes émis par les arbres.3

Aujourd’hui, de nombreuses études épidémiologiques portent sur la présence de végétation en ville. Ces études ont longtemps souffert de difficultés pour mesurer l’exposition à la nature au niveau individuel, mais, avec l’existence des GPS et des images satellites, ces obstacles s’atténuent considérablement. Les revues de la littérature s’accordent sur une réduction du risque de décès pour les populations riveraines d’espaces végétalisés4 et une amélioration de la santé physique et mentale à tous les âges de la vie.5 Ces liens persistent après prise en compte du niveau de vie des personnes. Ils peuvent même se renforcer en ce qui concerne la santé mentale des populations les plus défavorisées.6

La contribution positive de la faune et de la flore à la santé fait l’objet de peu de travaux.7 Pourtant, un milieu composé de nombreuses espèces différentes dispose d’un plus grand panel d’interactions susceptibles de mieux contenir les épidémies que des écosystèmes avec peu de diversité biologique. Au sein de ceux-ci, la concentration d’une même espèce, pour peu qu’elle soit sensible à un agent pathogène, en facilite la propagation. La biodiversité peut aussi contribuer à la santé mentale. Une étude menée au Royaume-Uni a mis en évidence une déclaration plus fréquente d’émotions positives dans les espaces verts urbains présentant une plus grande diversité d’oiseaux, ou perçus comme présentant une plus grande richesse biologique.2

Un vecteur de santé publique

L’Organisation mondiale de la santé incite à quantifier les bénéfices pour la santé de la nature en ville, afin de convaincre les politiques de la préserver et de la développer.1 Une évaluation quantitative des impacts sur la santé réalisée à Lille, Montpellier et Rouen a mis en évidence qu’atteindre partout les niveaux aujourd’hui observés dans les 10  % de quartiers les plus végétalisés permettrait d’éviter plusieurs centaines de décès prématurés par an, de l’ordre de 4 à 7  % de la mortalité annuelle totale.8 À Londres, une évaluation a conclu que les parcs publics permettaient d’éviter plus de 1 milliard d’euros de dépenses de santé par an (prenant en compte la santé physique et mentale).1

La nature en ville peut aussi contribuer à réduire les inégalités sociales de santé. Aujourd’hui, dans les villes européennes, les quartiers les plus défavorisés sont souvent moins verts. Des augmentations de la végétation dans ces quartiers pourraient être associées à une amélioration significative de la qualité de vie perçue,9 à condition de ne pas se traduire par une gentrification.

Les caractéristiques des espaces verts (accessibilité, esthétisme, équipements, types d’essence d’arbres, faune, entretien…) jouent par ailleurs un rôle clé vis-à-vis de leur fréquentation et in fine du bénéfice, en particulier sur la santé mentale. Ces espaces doivent également servir de refuge pour la biodiversité. Il s’agit donc de les concevoir en prenant en compte l’ensemble de leurs usages possibles et en considérant l’état de l’art des connaissances pour réduire les risques (allergènes, infectieux) et de les animer pour que la population puisse pleinement se les approprier.

Un outil de prévention individuelle

Au Canada, l’initiative Prescri-Nature incite les professionnels de santé à promouvoir le temps passé dans la nature (avec un objectif de deux heures par semaine) comme un des piliers d’un mode de vie sain, au même titre que l’activité physique ou l’alimentation.10

Au Royaume-Uni, le projet «  Nature sur ordonnance  » vise à développer et évaluer des outils s’appuyant sur des activités en lien avec la nature pour soigner les personnes souffrant de troubles de la santé mentale.11 Les propositions sont relativement simples  : par exemple, modifier un trajet pour passer par un parc, faire une pause déjeuner à l’extérieur, planifier une sortie nature dans son agenda. Mais ces expériences soulignent l’importance d’accompagner les personnes pour les amener à mettre davantage de nature dans leur quotidien. En effet, il peut exister de nombreuses barrières pratiques (accessibilité, temps, condition physique), économiques ou culturelles et symboliques (manque de connaissance, d’intérêt). Il s’agit pour les personnes de se réapproprier la nature autour d’elles, en identifiant des lieux mais également en apprenant à connaître les espèces animales ou végétales et à apprécier leurs évolutions au fil des saisons. Localement, plusieurs structures peuvent proposer des sorties de découvertes historiques ou de la nature accessibles à tous, qui permettent de combiner marche, observation de la nature et lien social. De telles médiations peuvent aider à réduire les peurs et réticences, faire découvrir des lieux accessibles et faciliter l’inscription de la nature dans la vie quotidienne. De plus en plus d’écoles proposent également de telles activités aux enfants.

Influence souhaitable sur les politiques de santé publique et d’urbanisme

Sous la pression des activités anthropiques, les espèces animales et végétales disparaissent à une vitesse sans précédent. Le phénomène d’amnésie environnementale tend à nous faire accepter une telle situation comme normale et à ignorer les liens fondamentaux et vitaux entre une biodiversité riche et une bonne santé humaine. Pourtant, la nature apparaît de plus en plus comme un outil de promotion de la santé, à l’échelle collective via son aménagement dans le cadre thérapeutique, ou à une échelle individuelle.12 Les politiques de recherche scientifique, de santé publique et d’urbanisme devraient dorénavant tenir compte de l’importance de ces liens qui existent entre santé, fréquentation et appréciation des espaces de nature en ville. 

Références
1. World Health Organization. Regional office for Europe. Assessing the value of urban green and blue spaces for health and well-being. 2023. https://iris.who.int/handle/10665/367630 
2. Cameron RWF, Brindley P, Mears M, et al. Where the wild things are! Do urban green spaces with greater avian biodiversity promote more positive emotions in humans? Urban Ecosystems 2020;23:301-17. 
3. Antonelli M, Donelli D, Barbieri G, et al. Forest volatile organic compounds and their effects on human health: A state-of-the-art review. Int J Environ Res Public Health 2020;17(18):6506.
4. Rojas-Rueda D, Nieuwenhuijsen MJ, Gascon M, et al. Green spaces and mortality: A systematic review and meta-analysis of cohort studies. Lancet Planet Health 2019;3(11):e469-e477.
5. World Health Organization. Regional office for Europe. Urban green spaces and health: A review of evidence. 2016.
6. Geary RS, Thompson D, Mizen A, et al. Ambient greenness, access to local green spaces, and subsequent mental health: A 10-year longitudinal dynamic panel study of 2·3 million adults in Wales. Lancet Planet Health 2023;7(10):e809-e818.
7. Felappi JF, Sommer JH, Falkenberg T, et al. Green infrastructure through the lens of “One Health”: A systematic review and integrative framework uncovering synergies and trade-offs between mental health and wildlife support in cities. Science of the Total Environment 2020;748:141589.
8. Pascal M, Lagarrigue R, Corso M, et al. Agir sur les espaces verts, les mobilités actives, la chaleur, la pollution de l’air et le bruit : quels bénéfices pour la santé ? Évaluation quantitative des impacts sur la santé pilote sur trois métropoles. Rapport méthodologique 2024. https://urls.fr/nHdttX 
9. Giannico V, Spano G, Elia M, et al. Green spaces, quality of life, and citizen perception in European cities. Environ Res 2021;196:110922.
10. Prescri-Nature. Améliorez votre santé grâce à la nature. http://www.prescri-nature.ca/ 
11. Fullam J, Hunt H, Lovell R, et al. A handbook for nature on prescription to promote mental health 2021. https://urls.fr/Th94VH 
12. Santé publique France. Préserver la nature pour protéger la santé des populations. La Santé en action 2024;467. 

Dans cet article

Ce contenu est exclusivement réservé aux abonnés